BRUXELLES – Les journalistes de Medya Haber (télé kurde perquisitionnée en Belgique à la demande de la France) ont repris l’antenne.
La nuit dernière, environ 200 policiers belges ont perquisitionné les bureaux des télés kurdes, StêrkTV et Medya Haber (Medya News) à Denderleeuw (Flandre orientale). La police a confisqué des ordinateurs et du matériel technique, coupé les câbles de diffusion et saccagé certains équipements. Il s’agirait d’une perquisitions menées dans le cadre d’une enquête sur le « financement du terrorisme » diligentée depuis la France.
Les organisations kurdes d’Europes qui dénoncent l’attaque des télés kurdes ont appelé les autorités belges à « empêcher l’État turc d’exporter son conflit kurde en Belgique ».
Ce matin, des raids policiers ont ciblé des travailleurs de la presse libre à Istanbul, Ankara et Urfa. Mehmet Aslan, journaliste de l’agence kurde, Mezopotamya (MA), a été arrêté lors de perquisitions à Ankara.
Lors des perquisitions à Istanbul, le journaliste de Yeni Özgür Politika, Erdoğan Alayumat, la journaliste du MA Esra Solin Dal, Enes Sezgin du journal Yeni Yaşam et les journalistes Saliha Aras, Yeşim Alıcı, Beste Argat Balcı et Şirin Ermiş ont été arrêtés. Le journaliste Doğan Kaynak a été arrêté dans la province kurde d’Urfa (Riha).
« La police belge a perquisitionné les locaux des sociétés publiques Sterk, Roj et Hevron à Denderleeuw, en Belgique, le 23 avril vers 1h30 du matin. Ce raid contre les chaînes de télévision kurdes, menée par la police fédérale belge, a eu lieu sans notification préalable à nos avocats ou aux représentants des sociétés. Tard dans la nuit, alors que personne ne se trouvait dans le bâtiment, la police est entrée de force dans les bureaux, détruisant les outils de diffusion et le matériel de presse, notamment les ordinateurs.
Nous condamnons cette attaque illégale et antidémocratique, qui a visé nos institutions de médias libres qui représentent la voix du peuple kurde. Le timing de ce raid, coïncidant avec la Journée du journalisme kurde et le 126e anniversaire des médias kurdes, est particulièrement significatif, car il marque la poursuite des attaques organisées contre la presse kurde – d’autant plus que la police turque a perquisitionné au même moment les domiciles des journalistes kurdes en Turquie.
Ce n’est pas la première fois que nos studios sont ciblés. La police belge avait déjà effectué une perquisition en mars 2010, saisissant tous nos ordinateurs et disques durs. Les enquêtes et poursuites n’avaient pas abouti et nos sociétés n’avaient fait l’objet d’aucune sanction, étant donné qu’elles opèrent dans le respect du droit belge, comme en témoigne l’absence de résultat des perquisitions antérieures dans nos bureaux.
Nous soulignons que cette attaque porte atteinte à la liberté des médias kurdes et au droit du peuple kurde à l’information. Malgré les centaines de tentatives de l’État turc et de ses alliés pour réprimer les médias kurdes, nous restons fidèles à notre engagement en faveur de l’intégrité journalistique et de la liberté d’expression. La Turquie, qui a assassiné des dizaines de nos collègues au fil des années, n’a jamais réussi à atteindre son objectif de faire taire des médias dans le pays. Ni la Turquie ni aucun autre acteur ne pourront nous empêcher de couvrir librement de la situation au Kurdistan et en Turquie.
Nous ne doutons pas que cette attaque soit le résultat de relations clandestines avec le régime Erdogan en Turquie. Nous appelons donc le gouvernement belge à clarifier la nature de ses relations et négociations avec la Turquie. Nous considérons ces perquisitions, menées sans mandat, comme une violation de la loi et nos avocats ouvriront immédiatement une procédure contre cette intrusion illégale.
Nous aimerions en outre adresser une invitation aux médias belges, aux organisations non gouvernementales et aux partis politiques à visiter nos locaux où nous exerçons des activités de presse ordinaires. Notre travail est public et transparent et les portes de nos studios sont ouvertes à tous, même la police, qui est invitée à nous visiter et à suivre nos activités. Rien de celles-ci n’est secret ou caché.
Nous, en tant qu’employés des médias kurdes, continuerons à être la voix de notre peuple. Aucune puissance ne pourra nous faire taire dans cette tâche.
Nous conclurons avec ce simple message : « nous sommes là ». Nous nous considérons comme responsables de l’information du peuple kurde et du maintien de notre langue et de notre culture. Face à toutes sortes d’oppressions, y compris les attaques meurtrières contre nos collègues, nos plumes continueront d’écrire et nos caméras de capturer la vérité.
Les journalistes du Kurdistan ont toujours rendu compte des massacres, des immolations et des exécutions sommaires perpétrés par l’État turc et cela même au péril de leur vie. Alors que nos collègues perdaient la vie dans une quête de la vérité portée au nom du monde entier, ce sont bien ces sacrifices consentis par la presse kurde libre qui ont permis d’exposer les atrocités commises par l’Etat islamique. Nous n’aurons de cesse de rechercher la vérité, de respecter des normes éthiques exigeantes et de rendre compte de ce qui se passe réellement au Kurdistan et dans le monde. »