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Mahsum Korkmaz (Agit) : l’esprit du 15 août

Le dernier mouvement armé kurde en Turquie a débuté avec des actions du 15 août 1984 sous le commandement de Mahsum Korkmaz (Agit). Tombé en 1986, son corps se trouverait dans une fosse commune à Nevada Kasaba, dans la région kurde de Siirt…
 
Newala Kasaba, deux mots que les Kurdes ont dans la tête comme s’ils avaient été gravés dans leur esprit.
 
Newala Kasaba concentre peut-être l’essentiel de la guerre sale de l’Etat turc contre le peuple kurde, comme Kobanê et Afrin ainsi que de nombreux autres noms …
 
Newala Kasaba est un vaste terrain vallonné, situé à la périphérie immédiate de la ville kurde de Siirt. Ce pourrait être un dépotoir. Et en effet, vous pouvez y trouver des poubelles. Mais il faut marcher quelques mètres pour comprendre que cette terre cache quelque chose de plus horrible.
 
Des sacs noirs, comme des sacs à ordures, remontent à la surface. Ils ne contiennent pas de déchets cependant. Des morceaux de vêtements s’y échappent pour révéler ce qui est vraiment caché dans ces terres. Les os remontent à la surface. Les habitants de Siirt savent depuis longtemps ce que ces terres cachent.
 
Quelle vérité a été enterrée ici pour ne plus jamais être révélée, dans les intentions de ceux qui ont commis le crime horrible consistant à enlever des Kurdes, à les torturer, à les tuer et finalement à jeter leurs corps comme des ordures.
 
Newala Kasaba est une immense fosse commune, ou plutôt un cimetière. Mais un cimetière où les horreurs de la guerre des forces d’Etat turques contre les Kurdes ont été enterrées. Pourtant, la vérité ne peut pas être enterrée pour toujours. Et en effet, ceux qui ont été enterrés là-bas luttent pour sortir, pour rappeler à tous les crimes horribles commis par l’État turc.
 
On dit que plus de 100 corps sont enterrés à Newala Kasaba. Certains parlent de 200. Parmi ces corps sans sépultures, il y aurait l’un des fondateurs du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), Mahsum Korkmaz. En effet, quelqu’un indique l’endroit où il pourrait se reposer : à une cinquantaine de mètres de l’entrée du site.
 
Un vieil homme aux cheveux blancs et à la barbe raconte l’histoire de sa tragédie. « Mon fils a été enlevé par des gendermes et emmené au poste de gendarmerie.
 
Il a été torturé pendant des jours et il est finalement mort. Nous savions qu’il avait été emmené au poste de gendarmerie et nous l’avions demandé. On nous a dit qu’il n’était pas là. En effet, on nous a dit qu’il n’était jamais entré dans la porte de la gendarmerie. Pourtant, nous savions qu’il était là ».
 
Les jours passèrent et le vieil homme ne put obtenir aucune réponse. Il n’a pas perdu espoir de retrouver son fils, même si, au fil des jours, il savait que les choses allaient mal, très mal. « J’ai finalement appris qu’il était mort à cause de la torture. Je suis retourné à la gendarmerie pour demander son corps. Ils m’ont dit encore une fois que j’avais tort, mon fils n’avait jamais franchi cette porte ».
 
Depuis la fin des années 80, des rumeurs disaient que parmi les ordures de Newala Kasaba, des sacs contenant le reste des personnes tuées par le tristement célèbre Jitem (un corps spécial de l’armée turque) étaient jetés dans les champs.
 
La réalité de Newala Kasaba a finalement été mise au jour et, depuis le début des années 90, les proches des personnes disparues ont réclamé leur droit de trouver leurs proches portés disparus.
 
Mais les magistrats turcs ne donnent pas la permission de fouiller le site. Et ainsi, ceux qui ont été enterrés ont commencé à sortir à la surface d’eux-même. Il est très difficile sur le plan émotionnel de marcher le long de Newala Kasaba, sachant que tant de personnes ont été enterrées précipitamment et sans respect. Et c’est précisément cela qui frappe : l’État turc a commis des crimes horribles en sachant qu’il bénéficierait d’une impunité totale.
 
Ils ont assassiné des gens en sachant qu’ils ne seraient jamais tenus pour responsables. Mais les temps changent lentement. Les associations de la société civile, avec l’aide du BDP (Parti de la paix et de la démocratie), ont lancé une initiative énergique demandant au gouvernement turc d’ouvrir les fosses communes de cette région.
 
Mahsum Korkmaz, Agit, était le premier commandant du PKK. Il a dirigé les actions du 15 août 1984 qui ont déclenché la rébellion armée kurde au Kurdistan du Nord. Il a perdu la vie le 28 mars 1986.