PARIS – Depuis la visite du ministre français des affaires étrangères à son homologue turc à Ankara, une vague de répression policière s’abat de nouveau sur les militants kurdes en France ainsi que sur leurs soutiens. Quelques jours avant cette visite, les comptes bancaires de certains membres et responsables du Conseil démocratique kurde en France (CDK-F) ont été bloqués par les autorités françaises au motif que ces comtes serviraient de « financement du terrorisme ». Depuis, un Kurde a été arrêté à Marseille le 20 juin, à la demande de la Turquie et le domicile de deux membres de l’Union Syndicale Solidaires ont été perquisitionnés le 18 juin à l’aube car ces personnes auraient, par le passé, hébergé administrativement un réfugié kurde…
Dans le communiqué suivant, le CDK-F, Union Syndicale Solidaires ainsi que l’Union Syndicale Département Solidaires 93 ont condamné fermement la chasse aux Kurdes opérée en France à la demande de la Turquie :
« Le mardi 18 juin 2019 à 6h, le domicile de deux camarades de Solidaires travaillant sur le Kurdistan a été perquisitionné par 7 agents de la SDAT (Sous-direction anti-terroriste), dont 4 cagoulés. Le motif est que les deux camarades ont, par le passé, domicilié administrativement un camarade réfugié politique kurde qui lui serait visé par une instruction. Cependant, depuis un an cette personne n’était plus domiciliée chez eux.
Malgré cela, les agents de la SDAT ont tout fouillé, inspectant et prenant en photo les livres se trouvant dans la bibliothèque et des revues dont la revue de Solidaires sur le Kurdistan et le numéro d’une revue universitaire portant sur la Turquie. Les policiers de la SDAT ont inspecté les moindre recoins de leur domicile, regardé sous toutes les coutures tous les drapeaux, tracts, revues, livres, affiches, autocollants se trouvant chez eux, dont aucun n’est illégal ou interdit en France.
L’ensemble des carnets de notes de terrain d’une des deux personnes ainsi que des livres, rapports et autres matériels ont été inspectés et lus alors qu’il s’agit de matériels de terrain dans la cadre de la préparation d’une thèse. Un ordinateur sur lequel se trouvait l’ensemble des documents relatifs à la thèse de la camarade a été saisie. La perquisition a duré trois heure et demi. Même si les deux personnes chez qui a eu lieu la perquisition ne sont pas visées spécifiquement, leurs affaires ont été fouillées, certains de leurs effets personnels saisis.
Cette perquisition opérée sur le sol français, à la demande d’un pays tiers (la Belgique), et visant un kurde protégé par l’asile, s’inscrit dans un contexte de criminalisation du mouvement kurde en Europe, et d’intimidation des personnes et organisations qui les soutiennent. Le même jour, un kurde vivant à Marseille a été arrêté pour être extradé sur demande de la Turquie et des perquisitions et arrestations ont eu lieu dans plusieurs pays européens. Le 13 juin, plusieurs membres et dirigeants du Conseil Démocratique Kurde en France (CDKF) ont vu leurs comptes bancaires bloqués sur décision conjointe des ministres de l’économie et de l’intérieur. Le 17 juin, le CDKF, rappelant l’assassinat des trois militantes kurdes à Paris en 2013, alertait sur la recrudescence des menaces de mort à l’encontre des représentant.e.s kurdes en Europe.
Ces événements se déroulent avant et après une rencontre entre le ministre des affaires étrangères français Jean-Yves le Drian et son homologue turc Mevlüt Cavusoglu à Ankara le 13 juin 2019.
Tout cela laisse penser qu’une fois de plus, Paris a négocié avec Ankara de gros contrats sur le dos des militant.e.s kurdes réfugié.e.s en France.
Cette vague de répression n’est pas sans rappeler la large répression menée par la France entre 2006 et 2013, qui avait conduit à l’arrestation de centaines de militant.e.s kurdes, dans le cadre de collaboration avec l’État turc. Cette politique de répression à l’encontre des kurdes, menée dans le cadre d’une coopération judiciaire immonde avec les autorités turques a conduit à l’assassinat le 9 janvier 2013 de trois militantes kurdes par les services de renseignements turcs, en plein cœur de Paris.
L’absence de réaction de l’État français concernant la répression et la criminalisation en Turquie des soutiens européens à la lutte des kurde est également révélatrice de ce climat de complaisance envers un régime qui ne cesse de bafouer les droits et libertés des kurdes et de l’ensemble des opposant.e.s. Ainsi les arrestations, les menaces, les expulsions de délégations d’observateurs comprenant des élu.e.s et des militant.e.s pour observer les élections ou participer au Newroz n’ont fait l’objet d’aucune protestation de la part de la France et n’ont pas donné lieu à des incidents diplomatiques.
• La répression visant le mouvement kurde en France doit cesser.
• Le PKK doit être retiré de la liste des organisations terroristes.
• Nous demandons la restitution des affaires personnelles saisies au domicile de nos
camarades.
• Nous dénonçons la criminalisation du mouvement kurde visant notamment des personnes
protégées par l’asile.
• Nous dénonçons ces pratiques qui visent à faire peur aux soutiens et la volonté de
criminaliser les initiatives de soutien.
Aubervilliers, le 21 juin 2019. »