Appel à participer aux commémorations des martyrs kurdes de Paris

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PARIS – La diaspora kurde d’Europe défilera à Paris les 9 et 10 janvier 2026 pour demander justice et vérité pour les trois militantes kurdes assassinées à Paris le 9 janvier 2013*. Les collectifs Réseau SERHILDAN, Zora et Young Struggle appellent à former un cortège internationaliste lors de la manifestation du samedi 10 janvier dans un communiqué publié aujourd’hui. Voici un extrait de leur appel à manifester pour demander Vérité et Justice pour les martyrs kurdes de Paris : « Le 10 janvier 2026, nous allons commémorer deux attentats qui ont visé le peuple kurde en plein Paris, une première fois en 2013 et une seconde fois en 2022. Aujourd’hui encore, les véritables responsables ne sont pas poursuivis et les véritables responsables ne sont pas inquiétés. Le 10 janvier 2026 à 10h à Gare du Nord, retrouvons-nous pour exiger Justice & Vérité sur les deux attentats. » (Contact pour plus d’information : contact@serhildan.org youngstruggleparis@protonmail.com) ********************************
Commémorations sur les lieux du massacre (147 rue Lafayette), le vendredi 9 janvier, à 12h
 
Grande marche le samedi 10 janvier, à 10h, départ depuis la Gare du Nord
 
Les deux évènements commémoratifs sont coorganisés par le Mouvement des Femmes Kurdes en Europe (TJK-E), le Mouvement des Femmes Kurdes en France (TJK-F) et le Conseil Démocratique Kurde en France (CDK-F)
 
 
*Le triple meurtre de Paris, 12 ans après, la justice se fait attendre
 
Le 9 janvier 2013, Sakine Cansiz, Fidan Dogan, Leyla Soylemez, trois militantes kurdes, étaient assassinées ensemble à Paris par un membre des renseignements turcs (MIT) selon de nombreux éléments de l’enquête fuités dans la presse. Malgré cela, les autorités françaises n’ont toujours pas rendu justice au peuple kurde 12 ans après ce triple assassinat politique commis sur le sol français car les intérêts étatiques entre la France et la Turquie sont autrement plus importants que la quête de justice d’un peuple apatride.
 
Malgré ces obstacles de taille, les proches des 3 victimes et les organisations kurdes d’Europe, ainsi que leurs amis militent activement pour obtenir justice sur ce dossier pour le moment relevant de « raison d’État ». Après la mort en décembre 2016 d’Omer Guney, le tireur présumé arrêté en France en lien avec ce triple meurtre, quelques semaines avant le début du procès prévu le 23 janvier 2017, on croyait l’affaire close.
 
En effet, bien que la justice française s’est empressée de classer aussitôt l’affaire, les avocats des familles des victimes sont intervenus, rappelant que, même si celui qui tué les 3 femmes est décédé, les commanditaires de ce triple meurtre ne le sont pas et qu’ils sont étroitement liés aux services secrets turcs. Ainsi, les familles des trois victimes se sont constituées partie civile en 2018 et ont réussi à ce qu’en mai 2019, l’affaire soit relancée « pour les faits de complicité d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste et d’association de malfaiteurs terroriste criminelle ». « L’enquête judiciaire a mis en évidence que l’un des mobiles les plus plausibles de ce triple assassinat pouvait être mis en relation avec les activités supposées d’Ömer Güney en France au sein des services secrets turcs [MIT], » écrivait d’ailleurs la juge d’instruction chargée du dossier.

TURQUIE. « Le chemin de la paix passe par Roboski »

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TURQUIE / KURDISTAN – Les 34 civils kurdes qui ont perdu la vie lors du massacre de Roboski le 28 décembre 2011 sont commémorés sur leurs tombes où leurs familles demandent justice à l’État turc qui est en pourparlers de paix avec le mouvement kurde. « Justice pour Roboski » Dans le village kurde de Roboski, dans la province de Şirnex (en turc : Şırnak), le 14e anniversaire du raid aérien meurtrier qui a coûté la vie à 34 civils a été commémoré. Les victimes, dont 19 mineurs, ont été tuées par des avions de chasse le 28 décembre 2011. Lors de la cérémonie commémorative, leurs proches ont exigé la vérité, la justice et une enquête politique sur ce massacre. La cérémonie au cimetière a rassemblé les familles des victimes ainsi que des membres de divers partis politiques, de l’Association internationale des droits de l’homme (IHD), de la Confédération syndicale (KESK) et d’autres ONG. Les participants portaient des photos des victimes et des banderoles avec des slogans tels que « Roboski ne sera pas oublié » et « Justice pour Roboski ». « Le chemin vers la paix passe par Roboski » Dans un discours poignant, Veli Encü, qui a perdu une vingtaine de proches lors de l’attentat, a évoqué les souffrances persistantes des familles : « Depuis 14 ans, nous attendons justice. Les mères n’ont jamais cessé de pleurer. Quiconque aspire à la paix doit affronter Roboski. Le chemin de la paix passe par Roboski. »
Tülay Hatimoğulları, coprésidente du parti DEM, a souligné que les victimes étaient majoritairement des jeunes, contraints par la pauvreté de transporter des marchandises à travers la frontière turco-irakienne à dos d’animaux. « Ils voulaient livrer des cigarettes, du tabac, et ont été victimes d’attentats à la bombe », a-t-elle déclaré. « Depuis 14 ans, nous demandons : qui a donné l’ordre ? Qui a fourni ce rapport de renseignement prétendument falsifié ? » Il n’y a jamais eu d’excuses, ni d’inculpation. Roboski est un crime contre l’humanité, a-t-elle poursuivi. Critique du silence de l’État et du double discours La femme politique a critiqué le silence des autorités étatiques immédiatement après l’attaque, faisant référence à la réunion du Conseil national de sécurité qui s’est tenue le même jour. « Roboski a-t-il été mentionné ? Pourquoi aucune explication n’a-t-elle été donnée pendant 24 heures ? » Hatimoğulları a affirmé qu’un « système judiciaire à deux vitesses » prévaut toujours dans le pays. « Pour certains, justice est rendue ; pour d’autres, silence, dissimulation et déni. » Évoquant le « processus de paix et de démocratisation » initié par le représentant kurde Abdullah Öcalan, elle a déclaré : « Une paix véritable ne pourra advenir que lorsque la société fera face à son histoire et à ses souffrances. Cela implique des excuses sincères pour Roboski. »
« Massacre sous les yeux du gouvernement » Keskin Bayındır, coprésident du DBP, a également déclaré : « L’affaire Roboski n’est pas close. Elle restera ouverte jusqu’à ce que justice soit rendue. » Cette demande de justice n’est pas seulement juridique, mais profondément humaine : « Les mères n’oublient pas. Et elles ne pardonnent pas tant qu’elles n’ont pas été entendues. » Le député du CHP, Sezgin Tanrıkulu, a qualifié le massacre de Roboski de « crime contre l’humanité » qui ne devrait pas être soumis à la prescription. Erinç Sağkan, président du barreau turc (TBB), a déclaré : « Il y a quatorze ans, nous avons promis aux familles de ne pas les laisser seules dans leur douleur, et nous tenons cette promesse. On dit que le temps apaise les souffrances. Mais le temps seul ne suffit pas. Si justice est rendue, alors la plaie pourra se refermer. Mais depuis quatorze ans, la douleur n’a fait que s’intensifier. » Le président de l’EMEP, Seyit Aslan, a également évoqué un massacre perpétré « sous le nez du gouvernement » : « Les responsables sont connus, mais personne n’a été inculpé. » La syndicaliste Ayfer Koçak (KESK) a souligné que la pauvreté avait contraint les jeunes victimes à des travaux dangereux et que, de nos jours, la pauvreté n’est pas seulement économique, mais qu’elle affecte aussi la justice, la paix et la démocratie. La visite de la tombe s’est conclue par un dépôt de fleurs.

SYRIE. Damas envoie des renforts militaires contre les Kurdes d’Alep

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SYRIE / ROJAVA – Des groupes armés sous commandement de Damas envoient des renforts militaires, dont des chars, contre les quartiers kurdes de Sheikh Maqsoud et d’Achrafieh, à Alep. Des groupes armés affiliés au gouvernement intérimaire syrien ont de nouveau attaqué les quartiers kurdes de Shexmeqsud et d’Esrefiyê à Alep dans la nuit de mardi à mercredi. Selon l’agence de presse Hawar (ANHA), au moins trois obus se seraient abattus sur la zone lors de ce bombardement d’artillerie. De leur côté, les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont diffusé une vidéo sur la plateforme internet X, revendiquant l’agression comme étant le fait de l’ennemi. Les attaques militaires contre les quartiers majoritairement kurdes d’Alep se sont intensifiées de nouveau dans la nuit. Avant le bombardement d’artillerie, un point de contrôle tenu par les Forces de sécurité intérieure du Nord et de l’Est de la Syrie (Asayish) au carrefour de Shihan aurait été attaqué à l’aide de roquettes RPG. Une vidéo correspondante a été publiée par le porte-parole des FDS, Ferhad Shamî, sur X (ancien Twitter). Elle vise à prouver que l’agression – contrairement aux affirmations de Damas – ne provient pas des FDS, mais de groupes affiliés au Gouvernement fédéral de transition syrien. Après le bombardement, des chars et des véhicules militaires auraient été déployés à proximité immédiate des deux quartiers.    Renforts militaires pendant la nuit   En parallèle à ces attaques, durant la nuit dernière, des factions liées au gouvernement de transition ont continué à mobiliser du matériel militaire et des armes lourdes, notamment des chars, autours des quartiers de Sheikh Maqsoud et d’Achrafieh à Alep. À 21h50, l’une des positions des forces de sécurité intérieure près du rond-point de Sheihan, dans les deux quartiers concernés, a été soudainement attaquée à l’aide de grenades RPG, selon un communiqué publié par les forces. Les forces de sécurité intérieure ont riposté aux tirs dans le cadre de leur droit légitime à la légitime défense. S’en est suivi le déploiement de véhicules militaires lourds par des factions affiliées au gouvernement de transition autour des deux quartiers. Les véhicules et les chars apportés par les factions du gouvernement de transition ont été positionnés près de la caserne de pompiers le long de l’axe Sheihan, à al-Awarid, au rond-point de l’agriculture, au point de contrôle d’al-Hallak et près du parc Ashrafieh. Aux alentours de 23h45, les factions du gouvernement de transition ont bombardé les quartiers de Sheikh Maqsoud et d’Achrafieh avec plus de six obus, ciblant la zone nord adjacente à la zone de Shqeif, provoquant la panique parmi les résidents et des dégâts matériels. Des factions affiliées au gouvernement de transition ont également pénétré dans le quartier d’al-Jalaa, limitrophe de Sheikh Maqsoud et d’Achrafieh, contraignant les habitants à évacuer leurs maisons sous prétexte d’une possible nouvelle attaque. Après le départ des civils, ces factions ont pillé plusieurs habitations. (ANHA)

Plus de 300 sites archéologiques du Kurdistan engloutis par des barrages

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KURDISTAN – L’archéologue kurde, Erdoğan Ödük a déclaré que dans les quatre parties du Kurdistan occupés, les États colonialistes ont englouti plus de 300 sites archéologiques, dont le célèbre Hasankeyf vieux de plus de 12 000 ans, sous les barrages. D’autres sites archéologiques sont menacés par des projets similaires.  Erdoğan Ödük a déclaré que des sites du patrimoine culturel vieux de plusieurs milliers d’années ont été détruits dans une vaste zone s’étendant du Rojava au Rojhilat, et de Bakur à Başur, en raison de la guerre, des projets de barrages et des politiques militaires, ajoutant que ce qui se passe constitue un génocide culturel. Ces dernières années, les quatre régions du Kurdistan ont connu les plus grandes destructions environnementales de l’histoire. De nombreux sites historiques et culturels ont été ravagés. Par ailleurs, en raison des conflits armés, des politiques étatiques, des projets de barrages et du manque d’entretien, nombre de ces sites sont aujourd’hui menacés de disparition. Alors que le site historique et les remparts du quartier de Sur à Amed (Diyarbakır) ont subi d’importants dégâts lors des conflits, le temple d’Ayn Dara, datant de l’âge du fer et situé au Rojava (Syrie), a été en grande partie détruit par des frappes aériennes. Dans la région du Kurdistan irakien, des cités antiques comme Nimrud et des sites sacrés yézidis ont également été pris pour cible, tandis qu’au Rojhilat (Kurdistan oriental), la colline d’Hasanlu, le château de Ziwiye et des édifices traditionnels de la région d’Hawraman sont menacés. Les centrales hydroélectriques et les barrages construits au Kurdistan ont également entraîné la submersion de nombreux sites historiques et archéologiques. DES BARRAGES DANS QUATRE PARTIES DU KURDISTAN D’après les données du ministère de l’Environnement, de l’Urbanisation et du Changement climatique, 2 207 demandes d’évaluation d’impact environnemental (EIE) ont été déposées dans 24 villes et 192 districts du Kurdistan, et 625 d’entre elles ont été jugées non requises. Dans les zones concernées, la nature est mise à rude épreuve par les mines, les barrages, les centrales solaires, les parcs éoliens et les centrales hydroélectriques. Tout comme le district d’Heskîf (Hasankeyf), vieux de 12 000 ans et situé à Êlih, fut submergé par le barrage d’Ilısu, aujourd’hui, des barrages dits « de sécurité » et des opérations minières s’emploient à effacer la mémoire des sites historiques. De nombreux sites archéologiques ont été engloutis par les barrages construits dans les quatre régions du Kurdistan. Au Kurdistan du Sud, des dizaines d’anciens villages ont été inondés par les retenues d’eau des barrages de Dukan et de Mossoul, tandis que certains sites archéologiques, tels que Kemune et Tell Şemşara, ne réapparaissent que temporairement lors des périodes de sécheresse. Au nord et à l’est de la Syrie, le barrage de Tebqa a complètement submergé d’importants sites néolithiques et antiques comme Mureybet et Dibsi Faraj. Des situations similaires existent au Rojhilat (Kurdistan oriental). L’archéologue et membre de l’Association d’écologie de Van, Erdoğan Ödük, a commenté la destruction des sites du patrimoine culturel. Erdoğan Ödük a déclaré que des milliers d’années de patrimoine culturel ont été détruites dans une vaste zone du Kurdistan en raison de la guerre, des projets de barrages et des politiques militaires, ajoutant que ce qui se passe constitue un génocide culturel. « 200 à 300 sites archéologiques sont sous l’eau » Erdoğan Ödük a déclaré que la destruction culturelle au Kurdistan ne peut être résolue par des zones isolées, ajoutant qu’une situation similaire existe dans tout le Rojava, le Rojhilat, le Bakur et le Başur. Ödük a déclaré : « Il serait inexact de désigner une région spécifique comme étant le Kurdistan, car un génocide culturel se produit partout. Le barrage d’Ilısu, construit sur le Tigre, en est un exemple frappant. Des études indiquent qu’environ 200 à 300 villages et sites archéologiques ont été submergés par la construction de ces barrages, mais nous ignorons leur exhaustivité et leur accessibilité. Des fouilles de sauvetage sont entreprises pendant la construction du barrage, mais la priorité est donnée à son achèvement. Il en résulte un manque de données scientifiques et une rupture du lien entre la population locale et son passé. Nous l’avons constaté autour de Hasankeyf, à Muş, et la même situation s’est produite avec les barrages d’Alparslan 1 et 2. Ces fouilles sont menées de manière désastreuse d’un point de vue scientifique : les données recueillies à un endroit sont rapidement abandonnées au profit d’autres zones, sans qu’il soit possible d’obtenir suffisamment de données. » « LES EFFETS SONT PROFONDÉMENT RESSENTIS » Ödük a souligné que les fouilles de sauvetage menées lors de la construction du barrage ont été interrompues avant la fin des études scientifiques, déclarant : « La construction d’un barrage est mise en service avant d’être achevée. Une situation similaire s’applique aux barrages de Keban et d’Atatürk ; à Elazığ, des centaines de tertres ont été submergés et les études n’ont pas pu être menées à terme. L’exclusion du public du processus a gravement nui à ces zones d’un point de vue scientifique. Le Kurdistan possède une histoire culturelle millénaire, et cette mémoire est en train d’être détruite par les barrages. On observe des exemples similaires dans le sud ; à Başur, l’un des premiers sites attaqués par Daech a été le musée de Mossoul, et la ville de Palmyre, en Syrie, a également été la cible d’attaques. Détruire la mémoire culturelle, c’est détruire le lien d’un peuple à sa terre. Nous en ressentons profondément les effets au Moyen-Orient et au cœur même du Kurdistan. Les opérations militaires et les zones interdites d’accès empêchent la réalisation d’études archéologiques ; les prospections de surface sont impossibles et les données recueillies restent incomplètes. » « LES DONNÉES MÉTALLIQUES ET ARCHÉOLOGIQUES DISPARAISSENT » Ödük a déclaré que l’urbanisation anarchique et la croissance démographique rapide ont engendré des pertes culturelles considérables : « Des sites comme la grotte de Şanidar [site préhistorique de Shanidar], datant de 60 000 à 65 000 ans, sont détruits sans avoir fait l’objet d’études scientifiques. Il s’agit d’un site majeur de l’histoire de l’humanité, et des dizaines d’autres ont été détruits sans avoir été identifiés. Lorsque la croissance démographique rapide et l’urbanisation anarchique s’allient à un manque de coordination entre les institutions, il arrive qu’une institution protège un site tandis qu’une autre l’ouvre au développement, ce qui aggrave les pertes scientifiques et culturelles. Le manque de sensibilisation du public favorise la chasse aux trésors et le vandalisme. Les attaques contre des structures arméniennes dans la région de Van et les démolitions perpétrées entre 1930 et 1950 en constituent le contexte historique. Lorsque la construction de barrages et la chasse aux trésors se conjuguent, les données archéologiques, tant organiques que métalliques, sont détruites ; ces pertes sont irréversibles. » « LE LIEN DU PEUPLE AVEC LE PASSÉ EST ROMPU » Ödük a déclaré que la destruction des sites du patrimoine historique au Kurdistan vise à rompre le lien du peuple avec son passé. Il a ajouté : « Hasankeyf et la région du barrage d’Ilısu, anciens villages kurdes, ont une histoire de 12 000 ans, mais ils ont tous été submergés. Lorsque les barrages arriveront en fin de vie, il ne sera plus possible de mener des recherches sur les zones restantes. Durant cette période, les études scientifiques ne peuvent durer que cinq à six mois par an, et les conditions climatiques et sécuritaires les limitent encore davantage. La destruction du patrimoine culturel entraîne la disparition des fondements culturels de la paix. Toutes les zones incendiées, détruites et submergées au Kurdistan sont des sites du patrimoine culturel ; la sensibilisation du public et la protection juridique sont indispensables à leur préservation. Détruire la mémoire culturelle, c’est rompre le lien du peuple avec son passé, et il n’y a pas de remède. » (Mezopotamya)

« La Turquie devrait s’abstenir de toute ingérence en Syrie pour que le processus de paix réussisse »

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SYRIE / ROJAVA – Muslim déclare que le processus de paix turco-kurde en Turquie devrait être géré séparément de celui en Syrie et exhorte Ankara à jouer un rôle de soutien. Salih Muslim, haut cadre du Parti de l’union démocratique (PYD), principal mouvement politique kurde en Syrie, a parlé à bianet des récents développements en Syrie et du processus de paix en cours en Turquie. Évoquant les pourparlers d’intégration en cours entre les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes et qui contrôlent environ 25 % du territoire syrien, et le gouvernement de Damas soutenu par la Turquie, Muslim a réaffirmé la position des FDS selon laquelle un système politique décentralisé reste le modèle le plus viable pour la Syrie. Muslim a noté que des affrontements ont éclaté entre Damas et les forces des FDS après la récente visite des ministres turcs des Affaires étrangères et de la Défense en Syrie, appelant Ankara à « user de son influence sur Damas pour trouver une solution ». Concernant le processus de paix en Turquie, qu’Ankara considère comme directement lié au processus syrien en raison des liens présumés entre les FDS et le PKK, Muslim a déclaré que si les Kurdes syriens soutiennent ce processus, les problèmes en Turquie et en Syrie devraient être traités séparément. « La meilleure chose que la Turquie puisse faire à cet égard serait de se désengager de la Syrie », a-t-il affirmé.
 
 

Des affrontements ont éclaté après une visite en Syrie.

Quels changements ont eu lieu dans la région suite à l’accord du 10 mars signé entre le commandant général des Forces démocratiques syriennes (FDS), Mazloum Abdi, et le président de transition syrien, Ahmed al-Charaa ? Comment évaluez-vous la récente visite turque en Syrie ? La position de la Turquie a changé immédiatement après la signature de l’accord du 10 mars. Cet accord, conclu entre les deux parties sous supervision américaine, a été rejeté par la Turquie, qui n’y était pas partie. Jusqu’à présent, elle a tout mis en œuvre pour empêcher sa conclusion et, dès le départ, a tenté de le saboter conformément à sa politique. Une fois l’engagement des deux parties envers l’accord confirmé, la Turquie a fait des déclarations en apparence positives. Cependant, dès la visite des ministres des Affaires étrangères et de la Défense en Syrie, des incidents ont éclaté à Şêx Maqsud et Eşrefiye. Ces événements sont indissociables. La pérennité de l’accord dépend étroitement du retrait de la Turquie de Syrie et de la capacité du gouvernement de Damas à se distancer de son influence.

Un système décentralisé

L’accord du 10 mars représente-t-il un règlement temporaire ? Quelles sont vos propositions à long terme pour une solution durable en Syrie ? Ce que nous voulons, c’est nous asseoir et rédiger une véritable Constitution. Elle doit être inclusive et prendre en compte tous les groupes, y compris les communautés ethniques et religieuses. La priorité aurait dû être de se concentrer d’abord sur cette question, et seulement ensuite sur les questions militaires. Mais depuis le début, leur objectif est de démanteler les FDS. Leur but est de laisser la résistance ici sans défense. Que signifie nous abandonner sans protection alors que les massacres contre les Alaouites et les Druzes se poursuivent ? Ce serait extrêmement dangereux pour nous. Bien sûr, la démocratisation ne se fait pas du jour au lendemain, mais notre priorité est la Constitution. Avec une nouvelle Constitution, chacun pourra comprendre son rôle et ses obligations. En matière de gouvernance, nous revendiquons tout particulièrement l’autonomie. Vous aviez précédemment proposé un système décentralisé. Croyez-vous toujours en ce modèle ? Un système décentralisé pourrait constituer le modèle adéquat. Les discussions portent sur le point suivant : la Syrie est divisée en provinces. Chaque province pourrait fonctionner comme une entité décentralisée autonome. Elles pourraient élire leurs propres administrateurs et établir leurs propres institutions politiques. Après tant de guerres, les décisions politiques prises à Damas doivent refléter l’ensemble du pays. L’enjeu principal est d’empêcher que le processus décisionnel ne soit monopolisé par une seule personne. Le projet de loi annoncé concentre tous les pouvoirs entre les mains d’un seul individu. Il a été élaboré sans consultation préalable, ce qui est inadmissible. L’avènement d’une démocratie pleine et entière peut prendre des années, mais nous souhaitons au moins garantir un démarrage correct. Ensuite, les progrès pourront se poursuivre étape par étape.

« Des membres de l’EI sont devenus policiers »

La menace de l’État islamique existe-t-elle toujours en Syrie ? D’après nos informations, l’État islamique a décliné depuis 2019 et n’opère plus que par le biais de cellules dormantes. Il a repris des forces après l’affaiblissement du régime, étendant son influence, notamment dans les régions désertiques et jusqu’aux zones rurales de Damas et de Homs. Il est désormais capable de mener des attaques dans les grandes villes. De nombreux individus partageant l’idéologie de l’EI ou sympathisant avec lui ont rejoint les forces de sécurité. Nombre d’entre eux appliquent leurs propres méthodes. Auparavant, nous avons également constaté des attaques de drones contre nos positions de l’autre côté de l’Euphrate. Ces attaques étaient lancées depuis des positions des forces de sécurité gouvernementales. Nous l’avons prouvé. Leur présence au sein des forces de sécurité gouvernementales constitue aujourd’hui une grave menace.

Les FDS sont en communication avec Ankara et Öcalan

Avez-vous eu des contacts avec Ankara depuis le début du processus en Turquie ? Prévoyez-vous des avancées prochainement concernant la réouverture des frontières ? Les responsables des relations extérieures au sein des FDS affirment que les canaux de communication avec Ankara restent ouverts. Bien entendu, nous ignorons la nature de ces contacts, mais les relations se poursuivent par l’intermédiaire de l’ambassade à Damas. L’ouverture des frontières ne représente aucune menace réelle pour la Turquie. Non seulement aujourd’hui, mais depuis l’annonce de notre création, nous n’avons jamais nourri d’hostilité envers la Turquie. Nous n’avons jamais entrepris d’action contre elle. Par conséquent, toute ouverture de frontière serait bénéfique aux deux parties. Cela pourrait également mener à l’établissement d’un cadre mutuellement acceptable pour les relations frontalières. Il en était de même en 2013. Nous n’avons jamais agi avec hostilité envers la Turquie, et les actions de nos forces ici n’ont jamais été dirigées contre elle. Cela reste vrai aujourd’hui. Notre objectif est de parvenir à un accord avec le gouvernement syrien et de contribuer à la construction d’une Syrie démocratique. Au lieu de contribuer à la résolution du problème, la Turquie semble adopter une position inverse, probablement en raison de sa situation interne. Nous souhaitons entretenir de bonnes relations. Chacun connaît l’influence considérable d’Ankara sur le gouvernement de Damas. Nous attendons de la Turquie qu’elle utilise cette influence de manière constructive, pour le bien de la population.
 
 
Vous vous êtes rendu en Turquie lors du premier processus de paix dans les années 2010. Avez-vous reçu des signaux d’Ankara laissant présager une reprise de ces visites ? Récemment, l’ancien ministre de l’Éducation, Hüseyin Çelik, a déclaré lors d’un événement qu’il vous avait personnellement invité en 2011. Comment ce processus s’est-il déroulé ? Bien sûr, nous souhaiterions nous rendre en Turquie. Mais nous ne devrions même pas avoir à le demander. Nous voulons nous asseoir à la table des négociations et résoudre nos différends pacifiquement par le dialogue. Nous le disons depuis 2013. Lors de ma visite en Turquie, nous avions été invités par le ministère des Affaires étrangères. Feridun Sinirlioğlu était alors en fonction. Je me souviens également que l’ambassadeur à Damas, Ömer Önhon, a joué un rôle déterminant pour faciliter cette visite. À l’époque, la Turquie a agi avec malhonnêteté. Elle a tenté de nous assimiler aux groupes d’opposition locaux. Si elle avait reconnu nos droits démocratiques, nous aurions peut-être accepté, mais cela ne s’est pas produit. L’opposition à laquelle elle voulait nous associer n’était pas un groupe avec lequel nous pouvions collaborer. C’est pourquoi nous n’y avons pas adhéré. Il a été révélé précédemment que des contacts avaient été établis avec Abdullah Öcalan au cours de ce processus. Ces contacts sont-ils toujours d’actualité ? Nous savons qu’il y a des échanges, notamment entre M. Mazloum Abdi et d’autres dirigeants des FDS. Je crois que ces échanges portent sur le processus en Turquie. Öcalan a déclaré que ces deux questions devaient être traitées séparément. Il estime qu’il n’est pas approprié que l’évolution de la situation en Syrie ait une incidence négative sur le processus en Turquie. Comment évaluez-vous le processus de paix et de société démocratique en cours en Turquie, où des discussions juridiques ont également lieu ? Comparé au processus précédent, y a-t-il cette fois-ci une chance de parvenir à une résolution ? Le succès ou l’échec du processus en Turquie dépend de sa dynamique interne. Nous espérons qu’il réussira. La meilleure chose que la Turquie puisse faire à cet égard serait de ne pas s’immiscer en Syrie.

« Nos propres forces nous suffisent. »

La Turquie a exprimé ses inquiétudes concernant les membres du PKK qui ont déposé les armes et rejoint le PYD. Cette inquiétude est infondée et nous espérons qu’elle prendra fin. Nous n’avons pas besoin d’un tel soutien ; nos forces sont suffisantes et, de fait, elles se renforcent. Nous n’avons besoin d’aucun combattant du PKK ni d’aucun autre groupe de la région. Le PKK a joué son rôle à un moment donné. Des guérilleros sont venus défendre Kobanî. Ensemble, nous avons libéré Kobanî de Daech. Le PKK n’était pas le seul à apporter son aide ; les peshmergas ont également participé. Ce soutien a duré environ trois mois. Une fois Kobanê libérée, chacun a regagné ses positions. Nos forces sont suffisantes. Nous n’avons besoin de personne.

« Le PKK mènera son propre processus démocratique. »

Si la Turquie prenait une telle mesure, cela contribuerait également à résoudre ses propres problèmes internes. Elle cesserait de nous impliquer dans son processus. Cela permettrait non seulement de régler la question kurde en Turquie, mais nous soulagerait aussi. Bien entendu, cette décision relève des parties directement concernées. Le PKK poursuivra son propre processus démocratique. Nous n’avons besoin d’aucune participation ni d’aucun soutien de leur part. Tout développement positif survenant au Rojava profitera à terme à la population turque. Nous souhaitons établir des relations de bon voisinage, ce qui serait bénéfique aux deux parties. Certains groupes hostiles à la paix sont perturbés par cette situation. Ils ne souhaitent la paix ni en Turquie ni en Syrie. La Turquie doit en prendre conscience. Nous ne recherchons pas les troubles ; nous voulons bâtir de bonnes relations et nous compléter mutuellement. Des Kurdes sont présents des deux côtés de cette frontière ; les populations y sont déjà préparées. Espérons que cette question sera abordée avec bon sens et que les décisions seront prises dans cet esprit. (Bianet)

TURQUIE. Massacre de Roboski : « Un test décisif pour le processus de paix »

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TURQUIE / KURDISTAN – Quatorze ans après le massacre de 34 civil kurdes à Roboski, étudiants, partis politiques et organisations de défense des droits humains réclament justice et des éclaircissements. Ils dénoncent l’impunité généralisée qui compromet les perspectives d’une paix véritable. Quatorze ans après le massacre perpétré par l’armée turque dans le village kurde de Roboski, dans la province de Şırnak, plusieurs organisations dénoncent l’impunité dont jouissent toujours les auteurs de ces crimes. Lors du bombardement du 28 décembre 2011, 34 civils, dont 19 mineurs, ont été tués dans des frappes aériennes ciblées. À l’approche de cet anniversaire, des étudiants, des organisations de la société civile et des députés du parti DEM ont réclamé une enquête judiciaire, qualifiant le massacre de « test décisif pour la crédibilité des efforts de paix actuels ». À Diyarbakır (Amed), des étudiants de l’université de Dicle ont organisé une manifestation commémorative avec des banderoles et des slogans tels que « Roboski est notre plaie – leur mémoire est notre lumière ». La police a d’abord tenté d’arrêter la manifestation, mais a dû céder face à la détermination des participants.   L’étudiant Sidar Kiye, qui a prononcé le discours de clôture, a évoqué un « symbole douloureux de la logique de la guerre contre la population kurde ». Il a critiqué l’inaction de la justice : « Le parquet militaire a parlé d’une ‘erreur inévitable’, les tribunaux civils ont classé l’affaire sans suite, et la Cour constitutionnelle et la Cour de justice de l’Union européenne ont rejeté les pourvois. Les auteurs de ces crimes ont été protégés, et non poursuivis. » Kiye a souligné que Roboski n’est pas un cas isolé, mais fait partie d’une longue chaîne d’actes de violence non résolus – depuis les « 33 balles », la fusillade de contrebandiers kurdes en 1943 sur ordre d’un général de l’armée turque à Van, également connue sous le nom d’« incident Muğlalı », jusqu’au génocide de Dersim en 1937/38, en passant par les attaques de l’EI en 2015 à Suruç et à Ankara. En 2025, l’appel à la paix d’Abdullah Öcalan, la déclaration de cessez-le-feu du PKK et une initiative parlementaire ont fait naître de nouveaux espoirs. Mais sans faire face au passé, le processus de paix demeure inachevé. Roboski en est la preuve : sans justice pour les victimes, toute rhétorique de paix reste vaine. Les victimes sont également commémorées à Dersim. À Tunceli (Dersim), la plateforme locale pour le travail et la démocratie a organisé une commémoration pour exiger une enquête sur le pogrom de Maraş et les massacres perpétrés dans les prisons turques en 2000 et à Roboski. Des banderoles proclamaient : « Nous voulons justice ! Roboski ne doit pas être oublié. » Orhan Çelebi, membre du Comité central du Parti socialiste des opprimés (ESP), a évoqué un « mépris systématique du droit à la vie » de la part des acteurs de l’État.  « L’inaction du parquet et des tribunaux, l’abandon des poursuites et la protection des responsables ne sont pas le fruit du hasard, mais s’inscrivent dans une politique d’impunité délibérée. Aujourd’hui encore, les Kurdes, les Alévis et les militants de gauche sont victimes de discriminations systématiques et de répression », a poursuivi Çelebi. « Tandis que les Kurdes subissent des mesures de sécurité et des sanctions collectives, les Alévis sont exclus de l’espace public. Les forces de gauche et révolutionnaires sont particulièrement visées par des mesures d’isolement et des restrictions de leurs droits en prison. »   Le DEM Parti soumet une motion au Parlement Entre-temps, les députés du parti DEM, Newroz Uysal Aslan et Mehmet Zeki Irmez, ont déposé une motion au Parlement turc à l’occasion de l’anniversaire du massacre de Roboski. Ils ont demandé une enquête parlementaire approfondie sur les événements du 28 décembre 2011, lorsque quatre avions de chasse turcs F-16 ont bombardé une caravane de 34 commerçants frontaliers qui rentraient à leur village de Roboski depuis le sud du Kurdistan (nord de l’Irak) avec leurs mules, quelques bidons de gazole, du thé et du sucre. Les villageois, âgés de 13 à 38 ans à l’époque, marchaient tranquillement sur les sentiers étroits de cette zone montagneuse à la frontière turco-irakienne lorsque les bombardements ont commencé à 21h37 et se sont terminés à 22h24. Vingt-quatre des 34 victimes étaient membres de la famille Encü. Quatre personnes ont survécu au massacre. Les militaires sont informés des activités des contrebandiers L’état-major turc a justifié l’attaque en affirmant que le groupe avait été pris pour des « terroristes », ce qui avait motivé la décision de les bombarder. Il s’est avéré par la suite que c’était un mensonge. Trois heures avant le premier bombardement, des images prises par drone avaient déjà été analysées, montrant clairement que les personnes impliquées étaient des trafiquants frontaliers. Les États-Unis, membre de l’OTAN, avaient transmis à l’armée turque des informations sur les mouvements dans la zone frontalière. Ces données provenaient d’un drone Predator américain qui survolait la frontière turco-irakienne. La gendarmerie locale était également au courant des activités des trafiquants, qui percevaient des droits de douane illégaux. Malgré cela, le bombardement a eu lieu. (ANF)

SYRIE. Un commandant kurde se rendra à Damas d’ici fin 2025

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SYRIE / ROJAVA – Le commandant général des FDS, Mazloum Abdi, se rendra à Damas avant la fin de l’année, rapportent plusieurs agences kurdes. S’exprimant sur la chaîne de télévision saoudienne Al Arabiya, Ferhad Shami, porte-parole des Forces démocratiques syriennes (FDS), a évalué les pourparlers en cours entre l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie et le gouvernement de transition syrien dans le cadre de l’Accord du 10 mars. Shami a déclaré que le commandant général des FDS, Mazloum Abdi, se rendrait à Damas avant la fin de l’année, ajoutant : « Nous convenons que les FDS doivent être intégrées à l’armée syrienne. Nous sommes parvenus à un accord avec Damas sur cette question. » (ANF)

SYRIE. Un attentat terroriste cible une mosquée chiite de Homs

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SYRIE – Ce matin, un attentat terroriste a ciblé une mosquée chiite de Homs, faisant au moins 5 morts et plus de 20 blessés, signale l’agence kurde ANHA.

Cinq personnes ont été tuées et 21 autres blessées dans un bilan initial de l’explosion qui a visé la mosquée Imam Ali bin Abi Talib dans le quartier de Wadi al-Dahab à Homs, selon la Direction des services d’orientation, d’ambulance et d’urgence du ministère de la Santé du gouvernement de transition syrien.

Le correspondant d’ANHA a indiqué que les informations recueillies jusqu’à présent laissent penser que l’explosion pourrait avoir été causée par un attentat-suicide, tandis que les détails concernant la nature de l’incident et le nombre final de victimes font toujours l’objet d’une enquête. (ANHA)

ROJAVA. Les gangs de Damas ciblent des civils dans le nord d’Alep

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SYRIE / ROJAVA – Hier, les groupes armés affilés au régime de Damas ont ciblé un village du Nord d’Alep, faisant un mort et un blessé civils, signalent les forces arabo-kurdes. Un enfant a été tué et un adolescent blessé lors d’une attaque de drone survenue jeudi après-midi à Deir Hafir. Selon les Forces démocratiques syriennes (FDS), l’attaque meurtrière a eu lieu dans le village de Dora, dans la partie ouest de la municipalité, près d’Alep. Les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont imputé l’attaque à des groupes contrôlés par le gouvernement de transition syrien. Selon elles, un drone transportant des explosifs a été tiré sur le village. L’enfant tué n’a pas été identifié. Le garçon blessé a été identifié comme étant Nasser al-Khalaf, âgé de 15 ans. Des sources locales ont fait état d’une panique généralisée au sein de la population. De nombreuses familles ont tenté d’évacuer leurs enfants de la zone touchée. Cette attaque est la dernière d’une série d’attaques ciblées contre des zones relevant de l’Administration démocratique du Nord et de l’Est de la Syrie (AANES). Lundi, 25 personnes, dont 19 civils et six membres de l’autorité de sécurité autonome Asayîş, ont été blessées lors de violentes attaques menées par les troupes de Damas contre les quartiers kurdes de Şêxmeqsûd et Eşrefiyê à Alep. Une femme de 57 ans a été tuée. (ANF)

Problème de la représentation au sein du mouvement kurde

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KURDISTAN – Le mouvement kurde [de Turquie] est pris en étau entre le besoin de représentation et la stagnation politique. L’expérience du Rojava montre que la participation démocratique peut être une solution à la crise de légitimité et à la crise structurelle, écrit Sinan Cûdî. La représentation politique des Kurdes est le fruit d’une confrontation tardive et douloureuse avec la politique moderne. À la fin de l’Empire ottoman, les relations entre la société kurde et l’ordre politique étaient largement déterminées par les structures de pouvoir locales. Durant l’ère républicaine, ces relations furent cependant radicalement bouleversées : toute activité politique au nom de l’identité kurde fut proscrite et la langue kurde bannie de l’espace public. La politique n’était plus perçue comme un espace d’expression de revendications légitimes, mais comme un domaine relevant du droit pénal. Dans ce contexte, la représentation politique n’était plus envisagée comme une perspective de carrière, mais comme une responsabilité lourde de conséquences. Depuis les années 1990, date à laquelle ils ont enfin fait leur entrée dans l’arène politique légale, ces coûts n’ont pas disparu. Les interdictions répétées de partis, le silence éloquent qui a suivi les décisions de justice, l’emprisonnement de parlementaires et les vagues d’arrestations immédiatement après les élections ont constamment démontré la fragilité de ce terrain. Les représentants n’étaient pas seulement perçus comme des acteurs politiques, mais aussi comme des cibles privilégiées de la répression. Dans ce contexte, l’expérience politique et la continuité étaient essentielles à leur survie. Ceux qui ont su persévérer ont inévitablement vu leur voix gagner en influence. Ce socle historique a tissé un lien étroit entre la représentation politique et la société. Le mouvement kurde ne se limitait pas aux urnes. Les visites en prison, les manifestations de douleur, les discours prononcés dans des langues interdites et le traumatisme collectif des expulsions forcées des villages sont devenus partie intégrante de l’action politique. La représentation s’est ancrée dans le quotidien. L’arrestation d’un député n’était pas un simple événement politique, mais un tournant pour la société. Ce lien a conféré aux représentants une légitimité qui a rarement été remise en question pendant longtemps. Mais cette légitimité même a fini par engendrer des tensions. Forts de leur ancrage dans la société, les représentants ont de plus en plus centralisé le mandat de parler au nom de la communauté. Toute critique était souvent jugée inopportune. Des expressions comme « La situation est grave », « L’ennemi est en surnombre » ou « Ce n’est pas le moment » sont devenues monnaie courante, repoussant les débats politiques. Initialement, cette rhétorique avait une fonction protectrice, mais elle a fini par restreindre le champ du débat politique. À ce stade, le rapport de représentation s’est progressivement consolidé. La continuité des mandats, autrefois conséquence naturelle de l’expérience, est devenue un symbole de statut. Il est devenu courant que les mêmes personnes occupent des postes différents pendant des années. Les processus décisionnels se sont restreints. Tandis que la responsabilité remontait progressivement vers le haut, le poids des conséquences politiques reposait sur les épaules des militants. Cela a créé une distance tacite, mais palpable, au sein du mouvement. Cette distance n’était ni une rupture ni une confrontation ouverte ; il s’agissait plutôt d’une tension latente. C’est précisément dans ce silence qu’une structure de type caste s’est formée. Il ne s’agissait pas d’une élite au sens classique du terme – elle ne reposait ni sur la richesse ni sur les privilèges, mais sur la sacralisation des fonctions politiques. Plus la représentation s’éloignait d’un mandat temporaire et révocable, plus le prix de la critique augmentait. Les voix critiques étaient de plus en plus qualifiées de « dépassées », « irresponsables » ou « affaiblissant le mouvement ». Ainsi, la représentation cessa d’être un espace de libération de l’énergie sociale pour devenir un mécanisme de régulation de celle-ci. La contradiction centrale au sein du mouvement politique kurde actuel réside dans la tension entre la nécessité historique de la représentation et les risques liés à la subjectivité politique. La représentation demeure essentielle, car elle constitue le principal moyen de contact avec l’État, le système judiciaire et les acteurs internationaux. Toutefois, si la représentation n’est pas contrebalancée par la subjectivité, elle tend à engendrer l’isolement. Si cela peut générer une stabilité à court terme, cela conduit à terme à un déclin du dynamisme social. Dans ce contexte, l’expérience du Rojava peut être perçue comme une réponse concrète à cette tension. La politique du confédéralisme démocratique a ouvert la voie non pas à l’abolition pure et simple de la représentation, mais à son intégration dans les processus de décision collective. Municipalités, conseils de quartier, structures cantonales et système de codirection paritaire ont été mis en place comme autant de mécanismes permettant de placer la représentation sous le contrôle de la société. Au Rojava, la formation du sujet s’est imposée comme une nécessité existentielle du quotidien. Les conditions de guerre, l’embargo et la menace constante rendaient impossible un système politique centralisé et fermé. La décentralisation des processus décisionnels relevait moins d’un idéal politique que d’une stratégie de survie. Ce faisant, la formation du sujet s’est détachée d’un discours idéalisé sur la participation pour se muer en une nécessité politique concrète. À cet égard, la politique du confédéralisme démocratique au Rojava offre une réponse possible à la crise générale de la représentation au sein du mouvement kurde. Sur le plan pratique, elle confirme l’idée que si la représentation est nécessaire, elle se fige en l’absence d’un contrepoids lié à la construction du sujet. La politique parlementaire, la diplomatie et les relations internationales dépendent nécessairement de la représentation. Or, lorsque ces domaines se déconnectent de la construction du sujet, le risque d’une structure de castes rigide s’accroît. La pratique au Rojava nous rappelle que cette rupture n’est pas une fatalité. Le problème de la représentation au sein du mouvement kurde découle d’une structure qui s’est développée dans un contexte de répression historique et a été renforcée par la légitimité sociale. Si cette structure n’est pas contrebalancée par des mécanismes de formation du sujet, elle se rigidifie. La politique du confédéralisme démocratique au Rojava constitue à ce jour la réponse historique la plus concrète à cette rigidification. Elle est incomplète, risquée et perpétuellement contestée ; or, c’est précisément dans cet espace de risque que s’opère le changement politique. L’avenir de la représentation dépend de la mesure dans laquelle on est prêt à affronter ce risque. (ANF) Sinan Cûdî est un journaliste qui vit et travaille au Rojava. Le commentaire publié ici est initialement paru en turc sous forme de tribune libre dans le quotidien « Yeni Yaşam ».