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TURQUIE. Les mères du samedi demandent justice pour Nihat Aydoğan

TURQUIE  – Les Mères du samedi ont réclamé justice pour le civil kurde Nihat Aydoğan, arrêté par des soldats et des gardes villageois à Mardin/Midyat le 30 novembre 1994 et porté disparu depuis.

Les Mères du samedi réunies lors de leur 1082e veillée sur la place Galatasaray, à Istanbul, ont demandé justice pour Nihat Aydoğan a été arrêté sous la torture lors d’un raid mené par des soldats et des gardes villageois contre le village de Doğançay, dans le district de Midyat (province de Mardin), le 30 novembre 1994.

Les Mères du samedi se sont rassemblées pour la 1082e fois sur la place Galatasaray afin d’exiger des réponses concernant le sort de leurs proches disparus et assassinés en détention, et de réclamer que les coupables soient traduits en justice. Brandissant des œillets et des photos de leurs êtres chers disparus, les Mères du samedi ont interrogé cette semaine les internautes sur le sort de Nihat Aydoğan, arrêté sous la torture lors d’un raid mené par des soldats et des gardes villageois contre le village de Doğançay, dans le district de Midyat (province de Mardin), le 30 novembre 1994, et dont on est sans nouvelles depuis. Le communiqué de presse a été lu par la militante Gülseren Yoleri.

Yoleri a déclaré que les familles des disparus ont le droit de connaître la vérité. Soulignant que l’État est également responsable des disparitions forcées, Gülseren Yoleri a insisté sur le fait que l’État doit mettre fin à sa politique d’impunité.

Déclarant s’être réunis cette semaine pour s’enquérir du sort de Nihat Aydoğan, Yoleri a exigé que la vérité éclate et que justice soit faite. Elle a déclaré : « Nihat Aydoğan, âgé de 39 ans, vivait dans le village de Doğançay, dans le district de Midyat, à Mardin. Les villageois qui rejetaient le système de gardes villageois subissaient d’intenses pressions. Nihat Aydoğan, déjà détenu, torturé puis relâché, vivait sous la menace des forces de sécurité. Aux premières heures du 30 novembre 1994, la maison de la famille Aydoğan a été prise d’assaut par un important contingent de membres des forces spéciales, de soldats et de gardes villageois. Nihat Aydoğan a été sauvagement battu devant sa femme et ses enfants, puis emmené, menotté et les yeux bandés, au poste de gendarmerie de Midyat, puis au commandement central de la gendarmerie de Mardin. » 

Yoleri a déclaré que les autorités judiciaires avaient informé la famille d’Aydoğan, qui le recherchait, qu’« il avait été libéré après avoir fait sa déposition au parquet ». « Suite à cela, son épouse, Halime Aydoğan, a déposé une requête auprès du parquet ; cependant, le procureur lui a répondu : “Votre mari est parti dans les montagnes, ne revenez plus jamais.” » Des années plus tard, on a découvert qu’un acte de décès avait été établi pour Nihat Aydoğan au registre de l’état civil. Les questions de la famille concernant la date, le lieu et les informations relatives à l’inhumation sont restées sans réponse. Le chef du village qui a délivré l’acte de décès a avoué l’avoir établi sous la pression du commandant de la gendarmerie et de manière mensongère », a ajouté Yoleri. 

Yoleri, constatant que les demandes déposées jusqu’à présent par la famille Aydoğan sont restées sans effet, a déclaré : « Aucune enquête efficace, indépendante et impartiale, susceptible de révéler les circonstances de l’incident, les responsables et les preuves, n’a été menée. Plus récemment, suite à une nouvelle demande déposée par l’Association des droits de l’homme concernant les disparitions à Midyat, dont celle de Nihat Aydoğan, le parquet de Midyat a établi un rapport. Cependant, ce parquet a transmis le dossier au parquet général de Mardin en demandant son classement, arguant qu’aucun élément ne permettait de confirmer la disparition des personnes concernées. » 

S’adressant aux autorités administratives, Yoleri a poursuivi : « Nihat Aydoğan a disparu alors qu’il était de facto sous le contrôle et la protection de l’État. Les autorités compétentes doivent respecter leurs obligations découlant du droit à la vie, de l’interdiction de la torture et du droit à un recours effectif, en faisant la lumière sur le sort de Nihat Aydoğan et en veillant à ce qu’une enquête et des poursuites efficaces soient menées contre les fonctionnaires responsables de cet incident. Peu importe le nombre d’années qui s’écouleront, nous continuerons à exiger justice pour Nihat Aydoğan et tous nos proches disparus, et à rappeler à l’État qu’il est tenu d’agir conformément aux normes universelles du droit. »

La manifestation des Mères de samedi s’est terminée par le dépôt d’œillets sur la place Galatasaray, qui était bouclée par la police.

Depuis plus de 30 ans, les mères du samedi demandent justice pour leurs disparu.e.s
 
Le samedi 27 mai 1995, les Mères du Samedi (en kurde: Dayikên Şemiyê, en turc: Cumartesi Anneleri) descendaient pour la première fois sur la place Galatasaray, à Istanbul, pour exiger la fin des disparitions forcées et demander qu’on leur rende leurs proches portés disparus.
 
Les « mères du samedi » reprochent à l’État turc de ne pas avoir enquêté sérieusement pour établir la vérité sur ceux qui ont disparu après leur mise en détention par les autorités turques.
 
Selon l’Association des droits de l’Homme (IHD), entre 1992 et 1996, 792 disparitions forcés et meurtres (de journalistes, syndicalistes, médecins, enseignants, enfants ou simples paysans) par l’État ont été signalés dans les régions kurdes de Turquie.