PARIS – Une exposition photo relatant l’engloutissement de la ville kurde d’Hasankeyf sous les eaux du barrage Ilisu construit par la Turquie sur les rives du fleuve Tigre est accueillie par la Médiathèque Françoise Sagan, à Paris, du 3 juin au 3 juillet 2021.
Les architectes Lou-poko Savadogo et Anna Ellermets se sont rendues dans le Kurdistan du Nord observer les 22 barrages principaux construits sur les rives des fleuves du Tigre et de l’Euphrate dans le cadre du projet d’Anatolie du Sud-Est (Güneydoğu Anadolu Projesi ou GAP).
A travers les photos qu’elles ont prises, Savadogo et Ellermets essayent de sensibiliser l’opinion publique aux conséquences dramatiques, tant au niveau politique, sociale, écologique et culturel, de ces barrages pour les Kurdes de Turquie mais aussi pour les Irakiens et les Syriens plus en aval:
« Nous avons vu l’eau monter.
Nous l’avons observée au cœur du Moyen Orient. Sous ce territoire actuellement morcelé sommeille l’antique Mésopotamie, du grec meso « entre » et potamós « fleuves », littéralement le pays « entre les fleuves ».
La Mésopotamie berce nos rêves et nos songes. Ces fleuves nourriciers imprègnent les récits mythiques, lesquels content autant la fertilité des terres qu’ils traversent que la menace que représente la fluctuation de leur débit.
Ce que nous avons observé dans le Sud Est de la Turquie, ce sont des rivières sous contrôle. L’accumulation des contraintes sur le Tigre et l’Euphrate suite à la mise en œuvre par le gouvernement du projet G.A.P. (Great Anatolian Project) et ses 22 barrages fait planer la menace d’un déferlement d’eau. À chaque mise en eau, des centaines de villages sont submergés et avec eux les vestiges de civilisations kurde, arménienne, chaldéenne, grecque et assyrienne.
On rapproche cette submersion avec celle contée dans les plus vieux récits de l’humanité, tel le Déluge.
L’étude de ce projet d’aménagement témoigne des mécanismes de l’état-Nation turc. Face à un grand récit national qui engloutit, niant les lieux emblématiques des cultures minoritaires, faisons émerger les récits symboliques, servons nous-en comme refuge d’une mémoire culturelle en danger.
Seul le temps mythique est celui du devenir. Nous ressentons le besoin d’ouvrir un espace de transmission. »
Anna Ellermets et Lou-Poko Savadogo vivent et travaillent à Paris. Diplômées d’école d’architecture, elles questionnent, à travers leur travail, les relations entre mémoire et transmission et architecture.
Exposition organisée par l’association Acort Culture
Vernissage le 3 juin, à 18 heures
A la Médiathèque Françoise Sagan
Au 8 rue Léon Schwartzenberg
75010 Paris