Il est bien loin le temps où la petite ville de Kobanê redonnait de l’espoir à des dizaines de millions de Kurdes de vivre libres sur leurs terres en mettant fin à la colonisation du Kurdistan. En effet, hormis la victoire des Kurdes du Rojava entre 2015 (libération de Kobanê) et 2019 (libération de Raqqa), les Kurdes vont de défaites en défaites dans les 4 parties du Kurdistan occupé par la Turquie, l’Irak, l’Iran et la Syrie.
Après avoir été massacrés par DAECH au Rojava et à Shengal au début des années 2010, les Kurdes croyaient de nouveau à la libération du Kurdistan et à la fin du cycle des génocides kurdes centenaire. Malheureusement, l’espoir fut de courte durée.
Les Kurdes ont de nouveau été attaqués, d’abord au Kurdistan du Nord, avec la destruction de plusieurs localités kurdes par les forces armées turques pendant l’hiver 2015/2016, suite à la déclaration de l’autonomie locale. Depuis, des dizaines de milliers de militants kurdes ont été emprisonnés par le régime turc.
Un an plus tard, c’est le Kurdistan irakien qui fut dépecé suite à la référendum du 25 septembre 2017 organisé par les autorités kurdes demandant à la population si elle soutenait l’indépendance du Kurdistan d’Irak. Tandis que la Turquie et l’Iran rejetaient violement une telle initiative qui avait eu l’aval des Kurdes, les forces chiites pro-Iran attaquaient aussitôt plusieurs régions kurdes autour des régions de Mousoul et Kirkouk, chassant des centaines de milliers de Kurdes de leurs terres.
La Turquie, qui n’avait pas digéré la défaite de DAECH en Syrie et la révolution du Rojava embrassant les peuples de la région, attaquait en janvier 2018 le canton kurde d’Afrin, dans le nord de la Syrie. Après 3 mois de combats acharnés et le massacre de civils, la Turquie et ses mercenaires islamistes occupaient Afrin et sa campagne. Depuis, la région d’Afrin est devenue un paradis pour islamistes qui y ont imposé la charia et chassé la majorité des Kurdes de leurs terres.
Après l’invasion d’Afrin, la Turquie a envahi également la région de Serê Kanîyê, toujours dans le nord de la Syrie, en octobre 2019. Les forces commandées par la Turquie y ont commis les mêmes crimes de guerre et crimes contre l’humanité qu’elles avaient commis à Afrin précédemment.
Le régime syrien tente de son côté soumettre les Kurdes du Rojava avec le soutien russe. Pour ce faire, il a imposé l’embargo aux régions sous contrôle de l’alliance arabo-kurde et aux deux quartiers kurdes d’Alep qu’il affame depuis début avril en empêchant l’entrée des produits de première nécessité, dont de la farine, en plein mois de Ramadan.
Ces massacres visant les Kurdes ont été ignorés par la communauté internationale au Rojava, dans le nord de la Syrie, car la Turquie est un membre important de l’OTAN et de l’Occident. Mais la Russie a également trahi les Kurdes en laissant la Turquie envahir Afrin alors que l’espace aérien d’Afrin était contrôlé par la Russie…
La Turquie étant persuadée que la communauté internationale n’interviendra jamais pour l’empêcher de massacrer les Kurdes, aujourd’hui, elle s’en prend à d’autres régions du Rojava mais aussi dans le nord de l’Irak où est basé le PKK, l’ennemi juré de la Turquie. Mais sur ce front, la Turquie a un allié local, le PDK du clan Barzanî qui est empêtré dans des scandales de corruptions et de népotisme qui est décrié par sa propre population.
Se sentant sur la sellette, le clan Barzanî qui dirige le Kurdistan irakien a trouvé le « salut » en soutenant ouvertement le régime turc dans sa guerre actuelle avisant le PKK dans le nord du Kurdistan irakien, alors même que les autorités irakiennes dénonçaient l’invasion turque à l’intérieur des territoires irakiens! En parallèle à l’invasion turque au Kurdistan irakien, le premier ministre du Gouvernement régional du Kurdistan (KRG) Masrour Barzani s’est rendu d’abord en Turquie pour rencontrer Erdogan et le chef des renseignements turcs (MIT) avant de se rendre à Londres, le 18 avril dernier, pour rencontrer son homologue britannique Boris Johnson. Pour les Kurdes, ces visites étaient la preuve supplémentaire que le clan Barzanî s’alliait aux ennemis des Kurdes pour se maintenir au pouvoir, qu’importe si la région passe sous la domination turque et qu’à terme, la Turquie rayera de la carte le Kurdistan irakien…
Au Kurdistan iranien, la situation n’est guerre mieux où la population est condamnée à la pauvreté et réprimée par un régime sanguinaire qui continue à emprisonner et exécuter les activistes kurdes.
Après la victoire de Kobanê et la révolution du Rojava, les Kurdes s’étaient de nouveau approchés de la liberté. Mais à la lumière de ce qui se passe au Rojava, Kurdistan irakien, au nord du Kurdistan… il semblerait qu’on va devoir attendre la naissance du phénix kurde qui finira un jour par arriver. En attendant, le Kurdistan s’enfonce toujours plus dans les ténèbres après l’éclaircie des années 2010 qu’on avait surnommé « le printemps kurde » …