TURQUIE / BAKUR – En Turquie, y compris dans les régions kurdes du Kurdistan du Nord, les disparitions des Kurdes/alévis/yézidis, Arméniens, Assyriens, Grecs… – tous rescapés des génocides ethniques commis par l’empire ottoman / la Turquie d’Ataturk – et d’opposants au régime en place sont monnaie courante depuis un siècle. Les auteurs de ces disparitions forcées sont les forces paramilitaires turques (JITEM), la police ou les services secrets turcs (MIT). Mais, dans presqu’aucune de ces disparitions, l’État turc n’a reconnu les faits. Il préfère accuser (sans surprise) la guérilla kurde, même quand il s’agit des Kurdes soutenant le PKK! La disparition du couple chaldéen Şimuni Diril et Hürmüz Diril en janvier 2020 est un des exemples des dernières disparitions impliquant les paramilitaires turcs.
Le couple chaldéen Şimuni et Hürmüz Diril du village Kovankaya/Mehre, dans la province kurde de Şirnak/Beytüşşebap, ont été enlevé (par des paramilitaires turcs?) le 11 janvier 2020. Le corps de Şimuni a été retrouvé le 20 mars 2020, au bord d’un ruisseau près de la maison du couple, mais pas celui d’Hurmuz, 601 jours après sa disparation. Depuis, les enfants du couple Diril demandent à ce que les autorités turques retrouvent Hürmüz Diril (et les meurtriers de Simuni).
La disparation tragique du couple Diril
Tout de suite après la disparation d’Hürmüz Diril et Şimuni Diril, les médias proches du gouvernement se sont empressés de déclarer que le couple avait été enlevé par des combattants du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), une version qui n’a pas convaincu la famille Diril. Plusieurs jours après les faits, un parent et voisin du couple avait déclaré à la police avoir vu trois personnes vêtues d’uniformes de guérilleros enlever l’homme et la femme. Pour se justifier de ne pas avoir prévenu la police le jour-même, il avait dit ne pas avoir disposé de réseau mobile au moment des faits. Par la suite, ce témoin avait changé sa version des faits, affirmant cette fois-ci avoir vu le couple, pour la dernière fois, sortant seul de sa maison. Les enfants du couple avaient de leur côté soulevé à plusieurs reprises l’incohérence de ces témoignages et dénoncé l’absence de diligence des autorités pour retrouver les victimes. Quand au PKK, il a déclaré que le couple a été certainement kidnappé par des forces paramilitaires turques…
La famille est de confession assyro-chaldéenne. Chrétiens d’Orient, les Diril sont parmi les rares rescapés d’une communauté qui fut décimée entre 1915 et 1920, dans le sillage du génocide des Arméniens de l’Empire ottoman.
En 1989, le malheur frappe à nouveau les habitants de Kovankaya, contraints à l’exode en raison de la guerre qui fait rage entre l’État turc et la [guérilla kurde]. Fuir est la seule issue tant la vie quotidienne est devenue impossible. Les habitants sont comme pris en otage, entre la guérilla kurde qui leur réclame un soutien minime, nourriture, abri, et les forces de l’ordre qui les répriment au moindre morceau de pain donné », écrivait la journaliste Marie Jégo dans son article « En Turquie, disparition tragique et mystérieuse d’un couple de chrétiens d’Orient publié » par Le Monde, le 26 mars 2020)