TURQUIE / KURDISTAN – Il n’avait que 14 ans, il y avait des preuves solides prouvant son innocence, mais il était Kurde et il fallait trouver un coupable pour le meurtre d’un autre Kurde: Yasin Börü. Alors, la « justice » turque l’a condamné à plus de 100 ans de prison, sans possibilité de libération. Mais Mazlum n’est pas le seul Kurde innocent qu’on veut voir mourir en prison. Ils sont des dizaines de milliers, une bonne partie emprisonnée depuis plus de 30 ans, certaines en sont morts, d’autres très malades et presque tous torturés. Leur seul crime est d’être kurdes et de ne pas accepter l’assimilation forcée ou d’être des collabos du régime turc.
Le jeune musicien kurde, Mazlum İçli a été condamné à une peine de prison aggravée, sans possibilité de libération, malgré les preuves de son innocence. Son père Nusret İçli a déclaré: « Je connais notre ennemi. Parce que moi aussi, j’ai passé 12 ans en prison. Des dizaines de milliers de personnes comme Mazlum sont en prison à la suite d’un complot », ajoutant que ces prisonniers innocents attendent qu’on les libèrent des geôles turques.
La Cour de Cassation confirme la condamnation à perpétuité de Mazlum Içli malgré les preuves l’innocentant
Mazlum İçli a été arrêté en 2014, quand il avait 14 ans, suite aux manifestations de solidarité avec la ville de Kobanê réprimées dans le sang par les forces armées turques. On l’a condamné à plus de 100 ans de prison pour un crime qu’il n’a pas commis: meurtre de Yasin Börü dans la nuit de 6-7 octobre 2014, pendant les manifestations de Diyarbakir (Amed). Pourtant, au moment du crime qu’on lui reproche, İçli jouait de la musique dans un mariage à 140 km du lieu du crime! Des vidéos du mariage et des témoins oculaires qui ont confirmé la présence de Mazlum bien loin du lieu des manifestations au moment des faits n’ont pas suffit à l’innocenter car il fallait trouver un coupable à tout prix afin de condamner plus de 100 politiciens kurdes poursuivis dans l’affaire Kobanê.
La Cour de cassation turque a confirmé la peine à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle prononcée contre Mazlum İçli, malgré les preuves l’innocentant, a annoncé mercredi l’avocat d’İçli.
İçli, qui n’avait que 14 ans à l’époque, a été accusé d’avoir tué Yasin Börü, 17 ans, et trois autres personnes lors de manifestations de rue généralisées à Diyarbakır (Amed) et dans d’autres villes kurdes en 2014, en soutien à la résistance de Kobanê, de l’autre côté de la frontière syrienne.
Des séquences vidéo, des signaux téléphoniques et des témoignages oculaires ont prouvé qu’İçli assistait à un mariage à 140 kilomètres de l’endroit où les victimes ont perdu la vie le jour des manifestations.
L’accusation contre İçli était fondée sur la déclaration d’un témoin anonyme, mais il a été révélé qu’un autre accusé dans l’affaire, nommé par le même témoin, était en fait en prison à la date du crime, ce qui prouve que le témoin avait menti.
De plus, le témoin anonyme est ensuite revenu sur sa déclaration, affirmant qu’elle avait été donnée sous la pression de la police.
Malgré le manque de preuves concrètes incriminant İçli, le tribunal a ignoré les preuves solides qui l’auraient disculpé dans son règlement de 2021.
L’avocat Mahsuni Karaman, qui a annoncé la décision de la Cour de cassation sur la plateforme de médias sociaux connue sous le nom de X (anciennement Twitter), a souligné que la décision du tribunal était injustifiée. Karaman a attribué la raison de la décision à la nécessité d’un « coupable » afin de condamner Selahattin Demirtaş et d’autres membres du HDP pour « incitation » dans l’affaire Kobanê.
Cette interprétation de Karaman est liée au procès de Kobanê, dans lequel 108 membres du HDP, dont les anciens coprésidents Demirtaş et Figen Yüksekdağ, sont jugés.
À la suite des manifestations, qui sont devenues violentes et ont fait de nombreux morts, les autorités turques ont accusé le HDP d’être à l’origine de la violence et ont commencé à arrêter des membres du parti, dont des politiciens de premier plan. Les coprésidents du HDP et des responsables à divers niveaux ont été accusés d’avoir incité à la violence et causé des morts.
Le procureur requiert des peines de prison pouvant aller jusqu’à la réclusion à perpétuité pour les accusés pour 29 chefs d’accusation différents, dont meurtre, pillage, blessure d’un agent public avec une arme à feu, incendie de drapeaux et atteinte à l’unité et à l’intégrité nationales du pays.
Les morts lors des manifestations, dont celle de Börü, 17 ans, constituent également un élément important du dossier contre le HDP.
Les manifestations pour Kobanê
Les manifestations de rue ont commencé après que le gouvernement a refusé d’intervenir dans le siège de l’État islamique (DAECH) de la ville kurde syrienne de Kobane, à quelques mètres de la frontière turque. Les commentaires du président turc Recep Tayyip Erdoğan à l’époque selon lesquels la ville était « sur le point de tomber » ont suscité l’indignation de la population kurde de Turquie et attisé les flammes de violentes manifestations.
Les manifestations ont vu des affrontements entre les mouvements kurdes rivaux de Turquie, y compris le Parti de la cause libre (Hüda-Par), un groupe islamiste avec une histoire de violence politique et des liens présumés avec l’organisation fondamentaliste Hezbollah en Turquie, qui est alliée à Erdoğan. Börü et les trois autres personnes tuées lors des manifestations auraient été liées au parti.
Selon un rapport de l’Association turque indépendante des droits de l’homme, 46 personnes sont mortes lors des manifestations de Kobani en octobre 2014. Les registres officiels n’ont enregistré que 37 de ces décès.
Sur les 41 personnes inculpées dans l’affaire du meurtre de Börü et de trois autres, 25 ont été condamnées à des peines de prison. Les autres décès, pour la plupart des partisans du Parti démocratique des peuples (HDP), n’ont pas fait l’objet d’une enquête.