MARSEILLE – Le samedi 3 août, l’Assemblée Démocratique du Peuple Kurde de Marseille organise une commémoration pour le 10e anniversaire du génocide yézidi commis par DAECH en août 2014. (RDV à 10 heures, au Vieux-Port).
Le génocide de 2014
Jusqu’en juin 2014, le contrôle militaire de la région de Şengal a été assuré par les forces tant du GRK que du gouvernement fédéral irakien. Après que la ville de Mossoul soit tombée aux mains de Daech le 10 juin, l’armée irakienne s’est retirée du Shengal en direction du sud, laissant derrière elle des armes et du matériel militaire. En réaction, les Pêşmerga du PDK se sont installés dans les positions libérées. Ils se sont emparés des moyens de combat laissés derrière eux, brièvement appropriés par la population locale, en promettant de défendre la région contre Daech.
Lorsque ce dernier a attaqué la région dans la nuit du 3 août, les Pêşmerga (pashmargah) se sont retirés sans combattre à Hewlêr (Erbil), avec les armes confisquées, laissant la population à la merci de l’agresseur. Les Êzîdis tombés aux mains de Daech ont été victimes d’exécutions de masse, de viols et de mise en esclavage. Le nombre de morts est estimé par différentes sources entre 5 000 et 10 000. Jusqu’à présent, 81 fosses communes ont pu être localisées dans la région dont seulement une partie a été ouverte à ce jour. Environ 7 000 femmes ont été emmenées en esclavage ; certaines d’entre elles sont toujours détenues par des partisans de Daech dans d’autres pays. Entre 2 700 et 2 800 personnes sont toujours portées disparues.
Malgré un armement sommaire, une résistance acharnée a été menée pendant des heures par les habitants de plusieurs villages êzidis, en particulier Gir Zerik et Sîba Şêx Xidir. Des milliers de personnes ont ainsi pu fuir. Environ 50 000 personnes ont réussi à se sauver et se mettre sous la protections des montagnes du Şengal malgré la chaleur et les privations d’eau et de nourriture. Elles ont continué à être défendues par la population êzidie armée et une poignée de combattants des Forces de défense du peuple (HPG), la guérilla du PKK. Le 6 août, des renforts de combattants des Unités de défense du peuple et des femmes (YPG/YPJ) sont arrivés du Rojava. Soutenues par les frappes aériennes de la coalition internationale anti-EI, ces forces ont réussi à ouvrir une voie de fuite vers le nord-est de la Syrie du 9 au 11 août, permettant à environ 35 000 personnes de fuir. Environ 15 000 Êzidis sont restés dans leurs montagnes pour poursuivre la résistance.
Organisation de l’auto-défense
Grâce à l’expérience du PKK/HPG et des YPG/YPJ, les unités d’autodéfense êzîdies naissantes dans les montagnes du Şengal ont pu être mieux organisées. C’est ainsi que les unités de résistance de Şengal (YBŞ, Yekîneyên Berxwedana Şengalê) ont pu être créées après quelques jours. Les structures militaires associées, composées exclusivement de femmes, ont d’abord été appelées YPJ-Şengal, unités de défense des femmes Şengal, selon le modèle du Rojava. Elles ont toutefois changé de nom par la suite pour devenir les Unités des femmes de Şengal (YJŞ, Yekîneyên Jinên Şengalê).
D’autres groupes de combattants sont restés autonomes et ont rejoint plus tard les Hachd al-Chaabi, une organisation parapluie regroupant différents acteurs opposés à Daech, sans autre programme politique cohérent. Alors que les Hachd al-Chaabi ont été fondés sous l’impulsion de l’ayatollah chiite al-Sistani et sont largement associés dans leur ensemble à l’Iran, également marqué par le chiisme, cela ne se reflète que très partiellement dans leur présence en Şengal. La plus grande partie des groupes de Şengal qui y sont intégrés est composée de populations d’origine êzidie. Formellement, les YBŞ/YJŞ sont également rattachés aux Hachd al-Chaabi depuis 2017 et constituent ainsi leur 80e régiment (appelé “foc”). Les relations avec les autres régiments Hachd al-Chaabi sont bonnes, mais l’autorité sur YBŞ/YJŞ reste de facto entre les mains de leur propre commandement.
Grâce à l’expérience du PKK/HPG et des YPG/YPJ, les unités d’autodéfense êzîdies naissantes dans les montagnes du Şengal ont pu être mieux organisées.
Depuis leurs débuts déjà, la spécificité des YBŞ/YJŞ par rapport aux armées d’État s’exprime avant tout par leur haute exigence idéologique. Les YBŞ/YJŞ se réfèrent aux idées du confédéralisme démocratique et au concept d’autodéfense légitime d’une société qui y est associé. Ils se conçoivent comme un moyen de mettre en œuvre la protection de leur population conformément à sa volonté et sont rattachés pour cela à l’organe politique du Conseil démocratique autonome de Şengal (MXDŞ). Afin de prévenir les abus de pouvoir dans leurs propres rangs, une réflexion de critique et d’autocritique constantes sont menées au sein de ces unités militaires ; la critique et l’autocritique sont considérées comme une valeur centrale. Un conseil de direction de 50 personnes et un commandement de 15 personnes sont élus lors d’une conférence spécifique, à laquelle toutes les unités envoient des délégués élus. Bien entendu, comme tous les membres, les dirigeants font l’objet de critiques concernant leur travail et leur comportement. En cas de problèmes récurrents ou d’erreurs graves, une commission est créée qui peut décider des conséquences. Il est par exemple possible d’obliger les personnes concernées à participer à des formations spéciales ou de révoquer des cadres en cas de faute particulièrement grave.
Un autre principe idéologique central est la libération et la volonté propre des femmes. Dans les YJŞ, les femmes s’organisent pour cela en unités autonomes et avec leur propre commandement. (Via le réseau Serhildan)