TURQUIE – Dans une affaire très médiatisée, Sabbah Ali Oruç doit répondre de la traite internationale d’êtres humains pour avoir introduit clandestinement une fillette yézidie en Turquie en 2017 et l’a mise en vente sur le dark web. De nombreuses femmes et fillettes yézidies* ont été vendues par DAECH sur internet après leur enlèvement lors du génocide yézidi de Shengal en 2014. Par ailleurs, la députée kurde, Meral Danis Bestas a déclaré que le ministère de la famille avait remis la fillette à ses ravisseurs après qu’elle avait été placée dans un foyer public.
La première audience d’un procès crucial a débuté aujourd’hui devant la 15e Haute Cour pénale d’Ankara. Elle se concentre sur une affaire pénible datant de 2017. Le thème central tourne autour d’une fillette yézidie qui a été enlevée par l’Etat islamique et mise en vente sur le dark web. Sabbah Ali Oruc, l’accusé, fait face à des accusations de trafic international d’êtres humains pour avoir introduit illégalement la fillette en Turquie.
L’audience du tribunal a débuté au milieu d’une controverse. Le tribunal a refusé la participation de plusieurs avocats malgré la participation du ministère de la Famille et des Politiques sociales. Lorsqu’on lui a demandé d’autoriser l’implication de ces avocats, le juge président a répondu : « Le procès n’a même pas commencé. »
Après délibération, le tribunal n’a autorisé qu’un seul représentant de chaque association demandant à participer à assister au procès. Le président du tribunal a précisé que leur objectif n’était pas de porter un jugement sur l’Etat islamique.
Un moment marquant s’est produit lorsque le journaliste Hale Gonultas a contesté les affirmations d’un témoin, déclarant que la fillette a été enlevée de la maison lors d’un raid de la branche antiterroriste. La salle d’audience a été témoin de réactions émotionnelles, les membres du public remettant en question la conscience du témoin. Le témoin a affirmé que l’enfant avait été remise à sa prétendue mère, qui, selon le témoin, n’avait aucun lien avec l’État islamique.
Au milieu de ces développements, le procureur a demandé que la famille de la victime soit entendue et que les aspects incomplets de l’affaire soient examinés. Le tribunal a décidé que la famille à laquelle l’enfant avait été remise serait présente à l’audience suivante. La demande d’entendre Hale Gonultas comme témoin a été rejetée et le procès a été ajourné jusqu’au 18 janvier 2023.
Dans un communiqué de presse publié après le procès, les avocats de défense des droits humains ont exprimé leurs préoccupations : « En tant qu’avocats, nous avons cherché à participer au procès, en soulignant la nécessité pour les organisations de la société civile de protéger les droits de l’enfant de la victime. Cependant, notre demande a été refusée. Nous savons que l’administration et le pouvoir judiciaire n’ont pas protégé les intérêts supérieurs de l’enfant, en la renvoyant dans la famille. Nous affirmons notre devoir d’être ici pour protéger l’intérêt supérieur de l’enfant et continuerons à suivre l’affaire. »
*Le génocide yézidi en chiffre
Les gangs de l’Etat islamique ont voulu détruire l’identité et la religion yézidies le 3 août 2014. Les peshmergas sous le commandement de PDK ont quitté la région et DAECH a massacré les Yézidis sans problème. Les combattantes kurdes des HPG [branche armée du PKK] et YPG / YPJ se sont précipités sur les lieux pour sauver des milliers de Yazidis d’une mort imminente dans le couloir sécurisé qu’ils ont ouvert vers le Rojava. Six ans après ce génocide, souvenons-nous de ce qui s’est passé à Shengal le 3 août 2014.
-Plus de 5 000 Yézidis ont été tués
-6 417 femmes, enfants et hommes ont été kidnappés (Les femmes et fillettes ont été vendues comme esclaves sexuelles tandis que les garçons étaient enrôlés comme soldats)
-Des dizaines d’enfants et vieillards sont morts de soif sur le mont Sinjar lors de la fuite
-3 500 femmes et enfants ont été sauvés depuis et ont besoin de soins urgents
-2 908 autres attendent d’être sauvés
-2 800 enfants sont devenus orphelins
-360 000 Yézidis ont fuit leurs terres et vivent dans des camps de réfugiés ou sont partis en Europe
-68 sanctuaires yézidis ont été détruits par DAECH
-80 fosses communes ont été découvertes jusqu’à présent -après la libération de Shengal (Sinjar)
– La ville de Shengal, détruite et minée par DAECH, attend d’être reconstruite.