TURQUIE / KURDISTAN – Le 3e Festival international du film d’Amed (en kurde: Mîhrîcana Fîlman a Navnetewî ya Amedê) consacré au processus de paix s’est achevé hier soir par une cérémonie de remise des prix cinématographiques.
Du 7 au 14 décembre, le festival, placé sous le thème « Le monde vit d’histoires », a présenté plus de 80 films et documentaires, ainsi que des tables rondes.
Le festival était organisé par la municipalité d’Amed (Diyarbakır), en collaboration avec l’Académie du film mésopotamien et la plateforme Sînebîr. Malgré des difficultés logistiques, l’intérêt était vif : de nombreuses séances affichaient complet et la salle était comble pour la cérémonie de clôture.

Se souvenir, raconter, résister
Avant même la remise des prix, une vidéo récapitulative a passé en revue les huit jours du festival. Lisa Çalan, s’exprimant au nom du comité du festival, a souligné, dans son discours d’ouverture, le pouvoir fédérateur du cinéma et du récit. « Dans chaque histoire, nous nous sommes reconnus », a-t-elle déclaré. Les histoires, les langues et les formes d’expression peuvent différer, « mais notre souffrance est la même ».
Çalan a souligné les conditions de production difficiles dans la région : de nombreux films sont censurés, voire tout simplement interdits de diffusion. C’est précisément pourquoi les festivals indépendants comme celui d’Amed sont essentiels pour la visibilité et la mémoire de ces œuvres. Elle a dédié l’événement au processus de paix actuel et à ses « architectes », sans toutefois mentionner Abdullah Öcalan nommément. « Ces histoires s’épanouiront dans la paix », a-t-elle déclaré sous les applaudissements.

Signal politique de l’administration municipale
La co-maire d’Amed, Serra Bucak (DEM), a décrit le festival comme un « acte de reconstruction » après huit années d’interruption dues à la répression d’État, rappelant que la ville avait perdu de nombreux espaces culturels sous l’administration étatique. Elle a annoncé son intention d’étendre le festival à plusieurs lieux l’année prochaine. « Je vous le promets : l’année prochaine, le cinéma sera partout dans la ville », a-t-elle déclaré.
En souvenir du regretté cinéaste et homme politique Sırrı Süreyya Önder, Bucak a rendu hommage à sa voix humoristique, critique et profonde : « Son esprit était avec nous pendant huit jours – dans chaque film, dans chaque discussion. »

Prix récompensant les récits courageux et les images marquantes
Trois jeunes cinéastes ont reçu des prix dans le cadre du fonds du projet Sinebîr :
▪ Court métrage : Tarî û Ronahî de Raber Îbrahîm
▪ Documentaire : Hucre, takekes-laş, civat de Zelal Sadak
▪ Long métrage : Dîroka Wenda de Ali Kemal Çınar
Aperçu des autres récompenses
Des prix ont été décernés dans des catégories thématiques et selon les décisions du jury à :
▪ Mention honorable : Sêgoşe de Jino Hadî Hesen
▪ Prix Spécial du Jury : Garan de Mahsum Taşkın
▪ Prix commémoratif Mansour Karimian : Kawyar von Salem Salavat
▪ Prix spécial du jury (film documentaire) : All the Mountains Give d’Arash Raksha
▪ Prix Taha Karimi : Xalko de Sami Mermer & Hind Benchekroun

Six prix ont été décernés dans la catégorie long métrage :
▪ Composition d’image créative : Ciran – Caméra : Stéphane Kuthy
▪ Meilleur scénario (Prix Sırrı Süreyya Önder) : Ezmûn de Shawkat Amin Korki
▪ Cadre photo esthétique : Beriya Şevê par Ali Kemal Çınar
▪ Perspectives rebelles : La Vierge à l’Enfant de Binevşa Bêrîvan
▪ Prix spécial du jury : Zalava d’Arsalan Amiri
▪ Prix Yılmaz Güney pour la Résistance : Soleil de Kurdwîn Eyûb
La cérémonie de remise des prix s’est conclue par de longues minutes d’applaudissements pour l’équipe du festival. La photo de groupe finale a attiré une foule immense, témoignant du vif succès rencontré dans la région. (ANF)