LINGUICIDE. La Plateforme de la langue kurde a envoyé une lettre à l’UNESCO concernant les « graves menaces qui pèsent sur la langue kurde en Iran, en Syrie, en Turquie et dans la diaspora ».
La Plateforme de la langue kurde SEKO-Kurdistan (گرووپی سەکۆ), qui regroupe les trois associations kurdes basées à Genève, a adressé une lettre à l’UNESCO concernant les « graves menaces qui pèsent sur la langue kurde en Iran, en Syrie, en Turquie et dans la diaspora ».
La lettre précise :
« L’article 15 de la Constitution iranienne stipule que l’enseignement des langues et littératures ethniques au niveau scolaire est gratuit. Cependant, malgré l’importance de la langue et de la culture dans la communauté internationale, aucune mesure efficace n’est prise pour enseigner ces langues dans les écoles en Iran (CSDHI, 21 février 2021).
En Turquie, la Constitution refusant aux Kurdes le statut de minorité nationale, l’enseignement de leur langue est interdit dans les écoles publiques, une situation absurde (Courrier international, 20 octobre 2010). Le kurde est la langue véhiculaire d’environ 45 millions de personnes, vivant principalement dans un vaste territoire du Moyen-Orient que les Kurdes et les géographes appellent Kurdistan, partagé entre la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran au lendemain de la Première Guerre mondiale. La langue kurde fait partie du groupe des langues iraniennes de la grande famille des langues indo-européennes (Revue Études Kurdes, mai 2008).
Héritière d’une histoire et d’une culture millénaires, la langue kurde est aujourd’hui confrontée à des défis d’une telle ampleur qu’ils mettent en péril sa survie même (Institut kurde de Paris, 2019).
L’UNESCO plaide en faveur d’une éducation multilingue fondée sur la langue maternelle dès les premières années de scolarité. Les recherches montrent que l’enseignement dans la langue maternelle est un facteur clé d’inclusion et d’apprentissage de qualité, et qu’il améliore la réussite et les performances scolaires (UNESCO, 23 février 2022). Lorsque les enfants apprennent dans leur langue maternelle, ils naviguent dans le savoir avec confiance et facilité. Les concepts deviennent plus clairs, les idées circulent librement et la joie de la découverte est amplifiée (UNICEF, 20 février 2024).
Il est impératif de rappeler les dispositions des instruments juridiques internationaux qui soutiennent l’éducation dans la langue maternelle et la protection des langues en danger.
Nous vous demandons respectueusement de soutenir cette convention et de promouvoir activement l’éducation kurde et multilingue dans les régions où la langue kurde est en danger.
Propositions concrètes :
Nous vous invitons à considérer les propositions suivantes pour soutenir l’enseignement de la langue kurde dans les écoles des pays mentionnés et pour garantir que les gouvernements respectent les droits linguistiques des enfants kurdes.
1. Plaidoyer pour l’enseignement de la langue maternelle kurde : l’UNESCO pourrait lancer une campagne de sensibilisation auprès des gouvernements de Turquie, d’Iran et de Syrie, soulignant l’importance de l’enseignement de la langue maternelle comme un droit fondamental des enfants. Cette campagne pourrait inclure des témoignages de chercheurs, de linguistes et d’experts en éducation, ainsi que des recommandations sur la manière d’introduire progressivement le kurde dans les écoles.
2. Soutien à la mise en place de programmes scolaires kurdes : l’UNESCO pourrait soutenir les initiatives locales en fournissant des ressources pédagogiques et en formant des enseignants kurdes. Cela comprend la création de manuels scolaires, de guides pédagogiques et la formation d’enseignants qualifiés dans les zones où le kurde est parlé, en collaboration avec les communautés kurdes et les autorités éducatives locales.
3. Établir des partenariats internationaux : l’UNESCO pourrait faciliter la création de partenariats avec des institutions éducatives internationales pour promouvoir l’enseignement du kurde dans les écoles. Par exemple, des accords avec des universités ou des centres de formation en linguistique et en éducation pourraient être conclus pour soutenir l’intégration de la langue kurde dans le programme scolaire des trois pays.
4. Suivi et mise en œuvre des droits linguistiques : Il est essentiel que l’UNESCO surveille la mise en œuvre de la reconnaissance des droits linguistiques dans l’éducation en Turquie, en Iran et en Syrie. Nous proposons qu’un mécanisme de suivi indépendant soit mis en place pour garantir l’enseignement dans la langue maternelle, tout en veillant à ce que les autorités respectent les engagements internationaux en matière d’éducation et de droits linguistiques. (ANF)