Depuis près d’un siècle, la Turquie mène une guerre totale pour détruire et / ou assimiler le peuple kurde. Ni la nature avec sa faune et sa flore, ni des milliers d’années d’histoire de l’humanité, comme celle d’Hasankef, ne sont épargnés dans cette guerre asymétrique où vous avez d’un côté un Etat membre de l’OTAN ayant une des plus grandes armées du monde, et de l’autre côté, un peuple sans Etat, ni armée – malgré quelques rebellions armés du début du 19ème siècle et la naissance à la fin des années 1970 du Parti des Travailleurs du Kurdistan, un mouvement de guérilla qui a repris l’insurrection armée pour défendre les droits des Kurdes en Turquie.
Cette guerre, que certains qualifient de « génocide » – car elle a pour but d’anéantir le peuple kurde avec sa langue et sa culture – est sur le point d’immerger sous l’eau Hasankeyf (Heskîf en kurde), une site historique de plus de 12 000 ans, éligible à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO mais non réalisé car cela aurait empêcher la Turquie de détruire Hasankeyf si facilement.
Les travaux du méga-barrage Ilisu, construit sur les rives du Tigre, à Hasankeyf, dans la région de Batman, sont achevés depuis début juin et le réservoir du barrage commence à se remplir, inondant déjà les routes de certaines localités des alentours, dont Hasankeyf, qui seront vidées à terme.
Le barrage Ilisu- qui fait partie de 22 barrages et 19 usines hydroélectriques construits sur les rives des fleuves Tigre et l’Euphrate nés au Kurdistan et traversant l’Irak et la Syrie – menace également les marais du sud de l’Irak et les Irakiens habitant le long du fleuve Tigre dont le débit sera fortement diminué à cause de ce barrage construit en amont.
Nous assistons là à un nouveau écocide commis par la Turquie et dont le monde se rend complice de part son silence, voire son soutien à la Turquie qui reste un partenaire important pour l’Europe et les Etats-Unis, sans parler de son partenariat de plus en plus renforcé avec le voisin russe.
Malgré ce tableau noir où tout semble perdu d’avance, les Kurdes et des ONG irakiennes et internationales sont mobilisés pour sauver le Tigre et Hasankeyf pour assurer l’approvisionnement en eau des millions d’Irakiens qui dépendent du Tigre et sauver le patrimoine de l’humanité.
L’histoire nous dira si cette lutte des David et Goliath des temps modernes sera couronnée de succès ou si nous serons témoins d’un énième crime contre l’humanité, la nature et le patrimoine mondial, commis cette fois-ci à Hasankeyf, au vu et au su de tous…
Image via l’agence Mezopotamya