AccueilKurdistanBakurKURDISTAN. Hommage aux victimes du massacre de Cizre

KURDISTAN. Hommage aux victimes du massacre de Cizre

TURQUIE / KURDISTAN – Le 14 décembre 2015, les forces armées turques assiégeaient la localité kurde de Cizre où l’État turc a décrété un couvre-feu qui a duré 79 jours. 79 jours qui ont suffi à l’armée turque de raser presque entièrement la ville, massacrer  près de 300 civils et chasser de leurs foyers ses habitants… Aujourd’hui, les rescapés de Cizre se sont rendus sur les tombes de leurs proches massacrés impunément par l’armée turque pendant l’hiver 2015/2016.

Retour sur le massacre de Cizre

Le 14 décembre 2015, l’État turc a imposé un couvre-feu total à Cizîr (en turc : Cizre), chef-lieu du district de la province de Şırnak (en kurde : Şirnex). Dix ans plus tard, les crimes commis durant ces 79 jours restent impunis. Pour les familles des victimes, l’attente de justice se poursuit ; nombre d’entre elles ont porté l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Avec l’instauration du couvre-feu – le second siège de la ville – Cizre fut totalement bouclée. L’eau, l’électricité et les communications furent coupées, et les secouristes furent empêchés d’entrer dans la ville. Durant les mois que dura le siège militaire, la ville fut bombardée à l’arme lourde depuis les airs et le sol. L’armée turque menait une guerre contre la population kurde.

Au moins 288 personnes ont été tuées.

D’après des informations confirmées, au moins 288 personnes ont été tuées pendant le couvre-feu, dont 177 qui s’étaient réfugiées dans des sous-sols. Parmi les victimes figuraient un nourrisson, 41 enfants et 22 femmes. Les massacres perpétrés dans les « sous-sols de la mort » de Cizre, en particulier, restent gravés dans la mémoire collective de la société kurde. Dans de nombreux cas, les corps n’ont pas pu être identifiés ; certains n’ont été rendus à leurs familles que des années plus tard.

Ambulance bloquée, aide refusée

Des rapports d’organisations de défense des droits humains et d’associations professionnelles attestent que de nombreuses personnes sont mortes d’hémorragie, les ambulances n’ayant pas été autorisées à accéder aux blessés. Leurs appels à l’aide sont restés sans réponse. Aujourd’hui encore, plus d’une douzaine de personnes sont officiellement portées disparues. Leurs corps n’ont jamais été retrouvés. Plus de cent mille habitants ont été déplacés de Cizre.

Déni de justice pour les victimes

Les suites judiciaires de ces événements n’ont guère été suivies d’effet. Les poursuites pénales engagées contre les responsables sont restées largement lettre morte. Si des mandats de perquisition permanents ont été délivrés dans cinq affaires, le parquet a classé sans suite au moins 70 dossiers. Les recours des familles ont été rejetés par les tribunaux. Les proches ont alors saisi la Cour constitutionnelle turque. Celle-ci a rejeté 54 recours et 16 affaires sont toujours en attente de décision. Dans 25 autres cas, les enquêtes se poursuivent depuis une dizaine d’années, sans inculpation ni conséquence.

52 affaires portées devant la Cour de justice de l’Union européenne

Faute de recours internes efficaces, les familles se sont finalement tournées vers la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg. Au total, 52 affaires ont été portées devant elle. Deux autres n’ont pu être introduites, les requérants étant décédés depuis. Les griefs portent notamment sur des violations du droit à la vie et sur le dysfonctionnement systématique du système judiciaire dans l’enquête sur ces meurtres. On ignore quand la CEDH rendra son arrêt.

Quatorze personnes sont toujours portées disparues.

Selon l’organisation de la société civile MEBYA-DER, le sort de 14 personnes reste à ce jour inconnu. Il s’agit de Feride Yıldız, Mardin Çelebi, Hacer Arslan, Osman Gökhan, Hüseyin Derviş, Servet Aslan, Idris Susin, Ali Aslan, Cemal Pürlek, Emrah Aşkan, Sercan Uğan, Mustafa Keçanlu, Emrah Aşkın et Sakine Durmiş. Pour leurs familles, cela signifie dix ans de vie entre espoir et incertitude – et une lutte continue pour la vérité et la justice. (ANF)