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Pour une zone d’exclusion aérienne kurde en Syrie

Comme les États-Unis l’ont fait pour l’Irak en 1991, une zone d’exclusion aérienne pour les Kurdes syriens créerait une sphère d’influence amie qui pourrait faire reculer le terrorisme et l’Iran.
 
En décembre, le président Donald Trump a tweeté un appel au retrait des troupes américaines en Syrie. Dans son tweet, il déclarait que depuis la défaite de l’Etat islamique, il était temps pour les forces américaines de rentrer chez elles. Malheureusement, DAESH a alors démontré qu’il est vivant et en bonne santé, lorsqu’un kamikaze s’est fait explosé en Syrie, tuant quatre Américains. Le califat de DAESH s’est peut-être évanoui, mais on estime qu’il reste entre vingt et trente mille combattants en Syrie et en Irak.
 
Peut-être que cet attentat à la bombe était un message au président de l’organisation terroriste. Quel qu’en soit le motif, si les Etats-Unis veulent rester une figure clé au Moyen-Orient, ils doivent être visibles en Syrie, sinon sur le terrain, mais aussi dans les airs.
 
C’est certainement la bonne chose à faire. Nos alliés kurdes, les Forces démocratiques syriennes (FDS), ont mené la lutte contre l’Etat islamique sur le terrain, à la demande des États-Unis, et risquent maintenant d’être massacrés par la Turquie, alliée de l’OTAN des États-Unis. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a promis de démanteler les FDS et de le remplacer par des forces locales. Mais les Kurdes sont les forces locales. La population civile des territoires des FDS comptent près de quatre millions d’habitants et les FDS ont soixante mille combattants, hommes et femmes, tous autochtones syriens. Parmi les groupes ethniques et religieux représentés dans les FDS figurent les Kurdes, les Arabes, les Yézidis, les musulmans et les chrétiens. Il incombe aux États-Unis de non seulement de garantir la sécurité des Kurdes et de leurs partenaires pour les années à venir, mais aussi de leur permettre de se gouverner eux-mêmes. Ils ont combattu DAESH pour nous, maintenant nous devons les protéger.
 
Le président Trump a plusieurs options viables, s’il veut que les États-Unis maintiennent leur influence en Syrie. La première est d’annuler la décision de retirer les forces américaines de Syrie. Mais c’est très improbable. La seconde est de soutenir les Etats européens désireux de créer une zone tampon entre la Turquie et la Syrie pour éviter une agression turque contre les FDS. C’est également peu probable, car la Turquie a exigé que ses propres forces se trouvent en Syrie. La troisième option viable est d’imposer une zone d’exclusion aérienne (No fly zone – NFZ) dans le nord-est de la Syrie pour empêcher un  » abattage  » turc des FDS.
 
Une NFZ a déjà été instaurée, avec succès, après 1991, lorsque Saddam Hussein a menacé les Kurdes en Irak. Sans les bottes sur le terrain, les États-Unis ont mis en place une ZNF en coordination avec le Royaume-Uni et la France. Cela a permis d’assurer la sécurité des Kurdes – à ce jour – et la création éventuelle du gouvernement régional du Kurdistan (GRK). Le GRK a été extrêmement utile aux États-Unis. Pendant la guerre en Irak en 2003, c’était le seul refuge sûr dans tout l’Irak où pas un seul soldat américain n’a perdu la vie pendant toute la durée de la guerre.
 
Aujourd’hui, le président Trump a l’occasion de créer une autre région au Moyen-Orient, amie non seulement des États-Unis mais aussi du reste de l’Occident. Les FDS en Syrie sont dans une bien meilleure position que ne l’étaient les Kurdes irakiens en 1991. En Syrie, les FDS ont organisé des élections, a créé des conseils locaux composés de représentants de différentes religions et ethnies et a permis aux femmes de participer sur un pied d’égalité avec les hommes. Les FDS sont une entité autogérée depuis 2015. Tout ce qui manque aux FDS, c’est la sécurité dans les airs.
 
La mise en œuvre d’une ZNF exigerait que des pays comme la France maintiennent leurs troupes sur le terrain pour décourager l’invasion de la Turquie. Le président français Emmanuel Macron a promis de maintenir les forces françaises en Syrie pour une autre année après la perte des militaires américains. D’autres, comme les Britanniques et les Néerlandais, sont également prêts à aider les FDS avec des troupes terrestres, tant qu’ils ont le soutien de la puissance aérienne américaine.
 
Les États-Unis devraient retirer graduellement leurs troupes, peut-être en les transférant à l’Irak voisin, où il y a déjà plus de 5 000 soldats et où les États-Unis ont une base aérienne, Al Asad. Une base aérienne américaine en Jordanie, la base aérienne de Muwaffaq Salti, peut également être utilisée pour faire respecter la NFZ. Il y a aussi la base aérienne Ali al Salem au Koweït que les États-Unis ont à leur disposition pour faire respecter la NFZ.
 
En l’absence de bottes américaines sur le terrain, la création d’une NFZ peut permettre au président de tenir sa promesse de se retirer complètement tout en restant aux côtés de nos alliés, les FDS. Sinon, la crédibilité des États-Unis dans la région est menacée. Ignorer le sort des FDS les obligera à conclure un accord avec Bachar al-Assad (Syrie) et Vladimir Poutine (Russie), ce qui porterait atteinte à la sécurité nationale américaine.
 
Les États-Unis ne peuvent pas permettre à la Syrie de revenir à la situation d’avant 2011, avant la révolution. Un retrait de troupes légitimerait le régime d’Assad, permettrait à l’Iran de s’étendre et donnerait à la Russie les moyens d’agir. Mais tout cela peut encore être évité en créant un refuge sûr pour les FDS dans le nord-est de la Syrie à travers une zone d’exclusion aérienne.
 
Par Diliman Abdulkader, directeur du projet Kurdistan à la Fondation pour la vérité au Moyen-Orient (EMET).