PARIS – Les Kurdes syriens qui « gèrent » les camps où sont détenus les familles et combattants du groupe terroriste État Islamique (EI / ISIS / DAECH) l’ont répété maintes fois: ces camps abritant des dizaines de milliers de femmes, enfants et combattants sont devenus un terreau où l’idéologie islamiste est bien nourri avec des nouvelles générations de terroristes élevées par des femmes qui sont prêtes à commettre les pires barbarie au nom du « Califat ».
Les journalistes français Nicolas Delesalle et Frédéric Lafargue qui se sont rendus dans certains de ces camps ont vu de leurs propres yeux cette menace terroriste que l’Occident et l’Europe préfèrent cacher à leurs citoyens, mais jusqu’à quand?
« Qu’ils crèvent là-bas. Qu’on ne les revoie jamais. Voilà ce que je lis souvent sur les réseaux à propos des familles de Daech emprisonnées dans les camps sous la surveillance des Kurdes qui les ont combattus sur le terrain. Et je comprends cette réaction épidermique. Daech nous a meurtris, tous, à un instant ou à un autre, directement ou par ricochet.
Pourtant, en allant en Syrie, en rencontrant ces gens, car, en dépit de tout, il s’agit bien d’êtres humains, il ne faut pas être bien malin pour comprendre plusieurs choses. Les camps sont les usines où se façonnent les terroristes de demain, où l’idéologie extrême de l’Etat islamique prospère, dans la misère, les chiottes bouchées, les virus, sur les paillasses des enfants qui crèvent de maladie sous un soleil de plomb, par 45 degrés. Il faut les voir ces gamins en guenilles pleins de fureur mimer l’égorgement et lancer des pierres en vous fixant dans les yeux. 70000 personnes vivent dans le camp d’Al Hole, les deux-tiers sont des enfants emprisonnés deux fois : entre les barrières physiques du camp, dans l’idéologie mortifère de leurs parents.
A Roj camp, on a aussi rencontré les veuves des frères Clain, ceux-là même qui ont revendiqué les attentats de Paris. Rencontres surréalistes. Il me faudra du temps pour foutre des mots dessus. Mais j’ai compris que ces femmes n’ont pas dévié d’un iota. Pour elles, nous sommes l’ennemi sanguinaire, les tueurs, ceux qui ont assassiné leurs maris ou leurs enfants. Pas d’excuse. Pas de repentir. Elles ne veulent pas rentrer. Elles rêvent du retour de Daech. De la fureur contenue, encore. Comme 80 % des femmes des camps, ces veuves se sont encore endurcies à l’épreuve de cette détention arbitraire sans statut juridique. Pas de procès prévus. Pas de retour pour être jugées en France.
Reste à peu près 20 % de femmes repenties, qui veulent rentrer, être jugées, faire leur peine, recommencer leur vie. Elles fument et écoutent de la musique en cachette, avec tous les jours, la peur au ventre. Beaucoup sont battues ou assassinées. Il faudra un jour regarder en face ce qu’il se passe là-bas ; faire face aujourd’hui pour protéger demain », a
écrit le journaliste Nicolas Delesalle sur Facebook au sujet de leur reportage publié cette semaine dans Paris Match