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TURQUIE. « Il faut une commission de recherche de la vérité sur le massacre de Madimak »

TURQUIE / KURDISTAN – Il y a 32 ans, des islamistes ont commis un massacre dans la province kurde de Sivas en brûlant vives 35 personnes, essentiellement des Alévis réunis pour le festival Pir Sultan Abdal, en mettant le feu à l’hôtel Madimak. Le jeune musicien kurde, Hasret Gultekin, 22 ans, était parmi les victimes de ce crime haineux. 

Les associations démocratiques alévis (en kurde: Komeleyên Elewiyan a Demokratîk) ont commémoré les victimes du massacre de Madimak à l’occasion du 32e anniversaire d’attaque islamiste ayant ciblé les Alévis à Sivas et exigé que l’Etat turc confronte son passé en créant une « Commission de recherche de la vérité » sur ce qui s’est passé à Sivas le 2 juillet 1993.

Logo de DAD

Les Associations démocratiques alévies (DAD) ont publié une déclaration écrite à l’occasion du 32e anniversaire du massacre de Madımakµ. Cette déclaration soulignait que le massacre de Madımak* était un Karbala moderne et déclarait : « Si l’on considère l’ampleur du massacre qui se déroule actuellement en Syrie, on constate la persistance de la mentalité Nehak qui cherche à maintenir les Alévis sous l’emprise d’un Karbala en activité constante. » 

Le communiqué, qui rappelle que le massacre de Madımak n’est pas un événement qui peut être étouffé et oublié sous des prétextes tels que la prescription, souligne que: « Le massacre de Madımak est un massacre de grande ampleur, ouvertement planifié, organisé et organisé avec la permission de l’État. Notre société exprime cette vérité choquante par l’expression : ‘Il n’y a pas de prescription pour brûler des gens’. Ce massacre, expression claire de la haine contre les Alévis et les différences, est une vérité douloureuse qui doit être affrontée non seulement du passé mais aussi du présent. Ce qui s’est passé à l’hôtel Madımak n’est pas un crime haineux isolé ; c’est un massacre qui est le produit d’une discrimination systématique, du déni et de l’impunité contre les Alévis et les différentes croyances et identités. Si l’on considère conjointement les massacres de Koçgiri en 1921, de Dersim en 1937-1938, de Maraş en 1978, de Çorum en 1980, de Gazi en 1995 et d’autres, cette chaîne de violence historique à laquelle la communauté alévie de Rêya Heq a ​​été exposée montre non seulement le côté sombre d’une époque, mais aussi montre la mentalité d’un État qui évite la confrontation (…) ».

Le communiqué a souligné que justice n’a toujours pas été rendue malgré les 32 années écoulées depuis le massacre de Madımak, et a poursuivi :

« Certains meurtriers ont bénéficié de l’impunité, d’autres ont été exfiltrés clandestinement vers l’étranger, les affaires en cours étaient prescrites et les véritables coupables n’ont jamais été traduits en justice. Au contraire, sous l’AKP, les auteurs étaient assignés à des institutions étatiques. Il est impératif que les véritables responsables du massacre de Madımak soient révélés et jugés, que l’hôtel soit transformé en musée de la honte et que tous les traumatismes de la mémoire historique de la communauté alévie soient affrontés afin de construire une Turquie démocratique. Affronter ces massacres est une responsabilité incontournable, non seulement envers le passé, mais aussi envers l’avenir. La solution durable à la polarisation, à la discrimination et aux conflits sociaux que nous connaissons aujourd’hui passe par une confrontation sincère et démocratique avec ces pages historiques douloureuses. »

 

*Le massacre de Sivas /Madimak (en turc : Madımak Olayı ou Sivas Katliamı)

Le 2 juillet 1993, après la prière du vendredi, plus de 15 000 islamistes appelant à la charia et à la mort d’infidèles se sont réunis autour de l’hôtel Madımak, dans la ville de Sivas, en Turquie, où les participants du festival alévi Pir Sultan Abdal étaient logés.

Les islamistes protestaient au début contre la présence dans l’hôtel de l’écrivain Aziz Nesin, qui a traduit et publié les « Versets sataniques » de Salman Rushdie et critiqué l’Islam. Mais la protestation s’est transformée en une attaque violente et finalement, ils ont mis le feu à l’Hôtel Madimak.
 
Aziz Nesin a été sauvé par les forces de sécurité, mais 33 autres intellectuels et 2 hôteliers ont été tués (Deux assaillants sont également morts lors de l’attaque, ce qui porte à 37 le nombre de morts total). Les forces de sécurité ont été critiquées pour ne pas avoir arrêté la foule.
 
Le massacre de Sivas a visé non seulement Aziz Nesin et les versets sataniques, mais aussi la minorité alévie qui est la deuxième plus grande communauté religieuse en Turquie persécutée depuis des décennies.
 
Quelque 85 suspects ont été condamnés à des peines allant de deux à quinze ans de prison, tandis que 37 autres suspects ont été acquittés en décembre 1994, pour « tentative d’établir un Etat théocratique en renversant l’ordre constitutionnel laïque. »

La Cour d’appel a infirmé cette décision en déclarant que le massacre était dirigé contre « la république, la laïcité et la démocratie ». Le 13 mars 2012, la Cour pénale d’Ankara a abandonné l’affaire du massacre de Sivas pour cause de prescription. En mars dernier, on apprenait par les médias que 17 personnes condamnées pour leur participation au massacre de Madimak ont été remises en liberté.
 
Des mesures de sécurité spéciales sont prises chaque année le 2 juillet alors que des milliers de personnes arrivent à Sivas pour rendre hommage aux 33 victimes devant l’hôtel Madimak.