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Censure systématique d’Internet en Turquie

TURQUIE / KURDISTAN – La censure d’Internet en Turquie s’est encore intensifiée en 2025, selon un nouveau rapport. Les médias kurdes, le journalisme indépendant et les contenus critiques envers le gouvernement sont particulièrement touchés. Des milliers de sites web et de comptes sur les réseaux sociaux ont été bloqués.

En Turquie, des milliers de contenus en ligne ont été bloqués en 2025, ciblant notamment les reportages critiques envers le gouvernement, les médias kurdes et les organisations de la société civile. C’est ce que révèle le nouveau rapport annuel sur la censure d’Internet de l’initiative « Free Web Turkey », un projet de l’organisation de défense des droits des médias MLSA, basée à Istanbul.

D’après le rapport, 1 306 contenus ont été bloqués par décision de justice ou administrative au cours des sept premiers mois de l’année, et 3 330 URL turques sont devenues inaccessibles. Le rapport précise que les contenus journalistiques, les publications sur les réseaux sociaux et les médias indépendants ont été particulièrement touchés.

Censure fondée sur des arguments de sécurité vagues

Selon Free Web Turkey, le motif le plus fréquemment invoqué pour bloquer des contenus était la protection de la « sécurité nationale et de l’ordre public ». Ce prétexte a justifié à lui seul le blocage de 496 contenus, soit environ 38 % des cas recensés. Le deuxième motif le plus fréquent était la violation présumée des « droits de la personne » ou de la « protection des marques ». Dans 41 cas, les contenus ont été bloqués sans aucune explication.

Les médias et les mouvements sociaux kurdes particulièrement visés

D’après le rapport, les médias kurdes sont particulièrement touchés par la répression numérique, notamment l’agence de presse Mezopotamya (MA), dont les reportages ont été régulièrement ciblés par des « décisions collectives » visant à bloquer des contenus. L’agence de presse féministe Jin News et le journal Yeni Yaşam ont également été systématiquement bloqués ; dans certains cas, leurs comptes principaux et secondaires sur les réseaux sociaux ont été suspendus.

La plateforme X (anciennement Twitter) a restreint l’accès à plus de 700 comptes utilisateurs à la demande des autorités turques. Selon Free Web Turkey, parmi ces comptes figurent au moins 53 comptes appartenant à des organisations de jeunesse, 30 à des journalistes et plusieurs à des organisations de défense des droits des femmes et des droits humains.

Les contenus critiquant les tutelles, notamment dans les provinces kurdes de Van, Mardin et Hakkari, ont également été délibérément supprimés ou bloqués. Le rapport recense 174 blocages de ce type dans cette seule région. Les diffusions en direct de manifestations et les campagnes sur les réseaux sociaux contre la pratique des tutelles dans les municipalités kurdes ont également été supprimées ou censurées, souvent au nom de la sécurité nationale ou de prétendues « provocations ».

La majorité des contenus bloqués concernent le parti au pouvoir.

D’après le rapport, la majorité des publications bloquées concernaient des informations sur des membres du parti au pouvoir, l’AKP, notamment en lien avec des allégations de corruption ou des débats sur leur patrimoine. Au total, 446 publications de ce type ont été bloquées.

Les publications d’ Evrensel et de Bianet, deux portails d’information indépendants et reconnus, ont également été ciblées pour être bloquées. Plus de 90 articles d’Evrensel ont été bloqués pour « trouble à l’ordre public ».

La censure prend des caractéristiques systématiques

Le rapport conclut que la censure numérique en Turquie est devenue systématique, généralisée et multiforme. Malgré les arrêts de la Cour constitutionnelle, le cadre juridique, et notamment l’article 8/A de la loi n° 5651 sur Internet, largement appliqué, continue d’être largement utilisé. Outre la censure d’État, le rapport critique également les évolutions mondiales, telles que les modifications apportées à l’algorithme de Google, qui nuisent à la visibilité des médias indépendants en Turquie.

Les demandes de réforme formulées dans le rapport

Free Web Turkey revendique, entre autres :

▪ Une restriction de l’article 8/A aux situations d’urgence aiguë

▪ Renforcement du contrôle judiciaire des décisions d’interdiction

▪ Mécanismes de plainte juridiquement solides et transparents

▪ La fin des justifications standardisées par les tribunaux pénaux

▪ Une révision des pratiques de blocage conformément aux normes démocratiques

Le rapport de Free Web Turkey est consultable à ce lien :  https://tinyurl.com/bdxj939y

(ANF)