TURQUIE / BAKUR – Et si on vous disait que les mères kurdes sont « soulagées » quand elles retrouvent enfin les restes de leurs enfants tués lors de combats ou après êtres arrêtés par les forces armées turques, des années, voire des décennies après leur mort ou disparition ? C’est pourtant, ce que de nombreuses femmes kurdes demandent : qu’on les soulage enfin de ce lourd fardeau qu’est l’absence du corps d’un enfant chéri qu’on a tué il y a des années, des décennies. La mère de Burhan Altıntaş, tué en 1994 par l’armée turque, a retrouvé les ossements de son fils 27 ans après leur séparation.
Les restes de plus de 250 combattants kurdes enfouis secrètement sous un trottoir d’Istanbul, à Kilyos, ont été découverts par hasard. Ils avaient été volés du cimetière de Garzan, dans la province kurde de Bitlis, en 2017.
Sur 282 corps emmenés à Istanbul, seuls 21 corps avaient été par la suite été remis à des proches. Les restes de 261 combattants avaient été enterrés à Kilyos. Cependant, pas dans des tombes ordinaires, mais mis dans des boîtes en plastique et empilés les uns sur les autres sous un trottoir.
Depuis cette découverte macabre en mai dernier, les familles des combattants morts ont de nouveau contacté les autorités turques pour récupérer les restes de leurs enfants après des testes d’ADN.
Une séparation de 27 ans
Sabiha Altıntaş, habitant Bitlis, est une de ces mères kurdes à la recherche des ossements d’un enfant tué lors de combats par l’armée turque. Altıntaş vient d’enfin retrouver les ossements de son fils Burhan Altıntaş que les autorités turques lui ont remis dans une boite en plastique après des testes d’ADN.
Altıntaş n’avait plus vu son fils, quand il est parti rejoindre la guérilla kurde il y a 27 ans déjà. Elle a appris assez tard, que son fils était tombé martyre en 1994. En 2014, la famille Altıntaş apprend que les restes de Burhan Altıntaş ont été enterrés au cimetière de Garzan. Mais quand l’armée turque détruit le cimetière en 2017, la famille a de nouveau cherché les restes de Burhan en faisant un teste d’ADN.
Il a fallu 3 ans et une découverte macabre par des passants qui ont vu des restes d’humains dépasser d’un trottoir d’Istanbul en mai 2020, pour que la famille de Burhan obtienne enfin ses restes dans une boite en plastique transparente, à Istanbul.
Regarder les os de son fils un court instant
Quand les autorités turques remettent la boite des os à la mère, elle veut l’ouvrir pour voir les restes son fils. Ses proches l’en empêchent d’abord. Mais comme elle insiste, ils finissent par céder. Sabiha Altıntaş a déclare que quand elle a soulevé légèrement le bord du couvercle de la boite, elle a cru que son coeur allait s’arrêter. Mais qu’elle l’a ouvert finalement et qu’elle a regardé brièvement les ossements de son fils et s’est demandée si ceux qui ont mis les restes de son fils dans une boite c’étaient vraiment des musulmans, avant de refermer la boite.
Harcèlement continu d’Istanbul jusqu’à Bitlis
Une fois la boite en plastique contenant les restes de son fils sous le bras, la famille de Burhan reprend le chemin du retour pour l’enterrer à Bitlis. Sur des milliers de km qui séparent Istanbul de Bitlis, les policiers turcs ont suivi la voiture de la famille et dans de nombreuses villes, la famille a été arrêtée durant de longues heures pour des contrôles d’identité alors qu’ils avaient les documents en règle.
Sabiha Altıntaş a dénoncé l’acharnement des policiers et militaires turcs qui leur ont fait perdre plusieurs heures sur le trajet du retour à la maison.
Empêchée de contempler longuement les os de son fils
La mère Sabiha Altıntaş a déclaré que quand ils sont arrivés à Bitlis, il faisait nuit et que l’armée turque avaient encerclé le cimetière, pour empêcher les gens d’assister à l’enterrement. Seule, la famille Altıntaş a été autorisée à entrer dans le cimetière où les militaires les ont forcés à se dépêcher. Ainsi, la famille a rangé les os qu’ils ont sortis de la boite dans la tombes avec précipitation et ont dû quitter le cimetière, sans que la mère ait pu contempler les restes de son fils qu’elle n’avait plus vu depuis presque 30 ans. (Via Duvar)
En espérant que les milliers de mères kurdes – qu’on surnomme les « Antigone » des temps modernes – qui sont à la recherche des restes de leurs enfants depuis des années les retrouvent enfin, même dans une boite en plastique.
Image via Ahval