SYRIE / ROJAVA – En 2018, la Turquie a envahi le canton d’Afrin, une ville abritant de nombreux peuples et confessions : Kurdes, Arabes, Chrétiens, Yazidis, Arméniens, Alévis. L’occupation d’Afrin a créé une situation particulièrement tragique pour les Yazidis (Êzdis) qui ont dû fuir leurs terres tandis que ceux restés sont persécutés.
Suite à l’incursion turque à Afrin, des milliers de Yazidis ont fui leurs villages (22) pour se réfugier dans d’autres régions de la Syrie, ou ont migré au Liban, en Europe ou au Kurdistan d’Irak. Selon les informations recueillies par l’ONG Yazda, on estime que 3 000 Yazidis qui ont fui Afrin vivent actuellement dans trois camps de personnes déplacées et trois villages : Camp Al-Auda, camp Al-Asser, camp Al-Muqawama, village Tal Rifat, Al-zawraq Al-kabeer, et villages Ziyarah – tous situés dans la région d’Al-Shahba et sous le contrôle du gouvernement syrien. Yazda est particulièrement préoccupé par les quelque 1 200 Yazidis qui ont fui Ras Al-ain (Serê Kaniyê) et qui se trouvent dans le camp de personnes déplacées de Washokani. Ils souffrent actuellement d’un manque d’aide humanitaire pour subvenir à leurs besoins de première nécessité.
En raison de leur identité religieuse, les Yazidis d’Afrin souffrent du harcèlement et de persécution ciblés par les groupes d’islamistes soutenus par la Turquie. Les crimes commis contre les Yazidis comprennent la conversion forcée à l’Islam, le viol de femmes et de filles, l’humiliation et la torture, arrestations arbitraires et le déplacement forcé. Dans son rapport annuel 2020, la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale (USCIRF) a confirmé que les Yazidis et les chrétiens d’Afrin sont confrontés à la persécution et à la marginalisation.
En outre, près de 80 % des sites religieux yazidis en Syrie ont été pillés, profanés ou détruits, et les cimetières yazidis ont été profanés et rasés au bulldozer. Selon le groupe de défense des droits des Yazidis syriens, la Fondation Ezdina, et comme l’a confirmé de manière indépendante Yazda, 18 sites religieux yazidis ont été détruits à Afrin. Il s’agit des sites du Cheikh Jened dans le village d’Al-faqira, du temple Melak Adi dans le village de Qivare, du sanctuaire du Cheikh Hussien et du temple Chel Khana dans le village de Qivare, du temple du Cheikh Rekab dans le village de Jedere et du cimetière yazidi dans le village de Qivare. Dans un rapport publié l’année dernière sur la destruction du patrimoine culturel par les Yazidis en Irak, Yazda, RASHID International et EAMENA ont conclu que la destruction du patrimoine matériel est et doit être poursuivie comme un crime de guerre, comme un crime contre l’humanité (le crime de persécution) et sert également de preuve de l’intention spéciale de détruire un groupe protégé dans le cadre du crime de génocide.
Le 20 avril 2020, l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH / SOHR) a confirmé de manière indépendante que des membres des factions du sultan Murad soutenues par la Turquie ont détruit et pillé un cimetière yazidi dans le village de Jan Tamer, à l’est de Ras al-Ain, et qu’ils réinstallent les familles de leurs fidèles combattants dans d’anciens villages yazidis. Il s’agit d’un exemple évident de nettoyage ethnique et d’une tentative de modifier la démographie de la région.
La situation actuelle des Yazidis restés à Afrin est désastreuse, car ils sont contraints de cacher leur identité, dans l’impossibilité de pratiquer leur foi et craignent pour leur sécurité. Ceux qui sont forcés de résider dans des camps de personnes déplacées vivent avec des ressources insuffisantes pour satisfaire leurs besoins quotidiens de base, tandis que leurs maisons sont soit détruites soit appropriées par des mercenaires.
Yazda appelle les Nations Unies, l’Union européenne, les États-Unis d’Amérique et les autres parties concernées à soutenir ce qui suit :
1. Faire pression sur la Turquie pour qu’elle retire toutes les factions armées du nord et de l’est de la Syrie et mette fin au nettoyage ethnique en cours contre les Yazidis et les autres minorités de la région.
2. Envoyer immédiatement une équipe d’enquête de l’ONU dans le nord et l’est de la Syrie pour évaluer la situation et documenter les atrocités commises par tous les acteurs armés contre les civils.
3. Fournir immédiatement une aide humanitaire d’urgence aux zones touchées par les opérations militaires et aux camps de personnes déplacées.
Enfin, nous appelons les pays actifs dans la réinstallation des réfugiés à offrir des possibilités de réinstallation à des centaines de familles yazidis qui ne peuvent pas rentrer dans leur pays depuis le Liban, l’Irak et la Turquie.