Entre 1850 et 1930, le fruit des térébinthes – plante poussant à l’état sauvage dans le bassin méditerranéen – des régions montagneuses de Semsûr, Amed, Batman et Mardin, au nord du Kurdistan (Bakûr) était cueilli et transformé en café. Il était ensuite exporté vers la France où il était conditionné et vendu en Europe sous le nom de « café kurde ».
Pendant plus de 80 ans, ce café kurde a été l’un des cafés les plus populaires en France. Le café de ce fruit appelé « kizwan » ou « qewzan » est fait à partir de fruits de térébinthe qui est le pistacher sauvage en réalité. En effet, une fois greffé, il donne les fameuses pistaches que nous connaissons. Les fruits séchés, torréfiés et moulus du térébinthe, le lait et le sucre sont ses principaux ingrédients dans la recette traditionnelle. Mais les recettes modernes de marque incluent le café.
En quoi le café kurde diffère-t-il des autres types de café ? Il ne contenait pas de caféine et était d’ailleurs appelé « Chicorée au kurde ». [Contrairement à ce qu’il est écrit sur son paquet, n’est pas de la chicorée. C’est une crème obtenu à partir d’un petit fruit violet, à la taille d’une lentille, séché, torréfié. Une fois moulu, il a la consistance de la crème de sésame, mais sa couleur est noire. C’est très riche en lipide. Enfants, on la mangeait à la petite cuillère. On ne sait pas pourquoi les Français l’ont appelé « Chicorée au kurde ».]
Cependant, à la suite de la proclamation de l’État turc, une série de discriminations systémiques ont été émises et les Kurdes se sont vus refuser leur langue, leur musique, leurs vêtements traditionnels et leurs coutumes. Lorsque les Turcs ont commencé à rebaptiser les villes et villages du Kurdistan, ils ont également rebaptisé le café kurde en « café turc ».
Les Kurdes eux-mêmes l’ont appelé Café Kizwan, et c’est encore le cas aujourd’hui. À l’époque, cependant, la France et l’Europe le connaissaient sous le nom de café kurde et, en peu de temps, il est devenu le café le plus vendu en France où il était conditionné et envoyé au reste du monde. Aujourd’hui encore, les géographes affirment que si vous fouillez toute la Turquie, vous ne trouverez l’arbre à térébenthine qu’au Kurdistan du Nord. C’est de cet arbre que le café « Kizwan » est fait.
En 1930, 100 grammes de café kurde était conditionné et vendu en France, sous le nom de « café kurde », avec comme logo la photo d’un tireur kurde. Il était commercialisé sous le nom de « Chicorée au Kurde ».
Quelque chose, apparemment aussi simple que le café, était une telle menace pour les Turcs, qu’ils ont dû demander aux gouvernements français et européen de changer le nom et la photo de leur emballage.
Cet « anecdote » n’est qu’un exemple parmi d’autres de la discrimination systémique imposée aux Kurdes en Turquie. Cependant, le café turc est devenu un nom familier, un article sur chaque menu et depuis 2013, il a été inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Depuis, il est utilisé dans la divination, dans des poèmes et des romans, et c’est l’une des boissons les plus connues de notre décennie. Mais à quel prix ?
Image de l’emballage du café kurde en 1930
Article écrit par Mardin