AccueilKurdistanBashurIRAN vs USA. Les retombées géopolitiques de l'assassinat de Soleimani

IRAN vs USA. Les retombées géopolitiques de l’assassinat de Soleimani

En tuant le général iranien Qassem Soleimani, les Etats-Unis ont – sans le vouloir (?) – mis en difficulté les Iraniens, les Irakiens et les Kurdes qui combattaient le régime despotique des Mollahs iraniens. L’analyste des conflits mondiaux, Thoreau Redcrow revient sur cet assassinat et ses conséquences pour tout le Moyen-Orient. 
 
« En tant qu’analyste des conflits mondiaux, je crains qu’il manque beaucoup au discours actuel sur l’assassinat du général iranien Soleimani par l’armée américaine – un événement majeur qui aura des répercussions géopolitiques retentissantes.
 
En mettant de côté les concepts non pertinents de « bon » ou de « mauvais », ce que je peux dire, c’est que du point de vue du gouvernement américain, la décision était imprudente, contre-productive et stratégiquement stupide pour de nombreuses raisons.
 
[1] Plutôt que le désir déclaré d’affaiblir l’Iran, l’assassinat de Soleimani a créé un martyr crucial pour le gouvernement iranien, ce qui ne fera qu’améliorer sa survie, car il est maintenant un puissant et symbolique cri de ralliement à travers le spectre politique et permet à Téhéran de dépeindre toute opposition intérieure à leur régime comme une trahison soutenue par les États-Unis.
 
[2] Cela laisse le gouvernement irakien dans une position incontrôlable où il doit exiger des forces américaines qu’elles quittent l’Irak afin d’apaiser la colère de la majorité de sa population chiite. Ne pas le faire fera passer les dirigeants de Bagdad pour de malheureux larbins des Etats-Unis où leur souveraineté peut être ouvertement violée.
 
[3] Cela nuit à la lutte contre un DAECH renaissant et d’autres jihadistes wahhabites en Syrie (Al-Nusra, Al-Qaida, HTS, etc.), car Soleimani a aidé à coordonner avec le Hezbollah et d’autres forces alignées sur l’Iran la lutte contre ces restes dans les zones contrôlées par Assad. Ce que la politique américaine fait essentiellement maintenant, c’est combattre DAECH et combattre ceux qui combattent DAECH, après avoir abandonné auparavant les meilleurs alliés américains contre DAECH (les Kurdes de Syrie).
 
[4] En parlant de cela, elle place les Kurdes, c’est-à-dire les YPG/J dans le nord de la Syrie et le GRK dans le nord de l’Irak, dans une position extrêmement précaire où ils risquent d’être visés par les représailles de l’Iran ou de ses mandataires pour la coordination stratégique avec les forces américaines. De plus, comme la Turquie est la plus grande menace existentielle pour le mouvement de libération kurde, le fait de faire pression sur les Kurdes de Syrie et d’Irak pour qu’ils soient des ennemis directs de l’Iran alors qu’ils sont assiégés par les ambitions néo-ottomanes de la Turquie, les laisse coincés de manière insoutenable entre deux grandes puissances régionales.
 
[5] Si les Etats-Unis ne voulaient pas que l’Iran devienne une puissance croissante au Moyen-Orient, alors peut-être n’auraient-ils pas dû supprimer et combattre leurs deux plus grandes menaces, Saddam Hussein et les Talibans. En fait, on pourrait dire que l’Iran a été le vainqueur de tous les conflits au Moyen-Orient au cours des 20 dernières années, de l’Afghanistan à l’Irak, en passant par les Houthis au Yémen, le Hezbollah au Liban et la survie d’Assad en Syrie. Même la destruction justifiée de DAECH et d’Al-Qaïda a profité involontairement à l’Iran. Il est donc un peu malhonnête de la part du gouvernement américain d’aider involontairement la domination régionale iranienne, puis de s’en plaindre et de vouloir un renversement par la guerre avec l’Iran en raison de cette force. Cela pue l’opportunisme immoral qui a conduit Washington à vendre des armes à l’Irak et à l’Iran tout au long des années 1980, alors qu’un million de personnes ont trouvé la mort (un conflit qui a fait de Soleimani ce qu’il est devenu).
 
[6] Il est difficile de trouver beaucoup de gagnants dans ce scénario, à part les (a) les fabricants d’armes américains dont les stocks s’envolent à l’idée d’une « pratique de ciblage » iranienne, (b) les flagorneurs éhontés du Département d’État américain et les membres du groupe de réflexion DC Likudnik qui croient que les États-Unis devraient maintenant faire marche arrière et s’allier aux djihadistes sunnites soutenus par la Turquie et les Frères musulmans pour contrer l’Iran et arrêter « l’autoroute chiite » de Téhéran à Beyrouth, (c) Les cellules dormantes de DAECH qui se réjouissent de l’ironie des missiles américains « kafir » qui tuent maintenant les chiites « rafida » qu’ils méprisent tant, et (d) l’atout d’avoir un coup de pouce pour les sondages (…) et une distraction opportunément programmée pour la mise en accusation. Quant au reste d’entre nous, nous serons probablement tous plus mal lotis.
 
* Je soutiens que tout ceci est la réalité, quel que soit le camp du côté duquel on se range en ce qui concerne la légitimité du gouvernement iranien actuel. »
 
Thoreau Redcrow