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Ankara et les Kurdes: Chaos et delirium sur le terrain

Rumeurs de désirs d’Erdogan de reprendre les pourparlers avec le PKK, les nouvelles d’Abdullah Ocalan après plus de 3 ans silence total, attentat d’Ankara ciblant le siège de l’industrie aérospatiale turque (TUSAŞ), destitution des maires kurdes de lundi dernier… Ces dernières semaines, nous avons assisté à des rebondissements « étranges » sur la scène politique turque concernant la question kurde. Dans le texte suivant, le journaliste Ragip Duran revient sur ces événements frisant le délire.

Ankara et les Kurdes: Chaos et delirium sur le terrain

La scène politique en Turquie ressemble beaucoup à un court de tennis quand même un peu exceptionnel voire très bizarre. Car il y a au moins 4 filets donc 4 terrains superposés aléatoires où jouent au moins 8 joueurs avec plus de 16 balles! De plus il n’y a pas de règles! Chaque joueur peut faire ce qu’il veut, il peut même parfois tirer sur un de ses adversaires à l’aide d’un kalachnikov! Il y a également de en temps les spectateurs qui descendent sur le terrain, jettent de nouveaux balles, des pierres et voire des cocktails Molotov.

L’absence du Droit, la carence d’un mécanisme d’Etat, la volonté du Président tout puissant arbitraire et autoritaire ont crée cet atmosphère d’enfer.

5 dates à retenir:

– Le 1er octobre dernier, le chef du parti d’extrême-droite M.Devlet Bahceli, Président du MHP (Parti de l’Action Nationaliste, 50 sièges sur 593 au Parlement, allié d’Erdogan) est allé chez les députés de DEM (Parti de l’Egalité et de la Démocratie des Peuples, 57 sièges, kurdes et gauches) leur serrer la main. Grande, très grande surprise! Est ce que le pouvoir commence à se reconcilier avec les kurdes, [habituellement] accusés  de ‘’séparatisme’’, de ‘’terrorisme’’ et de ’’traîtrise à la nation’’?

– Le procureur de la prison de l’île d’İmrali (Marmara) a annoncé le 16 octobre qu’Ocalan a reçu une nouvelle peine de discipline, donc il ne peut pas recevoir de visiteur pendant 3 mois. 

– Le 22 octobre M. Bahceli va encore plus loin: Il invite le Président du PKK Abdullah Ocalan, en prison depuis 1999 à venir faire un discours au Parlement turc pour annoncer la fin de la lutte armée et la dissolution de son organisation. Choc politique dans l’ensemble du pays. Le Président Erdogan, soutient timidement cette initiative. Les Kémalistes sont fou de rage et les Kurdes espèrent avec un peu de précaution l’ouverture d’un nouveau processus de paix.

– Le 31 Octobre, le Ministère de l’İntérieur nomme un administrateur à la place du maire élu d’Esenyurt (Istanbul), le plus peuplé district du pays, avec environ un million de résident. Le maire, le Prof. Ahmet Ozer, accusé ‘’d’aider les terroristes’’,  a été emprisonné le 30 octobre. Cet universitaire kurde avait gagné les élections grâce à une coalition des sociaux-démocrates et des kurdes.

– Enfin le 4 novembre le Ministère de l’Intérieur nomme 3 administrateurs à la place de 3 maires kurdes élus à Mardin, Batman et Halfeti (Sud-est). Le district d’Urfa, Halfeti est le lieu de naissance d’Ocalan. Désormais personne ne parle plus de paix.

‘’L’initiative de Bahceli n’était qu’un piège’’ affirme un député de DEM. Les Kémalistes sont contents. Erdogan ne parle plus.

Alors que s’est il passé entre le 1er octobre et le 4 novembre?

En l’absence de transparence les spécialistes et chroniqueurs ne peuvent avancer que des scénarios.

– Le régime s’affablit et a besoin de nouveaux alliés. Les kurdes qui sont contre les Kémalistes peuvent peut être soutenir Erdogan qui désire faire une nouvelle Constitution pour redevenir Président en mai 2028.

– La Guerre au Moyen-Orient risque d’influencer de plus en plus la Turquie. Alors cette dernière doit renforcer son unité nationale.     

Mais on ne sait pas encore pourquoi l’initiative de Bahceli a été mis hors circuit. Deux réponses:

– Devant la grande opposition massive d’une très grande partie de l’opinion publique turque l’invitation adressée à Ocalan est annulée.

– L’initiative de Bahceli était une proposition d’une fraction de l’Etat. L’autre fraction l’a cassé.

Les joueurs des courts de tennis continuent à jouer, les spectateurs les suivent sans savoir ce qui se passe. Les journalistes, les spécialistes, les commentateurs se contentent de décrire les scènes successives. L’écran électronique qui montre les points ne change pas du tout: Zéro partout!