TURQUIE / BAKUR – Une enquête récente a révélé qu’environ 70 % des jeunes kurdes sont victimes d’une discrimination croissante en Turquie. Pour ces jeunes kurdes, le plus gros problème dont ils font face est la discrimination linguistique concernant leur langue maternelle, ni reconnue, ni enseignée et même dangereuse pour ses locuteurs si elle est parlée dans l’espace public.
Environ 70 % des jeunes kurdes sont victimes de discrimination en Turquie, que ce soit rarement ou fréquemment, a révélé un sondage réalisé par Rawest Research.
L’entreprise Rawest Research s’est entretenue avec plus de 1 500 personnes à travers la Turquie pour son enquête sur la vie des jeunes Kurdes.
Selon Rawest, sept participants sur dix ont déclaré qu’ils sont rarement ou fréquemment victimes de discrimination, tandis que 13 % seulement ont déclaré ne pas voir ce genre de traitement.
« Cela affecte leurs relations avec leurs partenaires amoureux ou leurs amis et déclenche une discrimination. Près de la moitié des jeunes kurdes [44 %] ne veulent pas d’un petit ami ou d’une petite amie turc/turque », a déclaré Reha Ruhavioğlu de Rawest à Duvar.
« Cette statistique attire l’attention car elle montre comment la discrimination construit des murs entre les Kurdes et les Turcs, même si les Kurdes ont l’intention de vivre en Turquie et de construire un avenir dans les provinces occidentales. Elle montre également que les Kurdes, en particulier les jeunes Kurdes, ont un habitat kurde dans lequel ils peuvent vivre dans l’ouest du pays et que le fait d’avoir un tel habitat permet de s’éloigner encore plus », a-t-il dit.
Selon l’étude, les jeunes Kurdes pensent ils sont victimes de discrimination à cause des préjugés contre les Kurdes dans les régions turques de l’Ouest.
« Ils associent cette discrimination à la télévision turque et au fait que le processus politique de ces deux dernières années envoie des messages négatifs concernant la kurdicité. Les réseaux sociaux sont également vus comme une plateforme où la discrimination se manifeste ouvertement », a déclaré Ruhavioğlu.
L’enquête a montré que 34 % des jeunes kurdes sont dans la vie active, 24 % travaillent comme ouvriers non qualifiés et le reste est au chômage. Ruhavioğlu a déclaré que les statistiques de l’emploi sont inférieures à celles des Turcs.
« En ce qui concerne la répartition des sexes, les femmes sont considérées comme un peu plus défavorisées », a-t-il déclaré.
Quatre des cinq jeunes Kurdes qui votent pour le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir mettent en avant leur identité de musulmans, alors que ce ratio tomba à environ 33 % chez les électeurs du Parti démocratique des peuples (HDP). Deux tiers des électeurs du HDP mettent en avant leur identité kurde, alors que ce pourcentage est d’environ 33 % chez les électeurs de l’AKP.
Un autre résultat significatif de l’enquête concerne la satisfaction de la jeunesse kurde de vivre en Turquie.
« Le fait que les jeunes kurdes soient moins satisfaits de leur vie et de la vie en Turquie que leurs pairs turcs est une chose à laquelle il faut réfléchir. Ceux qui vivent à l’ouest sont un peu plus pessimistes en raison de la discrimination dont ils font l’objet », a déclaré Ruhavioğlu.
Restrictions concernant leur langue maternelle
Les jeunes Kurdes ont cité la discrimination et les restrictions sur la façon de parler leur langue maternelle comme étant leur plus gros problème.
« Cela a un rapport direct avec les questions d’identité. Elle pousse les jeunes Kurdes qui cherchent à garder leur langue maternelle vivante vers leur identité kurde. La discrimination conduit à s’accrocher à la langue et à l’identité kurdes », a déclaré Ruhavioğlu, ajoutant que les Kurdes des provinces occidentales oublient leur langue maternelle.
En matière de religion, la jeunesse kurde s’éloigne de l’Islam car elle pense que l’AKP le représente.
« Ensuite, ils s’éloignent de la religion à cause des attaques de DAECH et d’autres organisations islamistes armées contre Kobanê », a déclaré Ruhavioğlu, en référence aux attaques des djihadistes sur les zones principalement kurdes du nord de la Syrie.
Ruhavioğlu a noté que les arguments sur la radicalisation de la jeunesse kurde sont faux.
« Ils sont loin de la radicalisation. L’une des principales raisons de cette évolution est l’expansion de la sphère politique civile avec Selahattin Demirtaş », a-t-il déclaré, en référence à l’ancien coprésident du HDP, emprisonné depuis le 4 novembre 2016.