TURQUIE / BAKUR – AMED – Lors de la douzième audience du meurtre de Kemal Kurkut, tué par un policier lors des célébrations de Newroz à Amed le 21 mars 2017, le tribunal a ordonné l’acquittement du suspect. Une décision qui ne surprend aucun Kurde car en Turquie, la justice défend l’État turc contre les Kurdes.
La douzième audience du procès de l’affaire Kurkut* s’est tenue devant la 7e Cour pénale de Diyarbakır (Amed). Le tribunal a acquitté le suspect Y.Ş., poursuivi pour
« un possible meurtre intentionnel », et a décidé de déposer plainte pénale contre 72 policiers présents sur les lieux du crime afin d’identifier l’ « éventuel suspect ». Histoire d’étaler l’affaire dans le temps, pour finir par le classer sans suite…
Meurtre de Kemal Kurkut, énième crime raciste visant les Kurdes en Turquie
Le 21 mars 2017, Kemal Kurkut, un étudiant kurde de 22 ans, a été abattu par un policier turc, devant des dizaines de journalistes et une foule rassemblée pour célébrer le Nouvel-An kurde, à Amed (Diyarbakir).
Après le meurtre de Kemal Kurkut, les policiers ont immédiatement confisqué les appareils des journalistes pour effacer les images afin de cacher leur crime. Mais le journaliste Abdurrahman Gök a réussi à cacher la carte de son appareil dans la poche arrière de son pantalon. Ainsi, quand les policiers ont fouillé son matériel, ils n’ont rien trouvé tandis que le journaliste leur a menti en disant qu’il n’avait pas eu le temps de prendre des images…
Des images qui rendent impossible le camouflage du meurtre
Les autorités turques, croyant avoir détruit les preuves du meurtre de Kemal Kurkut, ont fait une première déclaration affirmant que Kemal Kurkut était un kamikaze neutralisé par la police avant qu’il commette un attentat visant la fête de Newroz. Mais, le journaliste Abdurrahman Gök présente aussitôt les images du meurtre de Kurkut à la presse et à la justice turque, balayant les déclarations mensongères des autorités turques. Depuis, il est poursuivi par la justice turque qui l’accuse d’être « membre d’une organisation terroriste [PKK] ».
Des images au secours de la famille Kurkut
Grâce aux images prises par le journaliste Abdurrahman Gök, la famille de Kemal Kurkut a pu porté plainte contre le policier qui a abattu le jeune homme il y a 3 ans et demie. Mais, malgré les images prises par les journalistes et des véhicules de police sur place, ainsi que des vidéos de surveillance des commerces voisins, montrant le moment où Kurkut a été abattu de sang froid par un policier turc, la justice turque refuse de condamner le policier et cherche d’autres subterfuges, comme la balle du policier qui aurait rebondit et touché Kurkut, sans que le policier ait eu l’attention de le viser, etc.
9 ans de prison pour le policier assassin, 20 ans pour le journaliste qui a pris des photos
Depuis, la famille de Kemal remue ciel et terre pour obtenir justice. Au bout de 10 audition, le procureur turc a demandé une peine de 3 ans à 9 ans de prison pour l’accusé Yakup Şenocak pour avoir « causé la mort par négligence délibérée ». La famille de Kurkut dit ne pas croire en la justice turque, quelque soit l’issus du procès, à cause du racisme anti-kurde étatique en Turquie.
Le procès contre le journaliste Gök débutera en février
Le journaliste Abdurrahman Gök, dont les photos ont été sacrées lors du Prix du journalisme Musa Anter et des Martyrs de la presse libre et du Prix du journalisme Metin Göktepe en 2017, sera devant la justice turque le 23 février 2021.
La première audience de l’affaire visant Gök accusé d’ « appartenance à une organisation terroriste » et de » faire la propagande en faveur d’une organisation terroriste » sur la base des appels téléphoniques qu’il a passés avec des sources d’information, des publications sur les réseaux sociaux et les articles qu’il a écrits, aura lieu le 23 février 2021 à Diyarbakır.
Alors qu’on est d’ors et déjà sûr que le policier criminel pourra échapper à la prison grâce à la clémence de la justice de son pays, Abdurrahman Gök qui a photographié la scène du crime risque 20 ans de prison…
Pas de justice pour les Kurdes en Turquie
Dans un pays où les Kurdes sont considérés comme des « ennemis » de l’Etat, « menaçant l’intégrité du pays » car ils revendiquent leurs droits élémentaires comme parler leur langue, vivre leur culture et s’auto-gouverner, comment peut-on obtenir justice en tant que Kurde ? Jusqu’à présent, d’innombrables meurtres racistes visant les Kurdes ont été commis en Turquie. D’aucun de ces crimes n’a été puni tel-quel par la justice turque.
Certaines de ces affaires ont été portées devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) où l’Etat turc a été condamné régulièrement. Mais rien ne change à l’intérieur des frontières turques, surtout au Kurdistan colonisé par la Turquie. Les Kurdes sont victimes du racisme d’Etat institutionnalisé et c’est pourquoi la justice turque ne peut être impartiale quand elle a devant elle un dossier relevant du racisme étatique.