SYRIE / ROJAVA – Les États turc et qatari, accusant Israël de nettoyage ethnique contre les Palestiniens, se sont alliés pour changer la démographie du canton kurde d’Afrin occupé par la Turquie et ses mercenaires islamistes depuis 2018.
« Avec le soutien du Qatar, les travaux de construction de maisons en Syrie, pouvant accueillir 1 million de réfugiés, se poursuivent », a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdogan en mai 2023.
Au moment où la Turquie et le Qatar accusent Israël de nettoyage ethnique contre les Palestiniens, les deux gouvernements, via des organisations qu’ils financent et soutiennent, construisent des colonies dans les zones occupées par la Turquie dans le nord de la Syrie, principalement dans celles à majorité kurde, dont Afrin.
Les colonies qui ont été construites visaient à loger les familles des militants des factions armées de l’opposition soutenues par la Turquie, alias l’Armée nationale syrienne (ANS), qui sont venus d’autres régions de Syrie et ont saisi les maisons et les propriétés des habitants autochtones d’Afrin.
Jusoor News, un réseau d’information arabophone basé à New York, a déclaré que tandis que le monde organise des conférences et des manifestations internationales pour exprimer son inquiétude face au soi-disant génocide du peuple palestinien à Gaza, il ferme les yeux sur le nettoyage ethnique systématique et les efforts visant à effacer la culture et l’existence des Kurdes de la région d’Afrin occupée par la Turquie, dans le nord-ouest de la Syrie.
« Nous avons été déplacées sous les bombardements aériens et les tirs d’artillerie », se souvient Naima Khalil, une femme déplacée d’Afrin, à l’occasion de l’invasion turque d’Afrin. « Il y avait des enfants et des femmes. »
« Nous n’avions rien avec nous, pas de nourriture, pas de vêtements », a-t-elle déclaré à Jusoor News. « Nous avons à peine essayé de nous sauver, nous et nos enfants. »
En mars 2018, les forces turques ont occupé Afrin après 58 jours d’affrontements avec les Unités de protection du peuple kurde (YPG). L’opération, baptisée « Rameau d’olivier », a été menée sous prétexte de protéger la sécurité nationale turque.
L’opération a alors provoqué le déplacement de plus de 300 000 Kurdes qui ont trouvé refuge dans cinq camps de déplacés à proximité de la ville d’Alep et d’autres villes du nord-est de la Syrie.
« Nous ne savons pas ce qui nous attend », a déclaré une autre femme déplacée. « Nous ne savons pas où nous serons ni où nous devrons aller. »
Depuis lors, le gouvernement turc, dirigé par Erdogan, avec l’implication de certains États du Golfe, notamment le Qatar et les organisations islamistes, a lancé le processus de changement démographique en construisant des colonies et des unités de logement pour loger les familles des membres de l’ANS.
En septembre 2023, le directeur exécutif de l’organisation Qatar Charity, Youssef Bin Ahmad al-Kuwari, le vice-gouverneur de Gaziantep, Anal Alkal, la maire de Gaziantep, Fatima Shahin, et des représentants de l’organisation turque AFAD et du Croissant-Rouge turc ont signé un accord dans la capitale turque Ankara pour construire des colonies dans la ville d’al-Bab, à l’est d’Alep.
Qatar Charity a affirmé que son projet visait à soutenir des projets de reconstruction dans le nord de la Syrie après le tremblement de terre dévastateur du 6 février qui a frappé la région.
Selon Jusoor News, le Qatar a accepté de financer 240 000 logements pour les Arabes dans les zones occupées par la Turquie dans le nord de la Syrie.
« La Turquie rassemble des fonds du Qatar pour construire les colonies », a déclaré à Jusoor News Sardar Mella Darwish, journaliste syrien. « Les mouvements islamistes politiques soutiennent le processus de construction. »
De nombreuses organisations turques telles que l’association humanitaire WIFAK, l’association Beyaz Eller (Mains Blanches), l’organisation Helping Hand for Relief and Development (HHRD), l’AFAD, la Fondation Türkiye Diyanet, la Fondation de secours humanitaire (IHH), Good Neighbors, basée en Californie, et l’organisation Orange sont les agences d’exécution qui ont réussi à construire des colonies à Afrin.
« Les autorités turques ont rapidement organisé la réinstallation de centaines de familles arabes sunnites déplacées de la Ghouta orientale dans des maisons appartenant à des habitants kurdes de la région », a indiqué Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié en février. « Il s’agit d’un exemple clair des efforts déployés par la Turquie pour modifier la démographie de la région afin d’y affaiblir la présence kurde. »
Lors d’une réunion des dirigeants des sections régionales du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir le 31 juillet, Erdogan a déclaré : « Israël est le seul État de notre région qui cherche sa sécurité par l’agression, les massacres et l’occupation de terres, et qui agit comme une organisation terroriste. »
Si tel est le cas, comment Erdogan a-t-il occupé des territoires en Syrie et à Chypre ? Comment les forces turques lancent-elles des opérations dans le nord de l’Irak ? Comment Erdogan menace-t-il l’Arménie et la Grèce ? Et comment continue-t-il de menacer d’inonder l’Europe de réfugiés ?
Surtout, la Turquie supervise les violations des droits de l’homme commises par les factions de l’ANS contre les Kurdes à Afrin.
« La Turquie est responsable des actes commis par ses agents ou ceux qui sont sous son contrôle, et de son manquement à prévenir et/ou punir les actes d’autrui dont elle avait ou aurait dû avoir connaissance », peut-on lire dans le rapport de HRW. (North Press Agency)