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TURQUIE. Appels à fermer les prisons « puits »

 

TURQUIE – Les principales organisations de défense des droits humains en Turquie appellent à la fermeture des prisons « de type puits » réservés aux prisonniers politiques (notamment des Kurdes), célèbres pour les conditions carcérales difficiles et les violations des droits des prisonniers.

 

Les principales organisations turques de défense des droits humains ont lancé une demande collective pour la fermeture de certains types de prisons, appelées prisons « de type puits », réputées pour leurs actes de torture, leurs mauvais traitements et leurs violations des droits humains. Ces appels ont été lancés lors d’un communiqué de presse samedi au siège de l’Association des Droits de l’Homme (İHD), soulignant le besoin urgent d’une réforme pénitentiaire.

Le communiqué souligne que ces établissements, notamment les prisons de type S, de type Y et de haute sécurité, sont conçus pour promouvoir l’isolement social et la déshumanisation, ce qui a de graves conséquences sur la santé mentale et physique des détenus. L’IHD, la Fondation turque des droits de l’homme (THIV) et la branche des droits de l’homme de l’Association médicale turque (TTB) ont souligné de nombreux rapports et lettres de prisonniers détaillant les conditions difficiles, telles que le manque de soleil, une ventilation inadéquate et un isolement extrême, qui entraîner des problèmes de santé psychologique et physique.

La doctoresse Şebnem Korur Fincancı du TTB a souligné que les conditions de ces prisons sont propices au développement de troubles psychiatriques et d’autres problèmes de santé. Les prisonniers passent jusqu’à 22,5 heures par jour en isolement cellulaire, ce qui s’apparente à une privation sensorielle, entraînant une grave détérioration de leur santé mentale. Elle a également souligné que les détenus sont souvent victimes de mauvais traitements, notamment en se voyant refuser l’accès aux livres ou aux activités de plein air, ce qui exacerbe leur isolement et leur stress.

La doctoresse Sebnem Korur Fincanci, au centre

La surpopulation des prisons turques, avec plus de 329 000 détenus hébergés dans des établissements conçus pour 295 000 personnes, aggrave encore la situation. Malgré les changements législatifs visant à réduire la population carcérale, le nombre de détenus a rapidement augmenté, reflétant les problèmes systémiques persistants au sein du système pénal turc.

Les organisations ont exigé que les nouvelles constructions de prisons cessent, que les prisonniers gravement malades soient libérés immédiatement et que l’architecture des prisons existantes soit réformée pour préserver la dignité humaine. Ils ont souligné que l’emprisonnement ne devrait pas être utilisé comme un outil de punition mais plutôt comme un dernier recours, appelant à une refonte du système judiciaire pour l’aligner sur les normes des droits humains.

De nombreux cas de mauvais traitements ont été signalés ces derniers temps dans les prisons turques. Un prisonnier kurde du nom d’Ercan Çakar est décédé dans des circonstances suspectes au milieu d’allégations de torture et de mauvaise conduite en mai, dans la prison de type S d’Iğdır en Turquie, suscitant des appels à une enquête approfondie.

Une semaine auparavant, Senem Eriş, membre du parti pro-kurde pour l’égalité des peuples et la démocratie (DEM), avait été soumise à des fouilles à nu répétées et traînée de force vers un quartier judiciaire après son arrestation à Istanbul, en Turquie, ont rapporté ses avocats.

En mai également, le prisonnier politique kurde Reber Soydan, détenu à l’isolement, est décédé dans des circonstances suspectes dans une prison turque de haute sécurité de type F à Van (Wan). Les autorités affirment qu’il s’est suicidé.

Et plus particulièrement, d’innombrables appels ont été lancés pour obtenir davantage d’informations sur la prison de l’île d’Imralı, où sont emprisonnés le leader kurde Abdullah Öcalan et trois autres personnes. Le député du parti pro-kurde pour l’égalité des peuples et la démocratie (DEM Parti) d’Istanbul, Cengiz Çiçek, a demandé une enquête parlementaire sur les allégations d’isolement absolu dans la prison turque d’Imralı, contestant les affirmations du ministère de la Justice selon lesquelles une telle pratique n’existe pas. Öcalan est en isolement absolu depuis 38 mois, incapable de rencontrer sa famille ou ses avocats.

La torture est une politique d’État en Turquie, systématiquement appliquée et profondément ancrée dans les pratiques de détention et d’interrogatoire, en particulier contre les prisonniers politiques et les groupes minoritaires, selon l’avocate kurde des droits humains, Eren Keskin.

S’exprimant lors d’une conférence de presse en avril au cours de laquelle le rapport sur les violations des droits dans les prisons 2022-2023 a été publié, Keskin, coprésident de l’IHD, a souligné la nature systémique de ces violations des droits humains, affirmant que le recours massif à la torture, y compris la violence sexuelle, sert non seulement de méthode de répression mais aussi d’outil pour maintenir le contrôle et étouffer la dissidence au sein de l’appareil d’État. (Medya News)