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TURQUIE. « Les prisons de type « puits » sont des lieux de torture »

TURQUIE / KURDISTAN – Des milliers de prisonniers politiques kurdes croupissent dans des prisons de type S, de type Y et de haute sécurité, qualifiées de « prisons de type puits », sont des lieux de torture dénoncent les défenseurs des droits humains. En Turquie, on compte actuellement 51 prisons « de type puits » tandis que 21 autres sont en cours de construction.

Des milliers de prisonniers sont détenus à l’isolement dans des prisons de type Y et S, sans que le ministère de la Justice ne partage de données complètes.

L’Association des droits de l’homme (IHD), dans son rapport 2025 intitulé « Prisons de haute sécurité et établissements de type S », souligne qu’une stratégie d’isolement est imposée non seulement pour restreindre physiquement les prisonniers mais aussi pour les briser psychologiquement.

Les données de l’Association de la société civile dans le système pénal montrent que les 400 prisons turques, d’une capacité officielle de 304 608 places, accueillent actuellement 416 927 détenus, un nombre qui ne cesse d’augmenter. Au lieu de réformer son système judiciaire, le gouvernement turc continue d’étendre le système pénitentiaire. Ces dernières années, les établissements qui ont suscité le plus d’inquiétudes sont les prisons dites « de type fosse », officiellement classées comme établissements de type Y et S. On compte actuellement 13 prisons de type Y, 22 de haute sécurité et 7 de type S en Turquie. Les détenus de ces établissements sont soumis à un isolement absolu.

L’endroit où l’isolement s’approfondit

Un rapport de juin 2023 de l’Association des avocats contemporains (ÇHD) incluait des détails basés sur des entretiens avec trois prisonniers détenus à la prison de haute sécurité de type Y n° 1 de Dumlu à Erzurum. Les conclusions révèlent les conditions suivantes :

* La prison a trois étages.

* Les salles de réunion des avocats sont entièrement fermées.

* Les prisonniers sont détenus dans des cellules d’isolement, et ni les cellules individuelles ni les cellules triples ne disposent de zones de ventilation séparées.

* Bien que des espaces de ventilation soient présents à différents étages, les détenus ne sont pas conduits à l’extérieur en même temps en raison de la visibilité partielle entre les sections. Il n’y a aucun contact avec les détenus détenus dans les cellules situées dans le couloir arrière.

* Les détenus purgeant des peines disciplinaires sont conduits seuls dans la cour de ventilation.

* L’accès aux droits d’interaction sociale est refusé.

* Le droit aux livres est sévèrement restreint, même les livres envoyés depuis d’autres prisons ne sont pas livrés.

* Les journaux ne sont pas distribués le week-end.

* La nourriture fournie est extrêmement pauvre et malsaine.

De nombreux droits fondamentaux sont bafoués

Les détenus transférés dans ces établissements sont informés dès le départ qu’ils sont complètement seuls et que personne ne les entendra. Parmi les pratiques d’isolement, on peut citer :

* Être détenu dans des cellules d’isolement

* Interdiction d’apporter des lettres ou du thé dans la zone de promenade

* Absence de fenêtres dans les cellules

* Caméras de surveillance installées dans tous les espaces, y compris les salles de bains

* Automatisation totale de tous les systèmes, empêchant les prisonniers de communiquer même avec les gardiens

* Communication restreinte à l’utilisation du mégaphone

* L’unique fenêtre ouvrant sur la zone d’aération est bloquée par des barreaux de fer et un rideau, rendant la lumière du soleil et le ciel complètement invisibles

* Le système d’aération entourés de grillage construit comme une cage

Une stratégie d’isolement est mise en œuvre

Le rapport IHD 2025 intitulé « Prisons de haute sécurité et établissements de type S » indique que les détenus ne sont autorisés à sortir pour aérer qu’une heure par jour, et même ce temps limité est souvent restreint arbitrairement. Le même rapport souligne que le simple fait de saluer un codétenu dans la cellule adjacente est considéré comme une « infraction disciplinaire » et sanctionné en conséquence. Ces conditions témoignent de l’application d’une stratégie d’isolement visant non seulement à contenir physiquement les détenus, mais aussi à les briser psychologiquement.

L’isolement extrême s’accompagne de restrictions sévères à l’accès aux soins. Selon le rapport de l’IHD, les détenus doivent soumettre des demandes écrites pendant plusieurs jours avant d’être autorisés à se rendre à l’infirmerie, et la plupart de ces demandes restent sans réponse. Lors de leur transfert à l’hôpital, les détenus sont menottés et enchaînés pendant les examens, ce qui non seulement viole l’éthique médicale, mais porte également atteinte à la dignité humaine. Un tel traitement fait du simple fait de survivre entre les murs d’une prison une menace croissante pour la vie elle-même.

Le rapport révèle également que l’envoi de livres, de magazines et de lettres est fréquemment entravé sans justification, et que les publications reçues sont souvent confisquées. Les conseils de discipline interprètent arbitrairement l’« absence de remords » comme une restriction des droits de visite et des appels téléphoniques, conduisant à un isolement social total.

Ces conditions d’isolement de plus en plus intenses portent progressivement atteinte à l’intégrité physique et mentale des détenus, entraînant souvent des conséquences irréparables. Le rapport montre que certains détenus maintenus à l’isolement pendant des périodes prolongées souffrent de graves dépressions psychologiques, tandis que d’autres sont poussés au suicide. Privés des besoins humains les plus fondamentaux, comme parler à quelqu’un, être touché ou entendre une autre voix, les individus commencent à perdre les capacités émotionnelles et cognitives qui définissent l’être humain. (ANF)