En Turquie, des dizaines de milliers de politiciens, activistes, journalistes, féministes, étudiants… kurdes croupissent dans des geôles turques depuis des années pour « terrorisme » . Certain.e.s sont condamné.e.s à la prison à vie, d’autres attendent toujours d’être « jugé.e.s » . L’une de ces milliers de otages politiques kurdes est Şefika Kandar, une mère de la paix de 63 ans. Elle aussi a pour seul crime d’être kurde et de militer pour la paix. Elle a été interviewée par la journaliste Remziye Temel qui se trouve dans la même prison pour femmes d’Amed (tr: Diyarbakir), au Kurdistan du Nord sous l’occupation turque.
« Mon seul crime est d’être une Mère de la Paix »
Remziye Temel, l’une des 16 journalistes kurdes arrêtées fin juin, a écrit une lettre à Bianet au sujet de Şefika Kandar, une « mère de la paix » avec qui elle vit dans le même quartier de la prison de Diyarbakır.
Remziye Temel
Les mères de la paix sont un groupe prônant une solution pacifique à la question kurde en Turquie. Kandar est derrière les barreaux depuis six ans pour « appartenance à une organisation terroriste [PKK]».
« Elle nous donne de la force »
« Je voulais écrire l’histoire courte et difficile de six ans d’une mère dans la prison fermée pour femmes de Diyarbakır. Le nom de la mère est Şefika Kandar (63 ans), qui a trois enfants. Şefika est analphabète.
« Mère Şefika raconte :
« J’ai été détenue chez moi à Urfa en 2016. Je ne connaissais pas la raison de ma détention. Au bout de 22 jours, j’ai été [officiellement arrêtée] pour « appartenance à une organisation terroriste » et envoyée à la prison de type T d’Urfa / Hilvan. La prison est difficile pour une mère et des personnes âgées comme moi. J’ai été en prison pendant un an. Au bout d’un an, j’ai été remise en liberté provisoire. Après quatre ans, i y a eu un deuxième procès. Le tribunal m’a condamnée à 7 ans et 6 mois. Ma peine a été immédiatement confirmée. J’ai décidé de partir à l’étranger en raison de mon âge.
Mon fils et moi avons été arrêtés alors que j’essayais de franchir la frontière grecque en juin 2021. Les soldats grecs nous ont détenus avec un traitement inhumain. Ils nous ont pris tout ce que nous avions : argent, sac à main, bijoux… Ils nous ont enlevé nos vêtements. C’était vraiment difficile pour moi en tant que mère de me déshabiller devant mon fils.
Mon fils et moi avons été envoyés en Turquie. J’avais été détenue pendant 44 jours à la prison d’Edirne. J’étais resté avec les prisonniers FETÖ 44 jours. J’ai été transférée à la prison de type M de Gebze. Lorsque j’ai été amenée à Gebze, j’ai été détenue dans une cellule d’isolement pendant 22 jours pour des raisons de quarantaine. En raison des conditions de détention, j’étais déprimée et je prends toujours les médicaments pour cela.
Mon seul crime est d’être une « Mère de la paix » et de vouloir la paix. Des milliers de personnes, comme moi, sont emprisonnées de manière injuste et illégale. J’ai été détenue pendant deux ans et un mois et il me reste encore trois ans. »
« Mère Şefika est la personne dont je puise la force » , a écrit Temel. « Mère Şefika est comme notre mère et elle prend soin de nous. Mère Şefika est très forte et c’est une combattante. Mère Şefika a traversé des jours difficiles mais elle n’a rien perdu de son visage souriant parce qu’elle est une Mère de la Paix et elle a dit qu’elle défendra toujours la paix. »