AccueilJournalismeROJAVA. « Ne désespérez pas » (derniers mots d'un journaliste tué par...

ROJAVA. « Ne désespérez pas » (derniers mots d’un journaliste tué par un drone turc)

SYRIE / ROJAVA – « Mes amis, je n’étais pas seulement journaliste, j’étais aussi un témoin de l’histoire et je continuerai de l’être jusqu’au dernier moment de ma vie. J’aurais aimé voir Afrin libérée. Mais je crois que notre peuple vivra ce sentiment de victoire et de retour », écrivait le journaliste kurde Egîd Roj avant de succomber à ses blessures suite à une attaque de drone turc près du barrage de Tishreen le 15 février. Il est le 15e journaliste tué par la Turquie depuis octobre 2019.

Fin 2024, l’État turc et ses supplétifs de l’Armée nationale syrienne (ANS) ont lancé une offensive de grande envergure pour s’emparer du barrage de Tishrin, en utilisant une technologie militaire avancée. En réponse, les combattants des Forces démocratiques syriennes (FDS) et des Unités de protection des femmes (YPJ) opposent depuis plus de deux mois une résistance sans précédent au barrage de Tishrin, défendant à la fois la population et le territoire du nord-est de la Syrie. 

La population locale s’est également mobilisée pour soutenir la résistance, aux côtés des combattants. Depuis le 8 janvier, des convois de civils se rendent au barrage de Tishrin pour se relayer et monter la garde.

L’État turc et les mercenaires alliés ont mené des attaques répétées contre les civils dans la région de Tishrin depuis le lancement de la résistance populaire, tuant des dizaines de civils et en blessant davantage.

Les civils de la région ont été la cible d’une attaque de drone kamikaze menée par l’État turc le samedi 15 février. L’attaque, survenue à 11h58, a tué le journaliste Egîd Roj et blessé un groupe de civils, a rapporté le centre de presse des FDS.

L’agence de presse Hawar (ANHA) a publié un message écrit par Agîd Roj avant sa mort. Le journaliste y évoque ses souvenirs, sa détermination et ses espoirs avant d’être assassiné par l’État turc occupant :

« Je vous écris mes derniers mots depuis le cœur de la guerre. Le bruit des bombes détruit tout autour de moi. Dans notre terre immaculée, qui a toujours été la source de notre force et de notre espoir, je vous écris depuis la fenêtre que seuls ceux qui sont ici peuvent voir, depuis un héroïsme qui n’a pas encore été écrit dans les livres. La résistance dans les montagnes d’Afrin, dans les camps de Shehba, et maintenant au barrage de Tishrin, a été l’expression de la plus grande patience et de la plus grande volonté qui me rappellera chaque instant, chaque battement de cœur, chaque regard de nos héros qui se sont battus pour garder notre rêve vivant.

Pourtant, au milieu de cette obscurité, il y a une lumière dans le cœur de chaque personne qui résiste. Il y a une vague d’espoir qui ne meurt jamais. Oui, je ne vois peut-être pas la victoire pour moi-même, mais je crois qu’un jour ma ville d’Afrin sera libre. Afrin, qui a porté les traces de la civilisation et de la dignité tout au long de son histoire, a été le théâtre du plus haut niveau de résistance contre les forces les plus impitoyables de l’injustice. D’ici, du haut du barrage de résistance, je vous dis : ne désespérez pas, ne laissez pas le désespoir entrer dans vos cœurs, car le succès viendra sûrement.

Les rues d’Afrin seront remplies d’enthousiasme et d’espoir, comme aux jours heureux d’autrefois. J’espère que les enfants reviendront sans peur, joueront dans leurs quartiers, que le soleil de la liberté brillera sur ses montagnes et dispersera les ténèbres de l’occupation. Afrin, que j’aime de tout mon cœur et de toute mon âme, a toujours été pour moi une source d’inspiration. Peu importe le temps qui passe, ce sentiment ne s’arrêtera jamais.

Nous nourrissons notre espoir de liberté dans les idées du leader Abdullah Öcalan. Nous avons appris de ses idées que la liberté n’est pas seulement un slogan, mais aussi une énergie qui nous habite. Le succès n’est pas facile à obtenir. Mais avec une forte volonté, le succès viendra sûrement.

Je crois en la force des combattants de la liberté qui portent le message du leader Öcalan et ouvrent les portes de la victoire. Ces combattants, dont l’âme est liée à l’idée de liberté et de courage, écriront l’histoire du Kurdistan et d’Afrin.

Je vous écris avec beaucoup d’émotion. Il y a encore de l’espoir dans le cœur de ceux qui croient en la vie et en la liberté. L’espoir bat dans le cœur de ma mère, de mon père, de mes frères, de mes sœurs, de mes amis et de ma famille. Vous êtes les héros qui porteront le drapeau de la liberté. Vous mettrez fin à cette obscurité. Vous illuminerez le Kurdistan et Afrin, vous réaliserez notre rêve de retour et de victoire.

A notre peuple en lutte, je souhaite que vous ne déviiez pas de votre objectif. Depuis 8 ans, nous luttons pour revenir sur nos terres. Un grand sacrifice a été fait. Afrin, sa terre et ses olives appartiennent à son peuple. Cette résistance doit être encore renforcée.

Mes amis, je n’étais pas seulement journaliste, j’étais aussi un témoin de l’histoire et je continuerai de l’être jusqu’au dernier moment de ma vie. J’aurais aimé voir Afrin libérée. Mais je crois que notre peuple vivra ce sentiment de victoire et de retour ». (ANF)