CENSURE – En Turquie, l’accès aux comptes X (ancien Twitter) de plus de 40 journalistes, activistes et médias d’opposition (kurdes et turcs) vivant en exil ont été bloqués.
Le réseau social appartenant au milliardaire américain, Elon Musk, X (ancien Twitter) a bloqué l’accès à au moins 42 comptes appartenant à des journalistes, militants et des sites d’information gérés par des journalistes de Turquie vivant en exil, marquant un nouvel acte de censure.
Parmi les comptes rendus inaccessibles en Turquie figurent ceux des journalistes exilés Turhan Bozkurt, Abdullah Bozkurt, Emre Uslu, Ergun Babahan, Basri Doğan et Erkam Tufan Aytav, ainsi que le compte de Bold News, un site Internet créé par un groupe de journalistes exilés.
Des militants tels que les avocats Murat Akkoç et Gökhan Güneş, dont les comptes ont été bloqués, couvrent les violations généralisées des droits humains en Turquie, qui ont augmenté après le coup d’État manqué de 2016, et fournissent des conseils juridiques aux victimes de la purge qui a suivi le coup d’État.
Certains de ces comptes ont un grand nombre d’abonnés sur X, totalisant plusieurs centaines de milliers de personnes.
X, qui a de mauvais antécédents en matière de respect des exigences de censure du gouvernement turc, a pris sa décision sur la base d’un jugement d’un tribunal d’Ankara, invoquant la nécessité de « protéger la sécurité nationale et l’ordre public ».
Turhan Bozkurt, ancien rédacteur en chef de la rubrique économique et abonné à plus de 318 000 abonnés sur X, s’est engagé à poursuivre ses activités journalistiques malgré la censure imposée par le gouvernement turc. Il a déclaré que le journalisme ne deviendrait qu’une forme de relations publiques si les journalistes s’abstenaient de critiquer le gouvernement. Pour rester en contact avec ses abonnés en Turquie, il a créé un nouveau compte sur X.
Un communiqué de la direction des communications présidentielles indique que l’accès aux comptes 42 X a été bloqué dans le cadre d’une « lutte numérique » contre le mouvement religieux Gülen au motif qu’ils diffusent de la propagande et de la désinformation.
Le mouvement Gülen, inspiré par les enseignements du théologien turco-islamiste Fethullah Gülen, décédé en Pennsylvanie en octobre dernier, est considéré comme une organisation terroriste par le gouvernement turc. (…)
D’autres journalistes et plateformes médiatiques sont également concernés par l’interdiction d’accès (…).
Par exemple, le compte X du site d’information Artı Gerçek a été bloqué en Turquie, selon le site lui-même. Artı Gerçek traite principalement des questions relatives aux Kurdes en Turquie, aux violations de leurs droits et aux poursuites judiciaires à leur encontre. Le site d’information a déclaré qu’il intentait une action en justice contre la décision du tribunal, qui a également invoqué la « protection de la sécurité nationale et de l’ordre public » comme motif de l’interdiction.
Yaman Akdeniz, professeur de droit et l’un des fondateurs de l’Association pour la liberté d’expression basée à Istanbul, a qualifié la restriction imposée au compte X de « tentative sérieuse de censure ». Il a déclaré que la plateforme n’avait pas été informée de l’interdiction, notant que la censure est imposée sans aucune transparence.
Par ailleurs, le journaliste turc Yavuz Baydar, qui vit en exil, a également annoncé sur X que son compte avait été rendu inaccessible par X à ses abonnés en Turquie.
Dans un développement similaire, X a également bloqué l’accès à plus de 100 comptes appartenant à des journalistes turcs, des activistes et des organisations de médias dirigées par des journalistes vivant en exil en octobre dernier.
(…)
X, anciennement Twitter, a nommé un représentant en Turquie conformément à une loi controversée sur les réseaux sociaux après que l’entreprise et d’autres ont été frappées d’interdictions de publicité pour non-respect de la loi.
Cette loi, qui, selon les groupes de défense des droits de l’homme et de la liberté des médias, équivaut à une censure, oblige les sociétés de médias sociaux comptant plus d’un million d’utilisateurs à avoir des représentants en Turquie pour traiter les plaintes concernant le contenu de leurs plateformes.
À l’approche des élections générales de mai 2023, X a accédé à une demande du gouvernement turc de censurer quatre comptes et 409 tweets critiques à l’égard du président Erdoğan et de son leadership. Ces comptes s’ajoutent aux centaines de comptes que X avait déjà censurés à la demande du gouvernement turc par le passé, Twitter ayant même été banni du pays en 2014 pour avoir refusé de se conformer aux ordres de suppression d’Erdoğan.
Un bilan médiocre en matière de libertés en ligne
La censure généralisée d’Internet en Turquie fait également son chemin dans les rapports des organisations internationales.
Selon un rapport publié en octobre par Freedom House, une organisation basée à Washington, la Turquie, où les autorités censurent fréquemment le contenu en ligne et harcèlent les individus pour leurs publications sur les réseaux sociaux, a été classée comme le pays ayant le score le plus bas en Europe en matière de libertés en ligne.
La Turquie obtient un score de 31 sur un indice de 100 points, les scores étant basés sur une échelle de 0 (le moins libre) à 100 (le plus libre). Les deux autres pays européens les moins bien notés sont la Hongrie avec un score de 69 et la Serbie avec 70, selon le rapport « Freedom on the Net 2024 ».
Les autorités turques ont temporairement bloqué l’accès aux sites de médias sociaux, notamment Facebook, X, Wikipédia et plus récemment Instagram, qui est resté bloqué pendant neuf jours en août et a suscité une condamnation internationale.
Le gouvernement du président Erdoğan est régulièrement accusé de museler la liberté d’expression et de réprimer les personnes qui expriment des critiques à l’égard de son gouvernement sur les réseaux sociaux.
Des milliers de personnes sont confrontées à des enquêtes, poursuivies et condamnées à des peines de prison en Turquie pour avoir exprimé des opinions que le gouvernement déteste sur les réseaux sociaux.
Les groupes de défense des droits de l’homme accusent régulièrement la Turquie de porter atteinte à la liberté de la presse en arrêtant des journalistes et en fermant des médias critiques, en particulier depuis qu’Erdoğan a survécu au coup d’État manqué de juillet 2016. (Via Stockholm Center for Freedom)