TURQUIE / KURDISTAN – En parallèle au verdict inique ciblant le mouvement politique kurde dans l’affaire dite « Kobanê », le régime turc a instauré un « couvre-feu » dans toutes les régions kurdes en interdisant les rassemblements. Il imagine qu’il pourrait endiguer la colère de la population kurde avec les interdictions qui rappellent l’État d’urgence des années 1990 instauré au Kurdistan du Nord où l’armée turque a commis des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, notamment, en brûlant et en dépeuplant plus de 4000 villages kurdes.
Diyarbakir (Amed), Batman (Elih), Bingol, Dersim, Mardin, Van, Sirnak, Agri ,Siirt (Sêrt)… Erdogan a interdit les rassemblements et manifestations dans toutes les provinces kurdes alors que le verdict du Procès Kobanê a créé une onde de choque chez les Kurdes, au-delà du Kurdistan colonisée par la Turquie. Malgré l’interdiction de rassemblement, des jeunes Kurdes ont défilé la nuit dernière à Amed et dans la province méridionale d’Adana.
Retour sur l’Affaire Kobanê
En septembre 2014, l’Etat islamique, qui contrôlait alors une partie importante du territoire syrien, a lancé une attaque contre Kobanê, la ville kurde du nord de la Syrie, située près de la frontière avec la Turquie.
Fin septembre, un groupe de personnes s’est rendu à Suruç, une ville voisine de Kobanê dans la ville à majorité kurde d’Urfa, et a tenté de traverser la frontière. La police les a empêchés en utilisant des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc.
Des photos montrant prétendument des milices de l’Etat islamique entrant en Syrie ont été publiées les mêmes jours.
Le président Recep Tayyip Erdoğan a également fait des déclarations indiquant qu’il assimilait le PKK à l’Etat islamique. Tandis que les blessés venant de Kobanî attendaient à la frontière, les blessés de l’Etat islamique étaient soignés dans les hôpitaux. Plusieurs informations faisant état de la chute de la ville ont été démenties.
Après que le HDP ait appelé à descendre dans la rue contre un éventuel massacre à Kobanî, des milliers de personnes ont manifesté dans les provinces à majorité kurde ainsi qu’à Ankara et Istanbul. Si les partis de gauche ont également soutenu ces manifestations, des décès sont également survenus avec le début des violences policières. Des conflits de rue s’ensuivent. 42 personnes ont perdu la vie du 6 au 12 octobre 2014.
Selon un rapport de l’Association des Droits de l’Homme (IHD), 46 personnes sont mortes, 682 personnes ont été blessées et 323 personnes ont été arrêtées lors des manifestations organisées entre le 7 et le 12 septembre 2014. Comme le rapporte l’AA, 31 personnes ont perdu la vie, 221 citoyens et 139 policiers ont été blessés.
L’acte d’accusation
Le parquet général d’Ankara a préparé un acte d’accusation concernant les manifestations de Kobanî qui ont eu lieu du 6 au 8 octobre 2014.
108 personnes, dont l’ancien coprésident du Parti démocratique des peuples (HDP) Selahattin Demirtaş (condamné à un total de 42 ans de prison) figuraient parmi les « suspects ».
L’acte d’accusation vise à punir tous les suspects pour « trouble à l’unité et à l’intégrité territoriale de l’État », « meurtre », « tentative d’assassinat », « brûler le drapeau » et « violation de la loi sur la protection d’Atatürk ».
Préparé par le Bureau d’enquête sur les crimes terroristes du parquet général d’Ankara, l’acte d’accusation a été transmis au 22e tribunal pénal lourd d’Ankara. Le tribunal a accepté l’acte d’accusation le 7 janvier 2021.