Alors que les Arméniens du Haut-Karabakh quittent leurs maisons en vertu d’un accord signé entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie laissant la région à l’Azerbaïdjan, des voix s’élèvent en Occident pour qu’on « sauve les Arméniens d’Artsakh » afin de mettre fin à un génocide culturel qui sera opéré par l’l’Azerbaïdjan pour effacer toute trace arménienne dans la région, comme l’avaient fait les Ottomans au siècle dernier en Anatolie…
Les Kurdes, dès le premier jour des attaques azéries, ont apporté leur soutien au peuple arménien, avec lequel ils ont vécu en bon voisinage en Anatolie et dans le Caucase depuis des millénaires, avant que des guerres russo-turques et le génocide arménien jettent le froid entre ces deux peuples voisins. En effet, de nombreux Arméniens reprochent aux Kurdes leurs rôles de collabos lors du génocide arménien de 1915 tandis que des Kurdes reprochent aux Arméniens [et aux Azéris] la déportation des centaines de milliers de Kurdes du Kurdistan Rouge, dans le Caucase du Sud, après la chute de l’URSS, pour se (mal) départager la région.
On ne sait pas la position actuelle des Arméniens sur la question de la déportation des Kurdes du Caucase. En revanche, on sait que la majorité des Kurdes regrettent qu’il ait pu avoir de collabos kurdes de la cavalerie Hamidiyê qui ont participé au génocide des Arméniens sous les ordres du régime ottoman. Même si cette collaboration s’est faite contre l’avis des notables kurdes qui étaient réunis sous le Mouvement Xoybûn (qui englobait également des Arméniens) militant pour un Kurdistan libre à côté d’un État arménien…
Un siècle après le génocide arménien et quelques décennies après la fin du Kurdistan rouge, alors que les Kurdes se font massacrés au Rojava, au Bashur, au Rojhilat et en Turquie par les États colonialistes occupant leurs terres et que les Arméniens font face à un nouveau génocide en étant pris en étau entre la Turquie et l’Azerbaïdjan, l’heure est venue pour les Kurdes et les Arméniens d’unir leur force pour éviter de nouveaux génocides alors que les puissants du monde restent insensibles face à ces massacres, tant que leurs intérêts étatiques ne sont pas menacés.
Oui, on peut sauver les Arménien d’Artsakh, comme on aurait pu sauver les Kurdes d’Afrin quand en janvier 2018 la Turquie a lâché son armée et des mercenaires syriens contre le canton kurde d’Afrin provoquant l’exode de centaines de milliers de personnes de la région qui était autrefois un havre de paix dans une Syrie à feu et à sang. (Aujourd’hui, Afrin est annexé de facto à la Turquie et où les gangs islamistes ont imposé la charia, mettant fin au modèle féministe et pluraliste promu par les Kurdes.) Pour cela, il faut une mobilisation mondiale des Arméniens, des Kurdes et de tous ceux qui défendent le droit des peuples à l’auto-détermination. Cela permettra également aux Kurdes et aux Arméniens de panser leurs blessures d’hier pour recréer des amitiés sincères demain…