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Jamal Zandi : Je suis tabou [Kurde]

Quand je parle de mon pays, je parle de nombreux pays : la Turquie, l’Iran, la Syrie et l’Irak. Chaque fois que l’on me demande « d’où viens-tu ? », Bien sûr, je réponds : « Je suis kurde ». Puis, on me pose immédiatement une autre question : « kurde ! D’où ? kurde-turc ?  » Quelqu’un d’autre me demande : « d’Irak ? ». Je ne peux pas répondre avec un mot.
Pour expliquer qui je suis, je dois expliquer une blessure, l’histoire d’un pays démembré.

Je me souviens des paroles d’İsmail Beşikçi, le sociologue turc qui a passé une vingtaine d’années en prison pour avoir défendu les Kurdes. Il a déclaré : « La Turquie a un Kurdistan, l’Iran a un Kurdistan, la Syrie a un Kurdistan, l’Irak a un Kurdistan, à l’exception des Kurdes ». Les Kurdes n’en ont pas.
J’ai donc pensé que parmi les nombreux tabous de mon pays, moi-même, en tant que Kurde, je suis un tabou.

Je suis Tabou
En Turquie, je n’existais pas
ils appellent ma langue « langue de
montagne »,
offensé, je suis
opprimé, je me bats.
Ils m’appellent musulman
pour ne pas dire kurde.

En Iran,
j’ai fait partie de
« la République iranienne suspendue »,
a déclaré Sherko Bekas,
ne me permet quoi que ce soit,
ni me reconnaît, je
suis suspendu
entre être et ne pas être.

En Syrie,
jusqu’à il y a quelques années, je
n’existais pas,
maintenant j’existe,
depuis que je lutte contre le Mal de notre temps,
et le nouveau Sultan turc et les loups gris,
le temps est gris foncé ;
donc le monde ne me voyait pas
ou ne voulait pas me voir.

Je suis Afrin,
dans l’utérus vide
visage blanchies, le
coeur plein de douleur,
faire confiance à l’âme, les
yeux dans les yeux du mauvais temps
je me bats pour,
le vacarme des hommes (…) et l’argent, les
marchands de sang et d’os
dans une longue ligne
comme quand les mosquées sont placées devant Dieu pour prier à l’envers,
l’un après l’autre,
avant de semer la haine,
créateur de la guerre,
le nouveau sultan,
de se prosterner sans honte.

En Syrie, mon destin est Afrin.

En Irak,
j’ai lutté pour prouver mon existence,
mais ça m’a coûté cher, mes chers :
j’avais mon Hiroshima,
mon Halabja,
j’avais mon Anfal.
Pourtant j’existe.

Jamal Zandi est un ancien activiste pour les droits de l’homme, la démocratie et le droit à l’autodétermination du peuple kurde. Il vit en exil en Suisse. Il est diplômé en langue, littérature et civilisation italiennes à l’USI de Lugano. Il a traduit le cimetière de lumière du poète kurde Sherko Bekas en italien et Il Principe di Machiavelli en kurde; les deux traductions sont publiées.

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