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ROJAVA. 316 étudiant.es diplômé.es de l’Université de Kobanê

SYRIE / ROJAVA – L’université de Kobanê a organisé une cérémonie pour 316 étudiant.es ayant obtenu leurs diplômes.

Au stade Şehîd Bawer Agir de Kobanê, 316 étudiant.es ont reçu leur diplôme de l’Université de Kobanê samedi. La cérémonie s’est déroulée sous la devise : « Le savoir c’est l’identité, l’identité c’est l’existence » (en kurde : « Zanîn xwebûn e, xwebûn hebûn e »)

Fondée dans le contexte de la guerre contre le groupe terroriste État islamique, l’université est l’un des projets éducatifs phares de l’Administration démocratique du Nord et de l’Est de la Syrie (AANES). Dans une région encore en proie à la violence militaire, aux embargos et à la délégitimation idéologique, chaque diplôme représente bien plus qu’une simple réussite académique : c’est un acte symbolique de résistance et l’expression d’une alternative concrète aux formes de pouvoir autoritaires et patriarcales.

Commémoration au cimetière militaire

Avant le début de la cérémonie, les diplômés se sont rendus au cimetière de Şehîd Dicle. Là, ils ont observé une minute de silence en mémoire des résistants tombés au combat, chacun devant une tombe. Cette image soulignait combien l’éducation et la libération sont étroitement liées au Rojava. Ensuite, ils se sont rendus ensemble au stade, accompagnés de leurs familles, de leurs professeurs, de représentants de l’Administration autonome et de membres du public.

Les coprésident.es de l’université, Şervan Mislim et Xezne Îbrahîm, ont décrit la cérémonie de remise des diplômes comme « l’accomplissement d’un rêve de longue date » : celui d’apprendre et d’enseigner dans leur propre langue. L’événement a également rendu hommage au représentant kurde Abdullah Öcalan, à toutes les personnes tombées lors des mouvements féministes et de libération, et à tous ceux qui « imaginent et construisent une société libérée ».

L’éducation comme réponse à la guerre

Les représentants du Conseil de l’enseignement supérieur du Nord et de l’Est de la Syrie et les conseils exécutifs du canton d’Euphrate ont également salué les diplômés, les qualifiant de piliers d’une société nouvelle. Hesen Koçer, vice-président de l’Administration autonome, a déclaré : « Kobanê a non seulement résisté à Daech, mais aussi grâce au savoir, à la langue et à l’organisation collective. » Il a ajouté que l’éducation fait partie intégrante de la révolution, une réponse à la guerre, aux déplacements de population et à l’anéantissement culturel.

L’histoire de l’université de Kobanê est indissociable de la révolution des femmes au Rojava. Nombre de ses étudiantes sont des femmes, dont beaucoup ont un parcours de vie marqué par le déplacement, la résistance ou l’activisme politique. La présence de femmes parmi les enseignantes, les étudiantes et les organisatrices de cette université est le fruit d’une lutte longue et ardue, tant contre les structures patriarcales que contre la terreur de Daech.

De l’université à l’autonomie gouvernementale

La plupart des diplômés aspirent à travailler au sein des institutions de l’Administration autonome démocratique après leurs études, que ce soit dans l’éducation, l’administration, la médecine ou les médias. L’université est considérée comme un vivier de talents pour le développement de la société civile dans une région qui élabore un modèle sociétal alternatif, au-delà des structures étatiques nationales.

Entre menace et espoir

Durant les célébrations, la situation politique est restée omniprésente. Jusqu’à il y a quelques mois, l’État turc s’en prenait délibérément aux infrastructures civiles du nord et de l’est de la Syrie, notamment aux hôpitaux, aux écoles et aux centrales électriques. Les établissements d’enseignement sont également sous pression. Dans ce contexte, la symbolique de cette cérémonie de remise de diplômes n’en est que plus forte : malgré les multiples difficultés, la population reste attachée à l’éducation, à l’autonomie et à un avenir démocratique.

À la fin de la cérémonie, les étudiants ont reçu leurs diplômes sous les applaudissements et les cris de « Jin, Jiyan, Azadî » (Femme, Vie, Liberté). Musique et danse ont accompagné la sortie des diplômés, non pas vers un système protégé, mais vers la construction ouverte, vulnérable et pourtant choisie d’un monde différent. (ANF)