SYRIE / ROJAVA – Pourquoi la Turquie préfère-t-elle HTC (ou HTS) aux Kurdes ? Que représente HTS pour la Turquie ? Une alliance avec HTS contre les Kurdes est-elle compatible avec la fraternité turco-kurde ?
Il est nécessaire de comprendre les actions de la Turquie en Syrie. Le gouvernement AKP mène actuellement une propagande en Turquie pour établir une fraternité kurdo-turque et mettre fin au conflit. Or, en Syrie, il poursuit l’objectif inverse. Pour qu’une fraternité kurdo-turque puisse exister, elle doit inclure tous les Kurdes. La fraternité avec les Kurdes de Turquie ne saurait signifier une hostilité envers les Kurdes de Syrie. Imposer la destruction aux Kurdes de Syrie et les précipiter dans un massacre remettrait également en question sa rhétorique intérieure. Les intellectuels et les forces démocratiques turcs, en particulier, doivent s’interroger sur la situation en Syrie.
Le CHP et les autres partis d’opposition restent silencieux sur la Syrie. Soit ils ne suivent pas et ne s’y intéressent pas, soit ils sont complices de l’hostilité contre les Kurdes. Pourtant, ce qui s’y passe concerne directement la Turquie et sa démocratie. Vaut-il mieux pour la Turquie d’être voisine d’une Syrie démocratique, ou d’une Syrie dominée par HTS, qui partage la mentalité d’Al-Qaïda et de Daech ? La question n’est pas simple : elle concerne l’avenir de la Turquie. À l’heure actuelle, la Turquie a entièrement investi dans HTS. Malgré les massacres perpétrés contre les Alaouites et les Druzes, HTS ne suscite aucune critique de la part de la Turquie. Erdoğan affirme ouvertement son soutien inconditionnel à al-Sharaa.
Les revendications démocratiques et la quête de liberté du peuple syrien sont ignorées par la Turquie. Ce peuple a énormément souffert sous le régime Baas. Des millions de personnes ont été déplacées, des centaines de milliers ont perdu la vie. Il ne reste qu’un pays dévasté et un peuple qui lutte pour survivre dans la pauvreté. À la chute du Baas, on espérait que le peuple pourrait respirer et entrevoir des jours meilleurs, mais il s’est retrouvé confronté à une situation bien pire. Le système que HTS tente d’instaurer suscitera sans aucun doute une nostalgie du Baas. Tous les signes en sont déjà évidents. Au lieu de parvenir à l’unité nationale et de former un gouvernement inclusif, HTS a formé un gouvernement limité à lui-même. Pour asseoir sa domination, il a autorisé les massacres d’Alaouites et de Druzes.
La Turquie s’efforce d’imposer ce régime, notamment en laissant les Kurdes désorganisés et sans défense. Car actuellement, en Syrie, au nord et à l’est, règne une administration démocratique. Les peuples y cohabitent en paix. Tous les peuples, toutes les confessions et toutes les cultures y vivent librement. La Turquie s’est donné pour mission d’éliminer ce modèle. Elle réclame le démantèlement de l’administration autonome et la dissolution des FDS. Surtout, elle insiste sur le fait que les Kurdes ne doivent avoir ni identité ni statut.
La Turquie a procédé à des invasions, chassé les Kurdes des zones occupées, bombardé sans relâche la région, lâché des gangs contre la population et tenté de détruire l’économie et de déstabiliser la région. Elle a fait pression sur la coalition pour qu’elle rompe ses liens avec les FDS. En bref, elle a tout fait pour éliminer la région autonome. Pourtant, elle n’a pas réussi à l’effondrer complètement et à la disperser comme elle le souhaitait. Néanmoins, elle n’a pas abandonné cet objectif, continuant à utiliser tous les moyens et opportunités à sa disposition.
Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont désormais décidé de participer aux négociations entre le gouvernement de Damas et la région autonome. La Turquie s’y oppose. Elle ne bénéficie pas de l’influence de puissances influentes jouant le rôle de médiateurs. Il n’y a peut-être aucune chance de faire dérailler un éventuel accord. Ces puissances pourraient se porter garantes d’un accord. C’est pourquoi la Turquie tente de bloquer les négociations ou de bloquer un accord par l’intermédiaire de HTS. Grâce à des initiatives avec HTS, elle a réussi à reporter la réunion qui devait se tenir à Paris le 25 juillet. Mais il a été confirmé que cette réunion aura lieu, apparemment au milieu du mois. En réponse, la Turquie a intensifié ses efforts pour semer le trouble dans la région. Des ministres turcs ont effectué des voyages successifs en Syrie. Les responsables turcs ont multiplié les menaces contre les FDS et l’administration autonome.
Face à l’insuffisance des arguments pour discréditer l’administration autonome, la Turquie a intensifié ses efforts pour organiser les tribus avec HTS afin de créer l’instabilité. Comme elle l’a fait avec les Druzes, elle prévoit de provoquer et de diffuser de la propagande selon laquelle les tribus se rebellent contre les FDS. Pourquoi les tribus devraient-elles se rebeller ? Existe-t-il un tel contexte ou un tel besoin ? Non. Il s’agit purement et simplement d’une tentative de la Turquie et de HTS de semer la zizanie et de perturber la stabilité.
Parallèlement, la Turquie tente d’utiliser la Russie pour contrebalancer les États-Unis et Israël. La Turquie a également organisé et facilité la réunion de HTS à Moscou. N’ayant pas obtenu les résultats escomptés de la part des États-Unis et d’Israël, elle s’inquiète et tente de jouer la carte russe en réponse. Elle sait que la Russie souhaite rester en Syrie. Elle a dit à la Russie : « D’accord, vous pouvez rester, mais soutenez HTS contre les Kurdes, et nous accepterons de signer les accords que vous souhaitez. »
À y regarder de plus près, on constate qu’ils ont adopté la stratégie consistant à exploiter toutes les contradictions et tous les équilibres contre les Kurdes, et ils persistent dans cette voie. Le peuple turc et le peuple kurde devraient constamment se demander : pourquoi la Turquie préfère-t-elle HTC aux Kurdes ? Qu’est-ce que HTC pour la Turquie ? Une alliance avec HTC contre les Kurdes est-elle compatible avec la fraternité turco-kurde ?
Zeki Akil, via Yeni Özgür Politika