TURQUIE / BAKÛR – « La révolte de Sheik Said, impressionnante par son intensité et les succès-éclairs qu’elle rencontrera, interpelle avant par son caractère religieux éminent – du moins initialement – et, surtout, inédit. Si la révolte ne durera guère plus de deux mois et demi, son intensité et ses conséquences marquent, aujourd’hui encore, les mouvements kurdes, qu’ils soient insurgés ou légaux. Exécutée prématurément, la rébellion n’atteindra pas les objectifs qu’elle s’était fixée mais nourrira, deux ans plus tard, la plus importante insurrection kurde que la jeune république turque connaîtra dans l’entre-deux-guerres : la révolte du mont Ararat. »
Kurdes, Arméniens, Grecs, Assyro-chaldéens… au début du XXe siècle, de nombreux peuples d’Anatolie furent massacrés pour rendre possible la naissance de l’État nationaliste turc. Ataturk, le père de la Turquie, s’est fait passé pour un avant-gardiste qui faisait entrer la Turquie dans le cercle des pays « civilisés » de l’Occident tandis qu’il présentait les Kurdes comme des arriérés refusant de rejoindre la nation civilisée qu’est la Turquie. Alors, à coup de massacres, il allait les mettre dans le droit chemin de la civilisation. Ainsi, il écrasera dans le sang les révoltes indépendantistes kurdes qui ont balayé le Kurdistan « turc » entre 1920 et 1938. (Les révoltes de Dersim, Zilan, Ararat… sont les principales révoltes kurdes des années 1920-1938 qui ont toutes été écrasées dans le sang par l’Etat turc.)
Une de ces nombreuses révoltes kurdes du début de XXe siècle fut la révolte de Cheikh Said (Şêx Seîd), un digitaire kurde-zaza de Palu, dans la province de Diyarbakir (Amed). Şêx Seîd a été capturé en avril 1925 par les troupes turques. Il a été condamné à mort le 28 juin 1925 et pendu le lendemain à Diyarbakır (Amed) avec 47 de ses partisans.
L’État turc a essayé de faire croire que la rébellion dirigée par Cheikh Said était à motivation islamique pour faire passer les Kurdes pour les raisons évoquées plus haut. Mais, la révolte de Cheikh Said englobait les revendications nationalistes kurdes, en plus de celle demandant l’instauration d’un califat islamique. Cette dernière demande ne doit toutefois pas faire oublier la diversité religieuse qu’on observe chez les Kurdes. Même si la majorité des Kurdes se sont convertis à l’Islam sunnite, une bonne partie d’entre eux ont d’autres confessions: alévisme, yézidisme, zoroastrisme, christianisme et le judaïsme.
Le journaliste Emile Bouvier a publié un article à deux volet traitant de la révolte de Cheikh Said dans lequel il démontre les dimensions multiples de cette révolte que certains veulent faire passer pour une révolte islamiste. Voici le deuxième volet:
La révolte de Sheikh Said (13 février-27 avril 1925) : entre nationalisme, islamisme et identitarisme ethnique : une rébellion kurde atypique (2/2). Récit de la rébellion : des succès-éclairs à la répression brutale
A lire sur le site Les Clés du Moyen-Orient