SYRIE / ROJAVA – « Depuis le début de la crise syrienne, l’État occupant turc a recruté et déployé des milliers de mercenaires étrangers, formé des factions armées loyales et soutenu des personnalités civiles et politiques qui se sont progressivement transformées en instruments de promotion de son agenda régional », signale l’agence kurde ANHA dans l’article suivant, ajoutant que « la Turquie continue d’utiliser ces instruments comme des leviers de pression efficaces ».
Voici la suite de l’article d’ANHA
La Syrie est désormais entrée dans une phase annoncée de longue date : l’apogée de la compétition régionale pour son sort. D’un côté, l’État occupant turc se perçoit comme la force décisive derrière l’affaiblissement du régime d’Assad par son soutien aux groupes armés et aux organisations terroristes. De l’autre, Israël affirme que ses opérations contre l’Iran et ses affiliés ont considérablement affaibli le régime, favorisant ainsi la progression de ces mêmes factions armées.
Malgré des motivations et des objectifs différents, les deux récits sont vrais. Sans les frappes israéliennes percutantes en Syrie et au Liban, et sans l’affaiblissement de l’axe iranien, les gangs soutenus par la Turquie n’auraient probablement pas réussi à prendre le contrôle du territoire syrien aussi rapidement et aussi successivement.
Concours d’influence sur le sol syrien
Cette réalité évidente n’a pas empêché la Turquie et Israël de rivaliser pour tirer parti de l’évolution de la dynamique en Syrie. La Turquie cherche à consolider sa présence militaire en établissant des bases et en opérant sous couvert de formation d’une prétendue « armée syrienne », qui reste en réalité au stade de concept. À l’inverse, Israël perçoit la présence turque comme une menace pour son influence et sa profondeur stratégique en Syrie, craignant qu’elle ne renforce des groupes islamistes radicaux jugés peu fiables et potentiellement hostiles.
Interférence malveillante dès le départ
Cette analyse souligne le rôle néfaste joué par des acteurs extérieurs, notamment l’État occupant turc, dans la perpétuation du conflit et l’obstruction des initiatives de paix en Syrie. Dès le début de la crise, la Turquie a mené une intervention directe, facilitant l’afflux de milliers de mercenaires étrangers. Cela a considérablement renforcé les factions extrémistes et islamistes radicales, dont Daech et Al-Qaïda, au détriment des forces nationales et démocratiques. Les forces turques sont entrées en territoire syrien, ont occupé de vastes zones et ont soutenu des groupes de mercenaires loyaux, tels que la soi-disant « Armée nationale syrienne ».
Grâce à un soutien soutenu, ces gangs extrémistes ont pu consolider leur influence et saisir l’occasion d’asseoir leur contrôle sur diverses régions de Syrie. Si le gouvernement de Damas cherche à se présenter, tant sur le plan national qu’international, comme engagé en faveur de la modération et des réformes, ses efforts sont sapés par la présence continue de milliers de mercenaires étrangers recrutés par la Turquie, ainsi que par les nombreuses factions qu’Ankara continue de soutenir directement. En témoignent une série de crimes commis le long des côtes syriennes, ainsi que des assassinats, des représailles et des exécutions extrajudiciaires dans les villes et les villages, autant de facteurs qui entravent la capacité de l’État à mettre en œuvre une politique plus conciliante.
Les Ouïghours sur la scène syrienne
Dans un rapport, le magazine américain Foreign Policy a examiné l’ampleur de la présence des Ouïghours sur la scène syrienne suite à leur participation à la révolution et à la gouvernance. Il a souligné les préoccupations chinoises à ce sujet et a déclaré : « Au cours de la dernière décennie, des milliers d’Ouïghours sont arrivés en Syrie depuis la Chine via la Turquie, État occupant. Leurs dirigeants à Damas affirment aujourd’hui que la communauté ouïghoure compte environ 15 000 personnes, dont 5 000 combattants. » La plupart d’entre eux vivent dans la ville d’Idlib et sont connus des Syriens sous le nom de « Turkistanis ». Ils ont créé des écoles et gèrent des stations-service et des restaurants.
Le modèle libyen se profile devant les Syriens
Comme mentionné précédemment, même si les autorités de Damas souhaitent une ouverture et un changement de comportement, la présence de mercenaires étrangers et de groupes armés directement soutenus par Ankara constitue un obstacle majeur. La situation est similaire à celle de la crise libyenne, où la question des mercenaires, des combattants étrangers et des milices liées à l’État occupant turc demeure non résolue. Cette situation a entravé les efforts internationaux visant à mettre fin à la crise libyenne et à lancer un véritable processus politique.
De plus, la présence de ces mercenaires étrangers extrémistes dans un pays comme la Syrie, fondé sur le pluralisme religieux, sectaire, ethnique et national, menace la paix civile. L’influence et le pouvoir des extrémistes sont devenus évidents à travers des activités suspectes sur le territoire syrien. Des rapports font état de patrouilles dites « Hisbah » [police des mœurs de la charia islamiste] sillonnant les quartiers chrétiens de Damas, la capitale syrienne, imposant des restrictions aux résidents. Des inconnus ont également passé des appels extrémistes lors de leurs déplacements dans ces zones, et des éléments étrangers ont été aperçus aux postes de contrôle de la périphérie de Damas, interrogeant des civils sur leur religion et leur appartenance religieuse.
Implication politique et militaire turque
L’État turc occupant cherche à exploiter la présence de mercenaires étrangers et de diverses factions comme moyen de pression contre les puissances internationales qui œuvrent à la résolution de la crise, ainsi que comme moyen de pression sur les autorités de Damas et de menacer de rébellion si la politique turque n’est pas suivie. Jusqu’à présent, ces groupes refusent de rendre leurs armes aux autorités de Damas. La Turquie entend maintenir son rôle de force dominante en Syrie par le biais de ces groupes, affirmant qu’elle seule peut les contrôler et les contenir.
La Turquie ne s’est pas limitée à l’implication de mercenaires et de factions. Elle a également tenté de légitimer sa présence et son influence sur la scène politique syrienne en créant un comité juridique chargé de rédiger une déclaration constitutionnelle. Ce document excluait plusieurs composantes politiques démocratiques syriennes et prônait l’islamisation de l’État syrien. L’examen des personnalités au sein de ce comité – et de celui qui a dirigé le prétendu dialogue national – révèle l’ampleur de l’influence turque.
Suite à la chute du régime d’Assad et à l’arrivée d’une nouvelle autorité à Damas, et compte tenu de l’influence turque sur le sol syrien et de la capacité d’Ankara à faire pression sur cette autorité, la Turquie a entamé des négociations préliminaires sur des accords politiques, militaires et économiques avec cette autorité, bien que le pays soit encore en phase de transition. De tels accords sont donc considérés comme illégitimes et dépourvus de tout fondement juridique.
La Turquie cherche également à conclure un accord de démarcation de la frontière avec Damas et vise à signer des accords à long terme lui permettant de construire des bases militaires supplémentaires en Syrie, au-delà de ses précédents déploiements frontaliers. Cela renforce son emprise sur les affaires syriennes et étend son influence et son hégémonie. Elle cherche également à contrôler l’armée et les forces de sécurité syriennes sous prétexte de les former, ce qui constitue une menace pour l’indépendance de la Syrie et ses institutions militaires et sécuritaires.
Dans le cadre de ses efforts pour dominer la Syrie, le ministère turc de la Défense a annoncé son intention de nommer un conseiller militaire auprès de l’armée syrienne. Cela signifie que des officiers turcs dirigeraient la direction politique et militaire de l’armée syrienne et formeraient ses officiers, créant ainsi une armée idéologiquement liée à la Turquie, au détriment de la doctrine et des intérêts militaires de la Syrie.
De plus, équiper l’armée syrienne avec des armes et du matériel turcs implique une dépendance militaire envers Ankara, garantissant ainsi une hégémonie turque à long terme sur la Syrie. Les efforts de la Turquie pour établir deux bases aériennes dans le centre de la Syrie lui donneraient la liberté de se déplacer sur le territoire syrien et de mener des opérations militaires conformes à ses propres intérêts.