ITALIE – Nurgül Çokgezici est une réfugiée kurde et un militante des droits humains, dont la famille a quitté le district de Pazarcık à Maraş, région kurde-alévie du Kurdistan du Nord, pour s’installer en Italie alors quand elle était enfant. Aujourd’hui, après avoir franchi de nombreux obstacles en tant que femme, réfugiée, kurde…, elle exerce les métiers de psychologue, éducatrice, conférencière universitaire, médiatrice culturelle, conseillère judiciaire, conseillère de chambre de commerce… à Milan, en Lombardie.
Nurgul Çokgezici enthousiasme la conférence des psychologues de Lombardie
A l’occasion de la Journée internationale des femmes, 8 mars, l’Ordre des psychologues de Lombardie a organisé une conférence à laquelle ont participé plusieurs professionnels du secteur, parmi lesquels des psychologues, des psychiatres et des médecins. Parmi les interventions les plus touchantes, celle de la professeure Nurgul Çokgezici a suscité beaucoup d’émotion et de réflexion. Invitée par l’École de Psychothérapie de la Gestalt, dirigée par le Professeur Riccardo Zerbetto, son témoignage a représenté un moment de fort impact pour le public présent.
Psychologue, pédagogue et médiatrice linguistique et culturelle, la professeure Çokgezici a raconté son expérience de femme immigrée kurde, qui a survécu à la discrimination et à l’injustice, parvenant avec force et détermination à construire un avenir basé sur la connaissance et l’engagement social. Son discours a reçu une longue salve d’applaudissements, laissant une trace indélébile chez les participants.
Dans son discours, la professeure Çokgezici a rappelé les difficultés qu’elle a vécues depuis son enfance. Née au Kurdistan, elle a dû quitter son pays natal et faire face à la dure réalité de l’immigration en Italie. Elle a raconté l’histoire de sa mère, une très jeune femme, de seulement 17 ans son aînée, qui n’a jamais eu l’occasion d’apprendre à lire et à écrire, un sort commun à de nombreuses femmes de sa communauté. L’un des épisodes les plus douloureux de son enfance s’est produit en Turquie, où, bien qu’étant parmi les meilleures élèves de sa classe, elle a échoué sa première année d’école primaire simplement parce qu’elle était kurde. Cette stratégie d’exclusion scolaire, systématiquement mise en œuvre par l’État turc, visait à décourager la scolarisation des enfants kurdes, notamment des filles, les privant ainsi de la possibilité de s’émanciper. Mais au lieu d’abandonner, cette injustice a suscité en elle une détermination inébranlable. Aujourd’hui, à 40 ans, elle a obtenu plusieurs diplômes, suit un Master en Criminologie et est en deuxième année à l’École de Psychothérapie Transculturelle, un programme de quatre ans qui lui permettra de se spécialiser davantage.
Dans son discours, la professeure a également évoqué les difficultés qu’elle a rencontrées après son arrivée en Italie, où elle a vécu la marginalisation et le harcèlement en raison de ses origines. En grandissant, elle a dû lutter contre les préjugés et les stéréotypes liés à son nom et prénom étrangers, souvent perçus comme un obstacle à la pleine reconnaissance de ses capacités. Malgré deux mariages difficiles – le premier arrangé, le second raté – la professeure Çokgezici ne s’est jamais laissée abattre. Elle a transformé la douleur en détermination, construisant un chemin de vie qui la voit aujourd’hui engagée dans la défense des droits des femmes immigrées et des femmes kurdes, dans le but de leur garantir une plus grande sensibilisation et des opportunités.
À travers son histoire, la professeure Nurgul Çokgezici a envoyé un message clair : les femmes immigrées ne sont pas seules et ont le droit de se racheter par la connaissance et la détermination. Son discours a été un moment de grande inspiration pour tous ceux présents, soulignant comment le courage et la volonté peuvent briser toute barrière sociale et culturelle. Dans un monde encore marqué par la discrimination sexuelle et les préjugés envers les femmes migrantes, la professeure Çokgezici est devenue une référence pour de nombreuses femmes qui luttent pour affirmer leur identité et leur valeur. Aujourd’hui, son histoire est un exemple de résistance et de changement, un témoignage qui continue d’inspirer non seulement les femmes immigrantes, mais tous ceux qui croient au pouvoir de la connaissance et à la lutte pour la dignité.
Texte de Pino Rotta traduit par Kurdistan au féminin