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TURQUIE. Explosion du nombre de prisons « campus » surpeuplées

TURQUIE / KURDISTAN – Le journaliste Mustafa Eren alerte sur l’explosion du nombre de prisons « campus » qui ont vu le jour sous le règne d’AKP (parti du président Erdogan), dont bon nombre accueillent les dizaines de milliers de prisonniers politiques kurdes.

Dans son article publié par le site Bianet, Mustafa Eren signale que « la politique carcérale du régime AKP résulte non seulement d’une logique de punition, mais aussi d’une pratique d’instauration d’un ordre politique et social. Par conséquent, penser aux prisons, c’est parler non seulement des prisonniers, mais aussi des limites de notre liberté ».

Voici des extraits de l’article de Mustafa Eren:

 

Une explosion du nombre de prisonniers : de 50 000 à 400 000

En 2002, lorsque l’AKP est arrivé au pouvoir, la Turquie comptait 524 prisons, pour une capacité totale de 73 725 places, contre 59 512 détenus la même année. Autrement dit, environ 15 000 lits étaient vides. Vingt-trois ans après l’arrivée au pouvoir de l’AKP, la Turquie comptait 395 prisons, pour une capacité totale de 299 940 places. Le nombre de détenus a dépassé les 400 000 (au 7 avril 2025, il était de 403 060. Autrement dit, plus de 100 000 détenus dorment à même le sol, malgré une capacité multipliée par plus de cinq).

Si l’on inclut les personnes en liberté surveillée, un système instauré en Turquie en 2005, on obtient une image plus réaliste. Au 31 mars 2025, 448 790 personnes étaient en liberté surveillée en Turquie. [2] Autrement dit, début 2025, le nombre total de détenus, de condamnés et de personnes en probation en Turquie dépassait les 850 000. Il s’agit de l’exemple le plus flagrant de la criminalisation créée en Turquie par les 23 années de règne de l’AKP. Le nombre de prisonniers a augmenté de 577 %. Si l’on inclut le nombre de personnes en probation dans cette augmentation, ce chiffre atteint 1 331 %.

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Le travail des prisonniers : une exploitation invisible du travail

 

Du point de vue des droits humains, deux aspects de cette transformation méritent d’être soulignés. Le premier est que le gouvernement AKP a transformé les prisons en lieux d’exploitation par le travail des prisonniers. En 2024, les prisons turques employaient 58 193 détenus, ce qui a permis à l’organisation provinciale du Département des ateliers de gagner 25 913 39 882 lires. La part de ce revenu versée aux détenus sous forme de salaire journalier ne représente que 756 817 630 lires. Même en y ajoutant les 69 41 598 lires versées au titre des primes d’assurance, on constate que seulement 3,18 % de ces revenus sont reversés aux détenus.

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Le nouveau régime d’exécution pénale : isolement et « campusisation »

 

En 2002, lorsque l’AKP est arrivé au pouvoir, on comptait 525 prisons pour une capacité de 73 725 places. En mars 2025, on en comptait 395, soit une capacité d’accueil de près de 300 000 places, même si le nombre de prisons était nettement inférieur. Cette évolution s’explique par la fermeture des prisons à faible capacité et l’ouverture de nouvelles prisons à forte capacité, largement basées sur le système cellulaire.

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Le régime de plus en plus autoritaire et nos libertés

Comme indiqué dans la législation, ces prisons de type cellulaire sont utilisées pour :

  • « crimes organisationnels », c’est-à-dire les prisonniers politiques et les « crimes organisés »,
  • prisonniers condamnés à des peines de prison à vie aggravées,
  • « criminels dangereux ».

Le fait que toutes les nouvelles prisons construites ces dernières années soient des prisons cellulaires témoigne clairement de l’utilisation par le gouvernement du régime d’application des peines comme moyen d’oppression et d’intimidation contre « l’opposition organisée ». L’augmentation du nombre de détenus, de 50 000 à 400 000, et la création de cités pénitentiaires appelées « campus » d’une capacité supérieure à 10 000 personnes témoignent de l’ampleur de cette répression et de cet intimidation.

La structure de plus en plus autoritaire du régime actuel signale non seulement que cette tendance va s’intensifier, mais l’état actuel du système pénal témoigne également de son aggravation. Rien n’indique le contraire.

La politique carcérale du régime AKP résulte non seulement d’une logique de punition, mais aussi d’une pratique d’instauration d’un ordre politique et social. Par conséquent, penser aux prisons, c’est parler non seulement des prisonniers, mais aussi des limites de notre liberté.

L’intégralité de l’article (en anglais) à lire ici: AKP, criminalization and the Republic of ‘Campus’ Prisons