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RSF: En Turquie, le pluralisme des médias est plus que jamais remis en cause

LIBERTÉ DE LA PRESSE. Censure des médias, arrestation massive de journalistes kurdes, une justice à la botte du pouvoir qui musèle médias et journalistes critiques ou indépendants qui s’intéressent aux affaires de corruptions ou de clientélisme politique impliquant le président Erdogan… Reporters sans frontières (RSF) qui a Classement mondial de la liberté de la presse 2024 s’inquiète de l’« autoritarisme gagnant du terrain en Turquie, le pluralisme des médias est plus que jamais remis en cause. Tous les moyens sont bons pour affaiblir les plus critiques ».
 
Reporters sans frontières (RSF) a publié le Classement mondial de la liberté de la presse 2024, plaçant la Turquie au 158e rang sur 180 pays. Ce classement marque une légère amélioration par rapport à la 165ème place de l’année précédente, mais RSF prévient qu’il ne faut pas y voir une évolution positive de la liberté de la presse dans le pays.
 
L’organisation a souligné que la hausse de l’indice de la Turquie est attribuée au déclin d’autres pays, notamment dans les indicateurs « politiques » et « sécuritaires ». Des pays comme l’Inde, l’Azerbaïdjan, la Russie, la Biélorussie et le Bangladesh ont connu des revers importants, qui ont, par inadvertance, amélioré la position de la Turquie.
 
Voici le tableau de l’état de la liberté de la presse en Turquie en 2024 dressé par RSF:

 

Paysage médiatique

 
Alors que 90 % des médias nationaux sont sous le contrôle du pouvoir, l’opinion publique s’est tournée, ces cinq dernières années, vers des médias critiques ou indépendants de divers bords politiques tels que Fox TV, Halk TV, Tele1, Sözcü mais aussi des sites d’information locaux ou internationaux (BBC Turkish, VOA Turkish, Deutsche Welle Turkish, etc.), pour s’informer sur l’impact de la crise économique et politique sur le pays.
 

Contexte politique

 
La période des élections de 2023, remportées par Recep Tayyip Erdogan, a été marquée par l’arrestation de dizaines de journalistes kurdes. Cependant, ni la censure presque systématique sur Internet, ni les poursuites abusives contre les médias critiques, ni l’instrumentalisation de la justice n’ont permis, jusque-là, à “l’hyperprésident” de redresser sa cote de popularité, alors qu’il est mis en cause dans une vaste affaire de corruption et de clientélisme politique.
 

Cadre légal

 
Les pratiques discriminatoires vis-à-vis des journalistes et médias critiques, comme la privation de la carte de presse, sont monnaie courante. Les juges à la botte du pouvoir tentent de limiter le débat démocratique en censurant les articles en ligne traitant, notamment, de la corruption. Dans ce contexte difficile, une partie de la profession tente de rester fidèle à sa mission d’informer en toute indépendance et réclame la reconnaissance d’un “médiateur des médias” (ombudsman). La nouvelle législation sur la “désinformation” représente un instrument de plus dans l’arsenal répressif du pouvoir.
 

Contexte économique

 
Le gouvernement et les compagnies privées proches du pouvoir favorisent les médias qui leur sont favorables en termes d’annonces publicitaires et de subventions, ce qui menace le pluralisme des médias. Le Conseil chargé des annonces publiques (BIK) exerce une pression financière sur les quotidiens récalcitrants, alors que le Haut Conseil de l’audiovisuel (RTÜK) contribue à affaiblir financièrement des chaînes critiques en leur adressant des amendes astronomiques. Certains quotidiens ont également dû réduire leur nombre de pages en raison du prix du papier.
 

Contexte socioculturel

 
Des procès pour “insulte” sont parfois intentés contre les journalistes qui mettent en cause des personnalités religieuses. Les sujets traitant des violences conjugales ou diverses formes d’abus, notamment lorsqu’ils sont évoqués par des femmes journalistes, peuvent donner lieu à des campagnes de haine sur les réseaux sociaux.
 

Sécurité

 
Les acteurs et dirigeants du parti ultranationaliste MHP, allié de l’AKP du président Erdogan, n’hésitent pas à menacer les journalistes osant mettre en lumière des dossiers embarrassants. Les condamnations clémentes ou les procès interminables envers ces milieux nationalistes, pour des cas de violences survenues durant la période électorale de 2019, mettent en évidence la culture de l’impunité dans le pays. Les journalistes osant couvrir les atteintes à la laïcité, l’impact des groupes religieux (Tarikat) ou des organisations djihadistes de la région sont de plus en plus exposés aux menaces.