ISTANBUL – Deux procureurs turcs ont pris des décisions contradictoires concernant des veillées de protestation distinctes mais identiques organisées par les Mères du samedi, l’un des procureurs ayant décidé de ne pas engager de poursuites et l’autre exigeant des sanctions.
Le procureur qui a abandonné l’affaire enquêtait sur la 959e veillée hebdomadaire du groupe, tandis que celui qui a porté plainte travaillait sur la 950e veillée.
Les Mères du samedi sont accusées d’avoir violé la loi sur les réunions et les manifestations et font désormais face aux sanctions prévues par la loi ainsi qu’à une éventuelle interdiction de s’engager dans toute activité politique.
Selon un rapport de suivi publié conjointement par les Études sur la Mémoire et la Paix, l’Association des Médias et des Études de Droit (MLSA), Amnesty International et la Fondation des Droits de l’Homme de Turquie (TİHV), les Mères du Samedi n’ont pas résisté lorsque les forces de l’ordre les ont menottées et arrêtées. lors de la 950e veillée.
Une autre contradiction réside dans le fait que le procureur qui demandait des sanctions pour la 950e veillée avait précédemment décidé de ne pas poursuivre les participants de la 941e veillée, invoquant les droits fondamentaux protégés par la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Convention européenne des droits de l’homme, la Constitution turque et la Cour suprême de Turquie.
Pour la 950ème veillée, la première audience du procès se tiendra à Istanbul le 27 février.
Un arrêt de la Cour constitutionnelle de novembre 2022 avait pourtant jugé que l’obstruction par les forces de l’ordre aux veillées hebdomadaires du groupe violait le droit de rassemblement et de manifestation pacifiques.
Toutefois, ces derniers mois, les tribunaux turcs ont intensifié leur non-respect des compétences et des ordonnances de la Cour constitutionnelle, provoquant l’une des crises judiciaires les plus graves de l’histoire du pays.
Depuis 28 ans, les mères du samedi s’arment d’œillets contre la police turque
Mères du Samedi est un groupe de militants qui cherchent à connaître le sort de leurs proches disparus en garde à vue dans les années 1980 et 1990 et exigent des comptes pour ces disparitions.
Il y a 28 ans, les Mères du Samedi (en kurde: Dayikên Şemiyê, en turc: Cumartesi Anneleri) descendaient pour la première fois sur la place Galatasaray, à Istanbul, pour exiger la fin des disparitions forcées et demander qu’on leur rende leurs proches portés disparus.
Les « mères du samedi » reproche l’État turc de ne pas avoir enquêté sérieusement pour établir la vérité sur ceux qui ont disparu après leur mise en détention par les autorités turques.
Selon l’Association des droits de l’Homme (IHD), entre 1992 et 1996, 792 disparitions forcés et meurtres (de journalistes, syndicalistes, médecins, enseignants, enfants ou simples paysans) par l’État ont été signalés dans les régions kurdes de Turquie.