PARIS – Le lundi 27 janvier, une conférence de presse sur l’utilisation par la Turquie d’armes chimiques au Rojava a eu lieu à la Mairie du 2e arrondissement de Paris en présence du médecin Abbas Mansouran*, microbiologiste et épidémiologiste qui a été au Rojava, le porte-parole des YPG, Nuri Mahmoud, et du représentant du Rojava en France, Khaled Issa.
Lors de la conférence, Abbas Mansouran a présenté un rapport sur l’utilisation d’armes chimiques au Rojava par l’armée turque lors de son offensive lancé en octobre 2019. Il a également montré les résultats du laboratoire suisse Wessling qui confirme l’usage du phosphore blanc par la Turquie au Rojava.
Docteur Mansouran s’est présenté au public et a déclaré :
« Je m’appelle Abbas Mansouran, je viens de Shiraz, en Iran, et je suis de nationalité suédoise depuis 1991.
Dans la publication des documents concernant l’usage de bombes chimiques au Rojava par l’armée turque, nous avons fourni :
– Un rapport publié par Les Initiatives de Défense des Droits au Rojava (RDI), en date du 10/01/2020
– Un document – remis aujourd’hui publiquement pour la première fois – qui est le résultat du laboratoire [Wessling] qui confirme l’usage du phosphore blanc par le régime turc, pourtant interdit par l’OPCW (Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques) et la Convention sur Certaines Armes Classiques (CCW) des Nations Unies.
– Le troisième document est une copie des échanges de mails de l’OPCW les 21 et 22 janvier 2020.
Permettez-moi s’il vous plaît de faire quelques brèves observations sur le Rojava:
J’ai voyagé au Rojava pour la première fois en 2018. Ma motivation pour aller au Rojava sans pour autant être membre de quelconque parti politique était volontaire et représentait un devoir de solidarité. Là-bas, j’ai vu des Kurdes, Arabes, Assyriens, Arméniens, Turkmènes… issus de différentes cultures, origines ethniques et croyances, qui luttaient côte à côte pour bâtir un nouveau monde, avec une dignité humaine et contre les ennemis de l’humanité, l’EI. L’EI a choisi cette région comme le centre de leur gouvernement pour exporter le terrorisme à travers le monde. Là-bas, j’ai bien vu toutes les forces réactionnaires allant de l’EI jusqu’au terrorisme d’Etat de la Turquie, de l’Iran, de la Syrie…qui occupent et détruisent le territoire.
Le Rojava était complètement occupé et privé d’éducation, de besoins élémentaires médicaux et de laboratoires. Bien que la fumée et les flammes des champs d’haricots et d’olives qui brûlaient recouvraient le ciel, la volonté pour une humanité digne, l’établissement de l’Université de Mésopotamie, des académies, des hôpitaux et des cliniques, des projets urbains et ruraux, l’électricité et des approvisionnements en eaux, détruits et régulièrement exploités par la Turquie et l’EI, les constructions continuaient dans l’espoir d’un futur meilleur.
La Turquie a lancé une invasion militaire le Mercredi 9 Octobre 2019. Cette nouvelle invasion turque au Rojava a commencé avec le bombardement de Qamichli, Serekaniyê (Ras al Ayn) et Grê Spî (Tel Abyad), situés dans la region de Djêzireh.
Depuis le 10 octobre, les embuscades et les massacres se sont intensifiés dans la région. Du 12 au 20 Octobre, les blessés étaient transportés à l’hôpital de Hassakê qui dispose d’installations élémentaires pouvant répondre à des besoins ordinaires et à des urgences qui ne sont pas issues de combats de guerre. Les installations médicales, les blocs opératoires et l’équipement, l’anesthésie, les chirurgiens et les infirmières qui auraient pu accueillir un si grand nombre de blessés manquaient cruellement.
La Croissant Rouge Kurde, qui est indépendant de la Croix Rouge et qui est organisé uniquement par la population locale du Rojava, a également aidé à transporter les blessés de guerre au centre médical le plus proche, à Tel Tamir et Hassaké. Pour la première fois, nous étions confrontés à des blessures radicalement différentes.
Caractéristiques des blessés
Les signes et symptômes observés sur les victimes, majoritairement des civils, étaient compatibles avec une exposition aux armes chimiques. L’Armée Turque a pu utiliser non seulement du phosphore blanc mais aussi d’autres formes de bombes chimiques comme les Explosifs de Métaux Inertes Denses (DIME). Ces alliages s’avèrent être des causes de cancer.
Il a été demandé à une équipe de chercheurs internationaux de venir au Kurdistan d’Irak, où certains brûlés étaient hospitalisés, mais ils ont refusé d’examiner les échantillons de tissus prélevés sur les blessés. L’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques aurait pu envoyer une équipe d’experts pour enquêter.
Vingt d’entre eux sont décédés et plus de 40 avaient été gravement brûlés par des bombes chimiques, dans une region spécifique du canton de Djezireh (régions de Serekaniye et Tel Abyad) du 10 au 20 Octobre 2019. Plus d’un millier de civils furent tués, des milliers furent blessés. Le siège actuel et complet de la ville et le manque de médicaments ont causé la perte de plusieurs vies. Les Forces Armées Turques et les groupes affiliés soutenus par la Turquie ont attaqué les villages au sol et par des attaques aériennes, en les brûlant jusqu’à les réduire en cendres. Il y a actuellement près de 400.000 réfugiés de guerre déplacés qui n’ont pu prendre avec eux un minimum d’affaires essentielles pour leur survie. Ils sont actuellement à l’abri mais vulnérables aux maladies contagieuses et aux épidémies.
Quoiqu’il en soit, le refus d’analyser les échantillons des victimes ne nous a pas empêché de demander confirmation ailleurs. Nous sommes parvenus à envoyer quelques échantillons à d’autres laboratoires compétents en Europe. Le rapport du laboratoire confirme qu’il y a une corrélation entre les symptômes et les bombes chimiques. Désormais, nous avons les preuves convaincantes.
Il est important de souligner que même avant l’annonce du cessez-le-feu officiel le 18 Octobre, il ne s’est passé un seul jour sans bombardements, par drones ou par des bombardiers et des explosions. Nous avons également relevé des blessés dans la region de Der-e-Zor, qui a été confrontée à la réapparition de Daech 220 kilomètres plus loin, dans la zone occupée depuis Octobre.
Ensuite, la Turquie a mobilisé tous les bandits sous le drapeau turc afin de tenter de détruire le Rojava; massacres, incendies, viols, kidnapping, meurtres, occupation des villes et villages, des entrepôts, pillages des silos.
La résistance populaire a permis de vaincre l’EI pour sauver les terres occupées par l’EI. Si aujourd’hui les gens peuvent se sentir en sécurité et à l’abri des marchés d’esclaves, tout comme l’EI et ses associés firent à Shengal, à Mossoul… ils le doivent à la résistance au Rojava. Le mouvement du Rojava a payé un lourd tribut avec au moins 12.000 vies perdues et des dizaines de milliers de blessés. Ils ont sacrifié leurs vies en combattant pour bâtir un monde plus sûr. Vaincre les ennemis sans la résistance du Rojava était impossible, c’est pourquoi l’être humain et même l’éco-système sont redevables à tous ces sauveurs du Rojava.
Ainsi, nous avons maintenant en notre possession des preuves médicales et documentaires qui confirment que la Turquie a utilisé des armes chimiques interdites contre les habitants des zones rurales et des villes, particulièrement à Serekaniye et Tel Abyad. »
Nous espérons que les criminels et les terroristes comparaîtront devant les Tribunaux Criminels Internationaux. »
Texte fourni par la Représentation du Rojava en France