TURQUIE / BAKUR – Le politicien kurde et défenseur des droits humains, Vedat Aydın a été enlevé à son domicile à Diyarbakir (Amed), par des hommes armés le 5 juillet 1991. Son cadavre torturé a été retrouvé sous un pont à Elazığ / Maden le 7 juillet 1991.
Le 10 juillet, plus de 100 000 personnes assistaient à son enterrement à Diyarbakir. Les forces armées masquées ont ouvert le feu sur la foule pendant 20 minutes. 23 personnes ont été tuées sur place. Plusieurs d’autres ont été blessés. 29 ans après les faits, ni les assassins de Vedat Aydin, ni ceux des 23 personnes tués le 10 juillet suivant n’ont été jugés.
L’assassinat de Vedat Aydın était le début d’une ère de meurtres politiques et d’exécutions extrajudiciaires visant les kurdes. Entre 1991 et 1999, plusieurs milliers de Kurdes, dont le député Mehmet Sincar, ont été tués. Près de deux millions de Kurdes ont été chassés de leurs terres, environ 17 000 villages kurdes ont été brûlés par l’armée turque.
Retour sur les faits :
La campagne turque des années 90 contre la lutte des Kurdes pour l’indépendance fut une des périodes les plus violentes de l’histoire récente du pays. Et dans le cadre d’une tradition politique turque, l’État turc a commencé à utiliser sa tactique centenaire à son encontre: massacres et migration forcée de groupes ethniques.
Tout a commencé avec le meurtre de Vedat Aydın. C’était le début des assassinats politiques visant les Kurdes dans les années 1990.
Le meurtre qui a créé une onde de choque
Vedat Aydın était à la tête de la section Amed (Diyarbakır) du Parti travailliste du peuple (HEP). Il était une figure éminente et un politicien très respecté à cette époque. Lorsqu’il a été placé en garde à vue par la police turque le 5 juillet 1991, cela n’a surpris personne. L’oppression de l’État turc contre les politiciens kurdes était immense et les peines de prison ou même la torture étaient courantes à cette époque.
Mais les choses se sont compliquées. Le lendemain, des responsables turcs ont nié que Vedat Aydin soit en garde à vue. Des assassinats d’unités de la contre-guérilla turques auraient été signalés à Şırnak, Cizre et Mardin, mais personne ne pensait qu’une personne aussi connue que Vedat Aydın serait prise pour cible.
Le 7 juillet, un corps non identifié a été retrouvé sous un pont à Maden, un district de la province d’Elazığ, situé à environ 50 km au nord d’Amed. Il y avait des signes de torture extrême et de multiples blessures par balle sur le corps. La famille d’Aydın s’est précipitée à la morgue de Maden et a identifié le corps.
La police turque a été préparée pour un massacre
Ce meurtre a envoyé une onde de choc dans la communauté kurde, en particulier Amed, la ville natale de Vedat Aydin. Les autorités turques ont remis le corps d’Aydın à sa famille trois jours plus tard. On leur a dit que c’était à cause de processus juridiques. Mais il y avait autre chose. L’Etat turc avait ses propres préparatifs pour les funérailles. Et quand tout fut réglé, ils ouvrirent la voie à l’enterrement.
Plus de cent mille personnes ont assisté à l’enterrement. La cérémonie a été animée par des personnalités du monde politique kurde ainsi que des défenseurs des droits de l’homme et des intellectuels. Le cercueil d’Aydin a été amené à la mosquée Sümer, dans le centre d’Amed. Après la prière, la foule s’est rendue au cimetière de Mardinkapi pour l’inhumation.
La foule a été arrêtée avant l’entrée du cimetière par la police turque. La police disait qu’elle ne laisserait pas entrer une si grande foule dans le cimetière. Alors qu’il y avait des pourparlers pour supprimer la barrière de police, des coups de feu ont été entendus.
Les soi-disant forces spéciales masquées ont ouvert le feu sur la foule. Il y avait une immense panique. Les coups de feu ont continué pendant 3-4 minutes. Quatre personnes ont été tuées sur le coup. Plusieurs ont été blessés.
Après la première attaque, la police a enlevé la barrière et laissé la foule se déplacer vers le cimetière. La foule s’est rassemblée à nouveau.
Vedat Aydin a été enterré après un bref discours de son frère Deniz.
La foule ont été délibérément ciblée
Tout le monde a pensé que c’était fini et la foule s’est dispersée et la plupart des gens ont commencé à marcher jusqu’au centre-ville. Mais la route a de nouveau été bloquée par la police turque. Cette fois, il y avait plus de policiers, plus de forces spéciales et de véhicules blindés. La police a laissé la foule se diriger vers la ville en petits groupes. Une fois que la plupart des gens ont passé la barrière de la police, seuls quelques milliers de personnes attendaient l’autorisation de la police pour se rendre à pied au centre-ville.
Il y a d’abord eu trois coups. Ensuite, des centaines de policiers armés ont ouvert le feu sur les personnes restantes. Un hélicoptère et un véhicule blindé escortaient l’attaque. Les personnes qui essayaient de fuir la zone ont été capturées et battues par la police turque.
Les députés Ahmet Türk, Orhan Doğan, Hatip Dicle et d’autres personnalités politiques kurdes ont été torturés, ainsi que des journalistes et des défenseurs des droits de l’Homme.
L’attaque d’environ 20 minutes a fait 23 morts et plus de deux mille blessés. 19 ont été enterrés la nuit. Seules 4 familles ont obtenu l’autorisation d’organiser des funérailles.
23 personnes ont été assassinées et personne n’a été jugé
Aucun responsable ou policier turc n’a comparu devant un tribunal pour le meurtre de civils innocents. Les assassins de Vedat Aydın n’ont jamais été retrouvés.
L’assassinat de Vedat Aydın était le début d’une ère de meurtres politiques et d’exécutions extrajudiciaires visant les kurdes. Entre 1991 et 1999, plusieurs milliers de Kurdes, dont le député Mehmet Sincar, ont été tués. Près de deux millions de Kurdes ont été chassés de leurs terres, environ 17 000 villages kurdes ont été brûlés par l’armée turque.