PARIS – Le premier Festival des films kurdes de Paris s’est déroulé du 3 au 6 juillet 2019. Parmi les organisateurs du festival se trouvaient le Centre Wallonie – Bruxelles, l’Institut kurde de Paris, la Cinebej (l’Association du cinéma franco – kurde) et la Mairie de Paris.
Le festival, qui a débuté avec le documentaire d’Hüseyin Tabak sur la vie, les combats et les films de Yılmaz Güney s’est achevé avec le film Zagros, une production belge.
Le journaliste de Demokrat Haber, Ercan Jan Aktaş a interviewé le jeune cinéaste kurde, Aram Taştekin, au sujet du festival du film kurde et son avenir.
Aram Taştekin critique les sujets des films kurdes et demande : « Les Kurdes ne font-ils rien d’autre que résister ? »
Inteview :
Pourriez-vous nous présenter brièvement ? Comment as-tu commencé avec le cinéma, qu’as-tu fait jusqu’à présent ?
Aram Taştekin : J’ai été expulsé de la municipalité où je travaillais comme professeur de théâtre à la même époque où j’étais acteur de théâtre et de cinéma à Diyarbakır. Je voulais faire un documentaire sur les conflits de 2016 et j’ai été torturé et détenu à Sur. J’ai essayé d’être membre de l’organisation et c’était la raison de l’expulsion. Je suis parti en France à cause des risques que je courais dans le même dossier. Je vis ici depuis environ deux ans et je poursuis mes études de théâtre à l’Université Paris 8. En même temps, je continue à jouer dans le cinéma et le théâtre.
Ma relation avec le cinéma a commencé avec Yılmaz Güney, comme tous les Kurdes. J’ai toujours étudié ses films et c’est peut-être pour cela que je suis acteur. Depuis une dizaine d’années que je joue, j’ai une vie intime avec le cinéma, le scénario, l’histoire, le personnage et la dramaturgie. Je regarde un film presque toutes les semaines et suis de près le cinéma kurde.
Vous avez participé au festival du film kurde à Paris en tant que spectateur. Qu’avez-vous VU et que voulez-vous dire à leur sujet ?
J’ai regardé La Légende de Yılmaz Güney, Reşeba, La mère, La tache, The Colorless Dream, La maison sans toit, Pantor. Je pense que c’était un peu difficile car c’était la première année, mais disons que nous avons finalement cassé la jambe du diable [une expression pour dire qu’on a réussi finalement]. Certains des films que j’ai visionnés étaient très bons, comme The Colorless Dream et La Légende de Yılmaz Güney. Je tiens à féliciter Hüseyin Tabak pour son long et bon travail. J’ai particulièrement apprécié la manière dont il a mis son style de travail dans le documentaire. En tant que spectateur, je m’interroge toujours sur la méthode des films documentaires. Il y avait quelque chose qui me rendait heureux dans Colorless Dream, les personnages étaient clairs et puissants. En général, nous devons encore progresser dans le cinéma et la littérature kurdes. Malheureusement, les personnages ne sont pas très bien gérés et cela crée une faiblesse dramatique.
Les courts métrages que j’ai visionnés n’étaient pas mauvais. Je pense que les courts métrages contribuent beaucoup au cinéma, il devrait donc être soutenu et reproduit. Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier l’équipe du festival pour l’année à venir [Il faut qu’elle prenne des courts métrages]. En fait, il y a beaucoup à dire sur Resheba, mais je pense l’écrire dans un autre article. Mais je ne veux pas passer sans mentionner cela. Tourner les histoires réelles se fait avec une bonne recherche et en suivant une bonne méthode. Le film Resheba est très incomplet en ce sens. Ces dernières années, un nouveau genre est apparu. Le film est tourné avant la fin d’un événement et le livre est en cours d’écriture. À mon avis, on devrait le laisser infuser un peu. Lors de la remise en question des résultats de l’événement, il est nécessaire de prendre en compte ses aspects sociologiques. Nous avons tous regardé le massacre des Yézîdîs en direct déjà. Je ne veux pas le revoir au cinéma. Je préférerais voir ce qui a changé depuis ce massacre. Parce qu’il y aura beaucoup de contradictions ici, et cela [est très précieux].
Ces dernières années, de nombreux pays européens ont organisé des festivals du film kurde, pouvez-vous les regarder ? Que voulez-vous dire à ce sujet ?
Malheureusement, je ne peux toujours quitter la France et je n’ai pas l’occasion de suivre ces festivals, mais comme je l’ai dit, je suis de près le cinéma kurde. C’est très agréable de les avoir dans une région comme l’Europe. Après tout, ce que vous appelez l’art se touche, et les festivals sont un outil pour cela. J’espère que ces festivals se multiplieront et deviendront chaque jour plus professionnels.
LES KURDES NE FONT-ILS RIEN D’AUTRE QUE RÉSISTER ?
Y a-t-il un changement ou une transformation dans le cinéma kurde, qu’en pensez-vous ?
Le cinéma kurde se développe et se transforme, mais la même insistance persiste. Il fut un temps, on a fait des films sur des vieux enregistrement et sur la langue. Ils ont été remplacés par des films de guerre et d’exil. Je veux dire, les Kurdes font des films selon l’actualité. Je voudrais préciser que ceci n’est pas une objection, il est très difficile de vivre en étant coupé de l’actualité dans un endroit comme le Kurdistan. Quand le sujet des films se situe généralement dans ce cadre, on se demande si les Kurdes font autre chose que résister. Ce ne serait pas une mauvaise idée de voir plus de films de tous les jours. Vous voyez que même dans la vie quotidienne la plus ordinaire, un incident de guérilla ou de peshmerga surgit, vous vous demandez d’où sort ça. J’espère que nous verrons ce genre de films à l’avenir. Ali Kemal Cinar est l’un de ceux qui font bien ces choses et ce ne serait pas si mal de voir ses films lors de festivals.
Enfin, le cinéma kurde doit nouer plus de relations dans les quatre parties et en Europe. Chaque producteur, réalisateur, acteur devrait être étroitement lié entre eux et se soutenir mutuellement. Par exemple, nous regardons quatre morceaux de résistance dans nos films, mais pourquoi ne résistons-nous pas ensemble dans le domaine du cinéma ? L’art n’est-il pas ce qui rend les frontières inutiles ? Alors qu’est-ce qu’on attend, embrassons-nous.
Publié sur le site Demokrat Haber