SYRIE / ROJAVA – Troubles psychologiques aigus, perte de la parole, traumatisme profond, handicapes permanentes… d’innombrables civils, dont des femmes et des enfants, du canton kurde d’Afrin qui ont survécu aux prisons tenues par des gangs turco-jihadistes ont besoin de soins d’urgence, mais surtout à ce qu’on ferme toutes ces prisons et traduise devant la Cour pénale internationale (CPI) tous ceux impliqués dans ces crimes de guerre et crimes contre l’humanité. L’Association Lelun pour les victimes de violations à Afrin (Lelun Association for the Victims of Violations in Afrin) a publié un rapport détaillant les crimes et abus commis dans ces prisons ignorées par la communauté internationale et demande justice pour les victimes.
Les prisons oubliées
Ce rapport documente de graves violations des droits humains commises par des factions affiliées à l’Armée nationale syrienne (ANS) dans des centres de détention sous leur contrôle dans le nord-ouest de la Syrie, notamment après leur prise de contrôle de la région d’Afrin, en mars 2018. Il s’appuie sur les témoignages vérifiés de dix personnes – anciens détenus ou proches de détenus – qui ont été soumises à des détentions arbitraires, à la torture et à d’autres abus.
Ces témoignages révèlent un système systématique de violations, notamment des arrestations arbitraires, des tortures physiques et psychologiques, du harcèlement et des violences sexuelles, des extorsions, des aveux obtenus sous la contrainte et des disparitions forcées. Ils mettent également en évidence une collusion entre diverses factions armées et les services de renseignement turcs, les détenus étant fréquemment transférés entre plusieurs centres de détention à Afrin, Azaz, al-Bab, et parfois même en territoire turc.
Le rapport met en évidence de nombreux cas de perquisitions domiciliaires, d’arrestations arbitraires aux points de contrôle et de détentions lors d’opérations de déplacement forcé. Les détenus sont fréquemment accusés sans preuve, notamment de « collaboration avec l’Administration autonome du Nord et de l’Est de la Syrie (AANES) » ou d’« affiliation aux Unités de protection du peuple (YPG) », des prétextes fréquemment invoqués pour les arrestations et les extorsions financières.
Les méthodes de torture documentées comprennent les coups infligés avec divers instruments, les décharges électriques, la méthode Blanco (le détenu est suspendu par les poignets à une corde sur un rail relié à une poulie et soulevé jusqu’à ce que seule la pointe de ses orteils touche le sol), la privation de nourriture et d’eau, les violences verbales et la torture psychologique. Les détenus sont également constamment menacés de mort. Concernant les femmes détenues, le rapport fait état de viols, de harcèlement sexuel et d’atteintes à la vie privée dans les toilettes.
Le rapport détaille également un système d’extorsion systématique, où les familles sont contraintes de payer des rançons allant de plusieurs centaines à des dizaines de milliers de dollars américains en échange de la libération des détenus. Dans de nombreux cas, les biens des détenus sont également confisqués. Les témoignages décrivent fréquemment les détenus comme étant traités comme des « butins » à échanger contre des gains financiers.
De plus, le rapport met en lumière les graves conséquences psychologiques et physiques subies par les survivants après leur libération, notamment des handicaps permanents, des troubles psychologiques aigus, la perte de la parole, des troubles du sommeil, une peur persistante et un traumatisme profond qui les empêche de retrouver une vie normale.
En conclusion, le rapport constate que ces pratiques constituent de graves violations du droit international humanitaire et du droit international et peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Il souligne l’urgence de traduire en justice les responsables.
Vous pouvez lire et télécharger la version complète de ce rapport (17 pages) au format PDF en cliquant ici.