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ROJAVA. De l’exclusion à l’autonomisation: le rôle des femmes au nord-est de la Syrie

SYRIE / ROJAVA – Alors qu’on s’apprête à célébrer la Journée internationale des Femmes, 8 mars, la militante kurde, Arin Sweid revient sur la place centrale des femmes dans la révolution du Rojava. Des femmes tenues éloignées des instances politiques, sociales et militaires qui écrivent l’histoire moderne du pays avec courage et détermination.

Voici le texte d’Arin Sweid:

Rôle des femmes au nord-est de la Syrie : de l’exclusion à l’autonomisation

Au XXIe siècle, les femmes syriennes ont connu de profondes transformations, influencées par des facteurs politiques, sociaux et économiques. Les conflits prolongés et les crises économiques les ont soumises à de graves difficultés, exacerbant leurs souffrances et limitant leur capacité à jouer un rôle actif dans la société. Cependant, malgré ces défis, de nombreuses femmes ont réussi à briser les barrières sociales et à émerger comme des figures influentes dans divers domaines, notamment la politique, l’économie et l’activisme social.

 Leadership des femmes dans l’administration autonome du nord et de l’est de la Syrie

 Depuis la création de l’administration autonome en 2014, les femmes du nord et de l’est de la Syrie ont joué un rôle de pionnière dans de nombreux secteurs. Elles ont occupé des postes clés dans les conseils locaux et les organes administratifs, jouant un rôle décisif dans la gouvernance et la prise de décision.

En outre, elles ont contribué de manière significative à l’éducation, au développement économique et à la sécurité, notamment par l’intermédiaire des Unités de protection des femmes (YPJ), qui jouent un rôle crucial dans le maintien de la stabilité et la protection des communautés.

 Ces évolutions soulignent le potentiel des femmes à diriger et à provoquer des changements lorsqu’elles en ont l’occasion. L’adoption d’un système de coprésidence, dans lequel hommes et femmes se partagent à parts égales les responsabilités de direction, est une caractéristique distinctive de la gouvernance dans le nord et l’est de la Syrie. Ce modèle, sans doute sans équivalent dans le monde, institutionnalise l’égalité des sexes et garantit aux femmes un rôle équitable dans les processus de prise de décision.

 Droit de la famille : une avancée majeure pour les droits des femmes

 L’une des avancées juridiques les plus importantes pour les femmes sous l’administration autonome a été la promulgation de lois familiales progressistes. Ces lois établissent non seulement l’égalité des sexes, mais vont plus loin en interdisant la polygamie et les mariages forcés tout en garantissant les droits des femmes en matière de garde et d’héritage. Ces mesures ont renforcé la position des femmes au sein de la société et offert des protections juridiques contre la violence domestique.

 Cependant, la connaissance de ces droits légaux reste limitée en raison de barrières culturelles et éducatives, ainsi que de normes sociales profondément ancrées qui continuent d’empêcher les femmes d’exercer pleinement leurs droits. Il est urgent de mener des campagnes de sensibilisation complètes, non seulement pour informer les femmes de ces lois, mais aussi pour leur donner les moyens d’utiliser ces cadres juridiques comme des outils de justice et de protection dans leur vie quotidienne.

 L’influence idéologique du leader Abdullah Öcalan sur les droits des femmes

 Toute discussion sur les droits des femmes dans le nord et l’est de la Syrie serait incomplète sans reconnaître l’influence idéologique du leader Ocalan, détenu en isolement dans la prison d’Imrali depuis 1999. Malgré son emprisonnement, la philosophie du leader reste une force directrice dans la lutte pour la libération des femmes, soulignant que la véritable liberté sociétale ne peut être atteinte sans l’émancipation des femmes.

 La vision du leader Öcalan est résumée dans ses déclarations :

 « Pas de liberté dans une société si les femmes sont opprimées. »

 « La libération des femmes est le fondement d’une société démocratique et libre. »

 « Les femmes ne sont pas seulement la moitié de la société ; elles sont la force qui lui donne vie et qui la renouvelle. »

 Ce cadre idéologique a transformé les femmes de récipiendaires passives de droits en agents actifs du changement, façonnant une société plus juste et plus équitable où elles reprennent la place qui leur revient en tant que leaders et innovatrices.

 Autonomiser les femmes grâce à l’éducation et aux initiatives économiques

 Les femmes leaders du nord et de l’est de la Syrie ont joué un rôle essentiel dans la sensibilisation et l’éducation en créant des centres de formation, en organisant des ateliers sur les droits des femmes et en encourageant la participation des femmes à la vie publique. De nombreuses initiatives locales ont également été lancées pour soutenir les femmes sur le plan économique par le biais de projets à petite échelle, contribuant ainsi à améliorer leurs conditions de vie et leur indépendance financière.

 Malgré les difficultés auxquelles les femmes syriennes sont confrontées, elles ont fait preuve d’une résilience et d’une détermination remarquables, en particulier dans le nord et l’est de la Syrie, où elles ont bénéficié de plus grandes possibilités de participation. Cependant, parvenir à une pleine égalité des sexes reste un combat permanent qui nécessite des efforts continus en matière d’éducation, de réforme juridique et de plaidoyer social pour consolider le rôle des femmes en tant que partenaires égales dans la construction de l’avenir.

 Défis futurs et montée des menaces extrémistes

 Au vu des récents développements politiques, et notamment de l’arrivée au pouvoir de Hay’at Tahrir al-Sham (HTS) à Damas, l’avenir des femmes syriennes suscite de plus en plus d’inquiétudes. Compte tenu de l’idéologie extrémiste de HTS, qui s’oppose fondamentalement aux droits des femmes et à leur participation à la vie publique, ces craintes sont fondées.

 À ce tournant critique de l’histoire de la Syrie, il est impératif d’intensifier la lutte féministe et de préserver les acquis durement acquis par les femmes du nord et de l’est de la Syrie. Les principes établis par l’administration autonome ne doivent pas être compromis ou renversés sous le poids de l’idéologie extrémiste. La longue et difficile lutte pour les droits des femmes ne peut être abandonnée. Au contraire, les efforts doivent être redoublés et la résistance collective renforcée pour faire face aux défis imminents.

 Les femmes doivent rester au cœur de tout projet démocratique, en tant que pierre angulaire d’une société juste et inclusive. Ce n’est qu’en s’engageant sans faille en faveur de l’égalité des sexes que l’avènement d’une Syrie véritablement démocratique et libérée sera possible. (ANHA)