TURQUIE / KURDISTAN – Suite au séisme du 6 février qui a frappé la Syrie et la Turquie (zones à majorité kurde), les autorités turques ont enlevé de nombreux nourrissons et enfants dans les zones sinistrées, sans le consentement des familles. L’inquiétude est grande chez les proches des enfants « disparus » entre les mains des autorités turques au milieux des affirmations faisant état d’un trafic d’enfants remis aux sectes islamistes.
Le 10 février, selon les données de l’équipe de coordination civile des enfants en cas de catastrophe, on déclarait qu’au moins 168 enfants étaient recherchés par leurs familles et qu’il y avait un nombre important d’enfants non identifiés dans les hôpitaux. Les familles recherchent leurs enfants en allant d’hôpital en hôpital. Depuis, au moins 30 des 168 enfants ont été retrouvés par leurs familles et leurs proches.
Suite aux « voles » d’enfants des zones sinistrées, notamment dans les régions kurdes, les activistes kurdes ont lancé la campagne d’hashtag #KürtÇocuklarıSahipsizDeğil (les enfants kurdes ne sont pas sans personne) et condamné la tradition d’enlèvements et assimilation forcée des enfants kurdes depuis le génocide de Dersim 1937 durant lequel d’innombrables enfants et fillettes kurdes de Dersim ont été donnés à des familles d’officiers turcs et turcisés par la suite.
Les enfants sinistrés du séisme sont-ils livrés aux sectes?
Le 14 février, l’Association des avocats progressistes (Çağdaş Hukukçular Derneği – ÇHD) a annoncé, qu’après avoir reçu les déclaration d’un témoin qui a vu des enfants rescapés du séisme à Istanbul/Beykoz, qu’elle a déposé une plainte pénale pour ces enfants pris par les autorités turques. Le ÇHD a déclaré sur Twitter que « Nous avons déposé (…) une plainte pénale pour éclaircir le doute sur le sort des mineurs non accompagnés. Les négociations avec le ministère [de la famille et des affaires sociales] se poursuivent » et demande « les enfants sinistrés du séisme sont-ils livrés aux sectes? »
Voici le communiqué de la ÇHD concernant les enfants disparus:
« Suite à une demande adressée à notre association, nous avons été informés d’un signalement contenant de sérieux soupçons selon lesquels des enfants victimes du séisme, que l’on pense orphelins, ont été remis à une association pouvant être liée à des sectes. Les détails du processus sont donnés ci-dessous, et nous invitons le ministère de la Famille et des affaires familiales à faire immédiatement une déclaration et à prendre les mesures nécessaires pour la clarification de la situation, la protection et la surveillance des enfants concernés.
Le témoin oculaire que nous avons interrogé (…) a déclaré qu’il résidait à Beykoz, Istanbul, qu’il avait quitté son domicile pour aller travailler vers 07h00 le 10 février 2023, qu’il avait vu un groupe inhabituel d’enfants âgés de 0 à 4 ans, près de l’arrêt du bus dans le quartier Yavuz Selim. Il a vu qu’il y avait plus de 20 enfants et près de 10 adultes, il a parlé à l’un des adultes et que cette personne lui a dit que [les enfants] étaient des sinistrés du séisme, que les enfants étaient orphelins, qu’ils avaient été amenés ici par une association et qu’ils seraient pris en charge par un bus, et qu’après un court laps de temps, les enfants avaient été montés à bord des véhicules de luxe BMW. Entre-temps, il est monté dans le bus mais a appelé la police des mineurs et le chef du quartier à cause de ses doutes. Le chef [de quartier] a déclaré que plus de 30 enfants avaient été amenés à la cité de Beykoz plus tard dans la journée. Un autre autre employé de la cité a déclaré que l’association susmentionnée possédait deux maisons dans la cité et que les enfants y étaient installés et que d’autres enfants [sinistrés] allaient être envoyés à Tuzla [un autre district d’Istanbul]. Cependant, [le témoin] a déclaré qu’il pensait que les enfants qu’il avait vus était différents des enfants amenés dans la cité en raison de la courte distance entre l’arrêt de bus et la cité et que les enfants avaient été emmenés en sens inverse par des véhicules.
Le témoin oculaire et son ami se sont rendus au bureau du procureur le même jour et ont fait un rapport détaillé. Par la suite, le témoin qui a été dirigé vers le pôle jeunesse pour la déposition n’a pas été reçu, sa déposition n’a pas été prise au pôle, la police a d’abord affirmé que les enfants étaient avec leurs mères. Lorsque le témoin et son ami ont déclaré qu’il y avait peu d’adultes avec les enfants et qu’ils pensaient qu’ils n’étaient pas leurs parents, et que seuls des enfants étaient mis dans les véhicules, (…) on leur a répondu que « quelques-uns n’ont pas de mère, nous enquêtons ».
Il a rapporté que lorsqu’ils se sont présentés au bureau du procureur du palais de justice d’Anatolie d’Istanbul, une personne qui se trouvait au palais de justice, avec le procureur, les a appelés plus tard et leur a dit : « Ne vous inquiétez pas, ces enfants ont été confiés à des sectes religieuses. Même si les services sociaux prennent les enfants, ils les reprendront, ils sont très forts. »
La réalité concrète concernant ce rapport, qui a été signalé au bureau du procureur général du palais de justice d’Anatolie d’Istanbul d’une manière qui montre clairement la suspicion de crime (…), devrait être immédiatement divulguée au public. Le ministère de la Famille et des Services sociaux devrait enquêter sur le sort de tous les enfants disparus dans la zone du séisme et s’assurer que les orphelins dont les familles n’ont pas encore été identifiées reçoivent le soutien nécessaire. Il est inacceptable que des enfants qui devraient être sous la surveillance et la protection du public soient remis à une quelconque secte/association/fondation. Ce soupçon doit être clarifié immédiatement et des mesures concernant la protection des enfants doivent être prises immédiatement par le parquet compétent et autorisé pendant que l’enquête se poursuit.
En tant qu’Association des avocats progressistes, nous tenons à informer l’opinion publique que nous suivons cette affaire, qui a de sérieux soupçons que les enfants victimes du séisme et présumés orphelins ont été remis à une association qui pourrait être liées à des sectes, et que nous effectuerons toutes sortes de processus juridiques basés sur l’application. A l’ensemble de l’opinion publique; Nous vous invitons à suivre l’affaire, à mobiliser le gouvernement et les institutions connexes, notamment le ministère de la Famille et des affaires familiales, et à lutter ensemble pour qu’ils mènent le processus en toute transparence ! »