AccueilKurdistanBakurLeyla Güven: Que veulent les dominants des morts?

Leyla Güven: Que veulent les dominants des morts?

La politicienne kurde emprisonnée, Leyla Güven a réagi aux traitements inhumains réservés aux cadavres des Kurdes par les autorités turques qui ont récemment rendu à un père les restes de son fils dans un sac, 7 après son meurtre par les forces armées turques.
 
La coprésidente du Congrès de la société démocratique (DTK), Leyla, détenue à la prison d’Elazig, a écrit un article concernant l’approche du gouvernement en matière de funérailles, après que les ossements d’Hakan Arslan aient été remis à son père dans un sac 7 ans plus tard.
 
Voici l’article de Leyla Guven publié dans la rubrique « De la plume de la femme » de Jinnews:
 
« Que veulent les puissances souveraines des morts depuis Hallac-ı Mansur, Mani, Hygieia, Cheik Said, Sayid Rıza [Seyid Riza] ? Depuis l’existence du sens du collectivisme, ou depuis l’établissement du système patriarcal, il y a eu des guerres et des conflits Au temps où il n’y avait pas encore de loi, la société se gouvernait avec des codes moraux. L’un des codes de l’époque et qui perdure encore aujourd’hui était l’approche des funérailles et des morts. Par exemple, les gens suspendaient les affrontements pour que les parties enterrent leurs morts dans la dignité. La guerre et le conflit avaient aussi un code moral. Bien que des centaines d’années se soient écoulées depuis lors, et malgré qu’il existe un code moral dans l’islam ainsi que dans d’autres religions qui [disent] qu’il faut respecter les morts, il y a eu des attaques très irrespectueuses contre les funérailles et les morts des Kurdes.
Des années 90 à nos jours
Les chaînes d’Etat dans les années 90 en Turquie montraient comment les membres des jeunes Kurdes étaient coupés et comment les soldats turcs se photographiaient avec des têtes coupées. Plus tard, ils ont commencé à ne pas remettre aux familles les corps des jeunes combattants tués dans les conflits et les ont enterrés dans les cimetières des inconnus. Comme nous l’avons vu lors de la cérémonie funéraire de Cemile Çağırga, les personnes présentes à la cérémonie ont été attaquées, les corps ont été jetés au sol lors de ces attaques ou comme la mère de la chère Aysel Tuğluk, les corps ont dû être exhumés de leurs tombes à cause des attaques des foules fascistes. Les pierres tombales des Kurdes ont été brisées à coups de marteau.
Nos mères ont ramassé les os de leurs enfants tous mélangés les uns aux autres et les ont enterrés à nouveau. Les lieux de sépulture des dirigeants du peuple kurde comme Shiek Said et Said Rıza ont été caché du peuple kurde. Bref, l’approche de ce pays face à la mort des Kurdes a toujours été brutale.
« J’ai fait le deuil d’une façon digne de mon Agit »
Nous sommes en 2022. Le 21e siècle. L’endroit est Amed, une ville kurde. Les os dans le sac appartiennent à un jeune homme kurde. L’homme qui porte ce sac est un père de famille kurde, un ouvrier. Il a vainement tenté de retrouver les ossements de son fils [tué il y a 7 ans et enterré au Cimetière des inconnus à son insu]. Aujourd’hui, sur le besoin, ils l’ont exhumé et ont donné ses os à son père Ali Rıza dans un sac.
 
Ce cauchemar a commencé avec Xalise. Mère d’un jeune homme kurde. Quelqu’un l’a appelée et lui a dit qu’elle avait un coli et qu’elle devrait aller le chercher. Lorsqu’elle s’est rendue au tribunal de Diyarbakır, ils ont laissé un paquet devant elle. Ses genoux se sont affaiblis lorsqu’elle a découvert qu’il y avait Agit dans ce coli, son fils qu’elle a élevé dans une grande pauvreté et avec beaucoup d’efforts. Elle dit, que malgré tout cela, elle s’est vite ressaisie et ajoute :  » Ceux qui m’ont fait ça veulent me voir craquer. Je ne les laisserai pas me voir craquer. J’ai pris la boîte et je suis rentré chez moi la tête haute. Je n’ai pas pleuré et ne leur ai pas montré mes larmes. J’ai fait dignement le deuil d’Agit. »
« Le pays des mères qui cherchent les corps de leurs fils et filles »
Ali Rıza ressent la même chose aussi. Il apprend que les ossements de son fils sont dans le cabinet du procureur depuis 5 jours. [Le procureur] travaillait probablement encore dans cette pièce pendant ces 5 jours. Il mangeait, il buvait du thé, il riait, a parlé à sa famille au téléphone. Il est rentré chez lui et a pu regarder ses enfants en face. Ont-ils perdu leurs humanité à tel point? Je ne poserait pas cette question. Ils n’ont jamais été humains du tout. Il suffit de commémorer Berfo Ana [une des Mères de la Paix et des Mères du Samedi qui cherchent leurs enfants enlevés par les forces de l’Etat dans les années 1980 – 1990. Berfo Kırbayır, mère de Cemil Kırbayır, elle est décédée le 21 février 2013, à l’âge de 106 ans]. Elle n’a pas changé de maison pendant 30 ans en pensant que son fils pourrait revenir. Elle n’a même pas peint la maison pour que son fils reconnaisse l’endroit. Elle savait que son fils était mort. Mais elle était incapable d’accepter ce fait en tant que mère. Elle voulait retrouver ses os pour qu’il y ait une tombe où elle puisse s’asseoir à côté et pleurer.
Cette société a dû faire face à la brutalité d’Erdoğan et de [Devlet] Bahçeli [président du parti fasciste MHP] alors qu’elle tentait de surmonter la brutalité de Kenan Evren [le général turc qui a mené le putsch militaire de 1980]. Nous savons que ces pratiques inhumaines du ministère de l’Intérieur ont été tentées et ont échoué. Il a fait assoir les familles devant le bâtiment du HDP à Amed, mais a échoué. Maintenant, il essaie d’autres méthodes. Son but est de démoraliser le peuple kurde et de le laisser sans défense. Quand cette personne sait que les Kurdes s’approprient leurs morts et leur font leurs adieux avec des youyous.
L’histoire écrira ceux qui ont commis ces atrocités. Il écrira également Ali Rıza et Xalise. Il écrira aussi ceux qui se taisent contre ces atrocités !
Inimitié contre les Kurdes
Regardons 30 ans arrière, il n’y a pas très longtemps, vous verrez que ceux qui sont restés silencieux face aux atrocités faites aux Kurdes subissent eux-mêmes aujourd’hui un sort similaire. Nous leur avons dit que cela arriverait. Oui, nous voyons que certaines personnes élèvent la voix maintenant. Mais l’attitude de l’opposition est embarrassante et lâche. Est-ce comme s’ils disaient : « Si cela est fait aux Kurdes, ils doivent avoir fait quelque chose [pour le mériter]. Après tout, les Kurdes sont des non-croyants, des terroristes, des séparatistes, Arméniens. » Le seul problème que le gouvernement et l’opposition ont en commun est leur inimitié contre les Kurdes. Chaque gouvernement suit les traces de celui qui l’a précédé dans ce domaine.
Apparemment, ni le gouvernement ni l’opposition n’ont jamais reconnu le peuple kurde, avec lequel ils vivent ensemble depuis mille ans. Les souverains, devenus fous parce qu’ils n’ont pas pu vaincre le peuple kurde, dont la langue, la culture et l’identité sont niées et qui ont résisté à ce déni pendant des années, sont dans un état de folie. Pour cette raison, ils ont utilisé toutes sortes de méthodes illégales. Sinon, comment expliquer l’envoi d’un corps dans un colis à ses parents ? Seuls la Turquie et Israël commettent ce genre d’atrocité dans le monde aujourd’hui. Ce sont des exemples de la même mentalité. Ce qui est intéressant, c’est que le monde reste silencieux sur ce que vivent le peuple kurde et le peuple palestinien au nom de leurs propres intérêts.
Un peuple organisé : les Kurdes
Notre peuple a dû faire face à toutes sortes de souffrances dans sa lutte légitime et juste. Cependant, ces personnes ont transformé leur douleur en pouvoir et ont acquis une attitude consciente et organisée qui privilégie les valeurs universelles. Par conséquent, les dirigeants de ce pays ne devraient pas continuer à faire les mêmes choses et s’attendre à des résultats différents. Même s’ils ne font qu’un petit voyage dans leurs propres archives, ils verront qu’il n’y a pas de méthode qu’ils n’aient essayée contre le peuple kurde.
Acharenemnts futiles
Au lieu de trouver une solution permanente à la question kurde, les gouvernements d’AKP et d » MHP bombardent les tombes des Kurdes et envoient leurs corps par coli. C’est presque comme s’il essayait d’obtenir des résultats avec une guerre psychologique. Il convient de noter que ces méthodes sont des efforts vains. Notre peuple protégera ses enfants en toutes circonstances. Nous nous souviendrons toujours avec respect et gratitude, de notre chef [Abdullah Ocalan], qui a résisté héroïquement à travers l’histoire, mais saurez-vous défendre les tortionnaires et les putschistes qui infligent toutes sortes de souffrances et d’oppression aux peuples ?
Aucun effort n’est vain
Courageuse Xalise et Ali Rıza; Nous ne pardonnerons jamais cette cruauté qu’on vous inflige à vous et aux autres mères et pères qui ont traversé ce que vous avez traversé ! (…) Ceux qui ont mis vos fils et vos filles dans des colis et des sacs seront tenus responsables devant l’histoire. En tant que prisonniers politiques, nous partageons votre douleur de tout notre cœur et nous inclinons respectueusement devant votre prise de position. Aucun effort n’est vain. La liberté de notre peuple est proche ! »
 
Jinnews